Je n'aurais jamais cru pouvoir un jour écrire ces mots : j'ai dû m'accrocher sévère pour aller au bout d'un Malick.


Je relis ces mots et je me dis pourtant qu'il me reste en mémoire de belles images. En même temps, difficile de se planter quand, dans son équipe, figure un gars comme Emmanuel Lubezki.


Je relis ces mots et je me dis pourtant que j'ai retrouvé les aspirations méta de Terrence Malick, sa tentative de voisiner le sacré, ses questionnements sur la nature humaine et sa condition, sa résonance avec son environnement.


Sauf que Song to Song peut être apparenté à une sorte de dérive de son auteur, de hors sujet entièrement matérialisé dès le choix de la toile de fond de son histoire, charriant les pires poncifs, les pires excès, les pires travers.


Un choix étrange qui n'explique qu'en partie la sortie de route


Car je me rends compte, en couchant ces quelques mots que, tout simplement, Song to Song n'offre aucun personnage qui pourrait se révéler attachant aux yeux du spectateur. Une douloureuse première qui investit les deux heures de film d'une impression de méta au ras des pâquerettes, illustrant lourdement l'idée que l'homme crée son propre malheur, sa peine et sa frustration en allant chercher ailleurs l'être aimé ou, encore, la seule sensation d'exister un peu.


En résultent des personnages chamallow et binaires dans leurs comportements : toxiques, stoïques, lascifs, dépressifs ou inconstants. Mais pas de caricatures pour autant, plutôt des êtres envisagés comme des émanations évanescentes, des gens qui, pour la plupart, traversent leur vie comme des fantômes et qui ne savent pas, au fond, quoi en faire. Le tout dans un lieu de perdition : le milieu de la musique et son corollaire : le miroir aux alouettes du show business.


Des personnages qui aiment comme les enfants en bas âge, par fouscade, puis par passade, comme s'ils étaient vidés et n'avaient plus grand chose à offrir à l'autre. Qui aiment du bout des lèvres pour tromper les blessures, la souffrance, le vertige de l'existence. Et par égoïsme.


Et si c'était finalement cela, le propos de Song to Song ?


Seulement essayer de se sentir en vie. Une existence entre universalité de son dérisoire, la peur de la rater, comme Faye, et la volonté de ne pas errer seul en vain ?


Car la fin de l'aventure a beau s'avancer sous des oripeaux de l'amour retrouvé et total, comme il l'était à l'origine, l'heure cinquante-cinq précédente aura fait évoluer des hommes et des femmes égoïstes, qui vont voir ailleurs, qui se blessent, se marquent et se font mal sans en mesurer les conséquences sur l'autre. Des hommes et des femmes qui aiment, surtout, en s'aimant eux-mêmes, avant d'écarter sans explication le sujet éphémère de leur passade, comme Malick les virent soudain de l'écran car ils ont cessé de servir son propos. Alors que les évincés ont aimé, se sont investis dans une relation, ont ressenti.


Oui, il reste les belles images, en lumière naturelle ou baignées des néons de la fête. Il reste la démarche singulière du metteur en scène, mais en se rendant compte que Terrence Malick en est réduit à shooter Rooney Mara devant une station Texaco pour nourrir son hyper mythe de l'être humain dans son errance, en souffrance, il n'est pas interdit de penser, devant Song to Song, que ses envolées lyriques, son élégie, tombent par instant bien bas.


Behind_the_Mask, ghost in the shell.

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le 11 avr. 2020

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