Sonate pour Roos retisse les liens défaits d’une mère et sa fille sur fond de sonorités naturelles et de grands paysages enneigées. Cette fable sensorielle apaisera le spectateur tout en l’émerveillant par instants.


Sonate pour Roos est une mélodie sur une relation familiale inspirée en partie du vécu du réalisateur. Lorsque Roos revient sur les terres glacées de Norvège, elle n’est pas forcément la bienvenue. Si son petit frère l’adore, c’est moins le cas de la dernière partie du trio : la mère. Cette dernière semble trouver la présence de Roos pesante. Pourtant, la douceur est omniprésente dans la vie de cette famille, en tout cas de ce qui l’entoure : grands paysages enneigés, musique (la mère fait du piano, le fils des expériences musicales dans la nature), chiens de traîneaux. Le film est celui d’une double disparition, celle actuelle des relations mère-fille et celle annoncée de Roos. La seconde disparition rendant la première caduque. Les liens familiaux sont ici explorés au plus profond d’eux-même, ils révèlent une absence de dialogue latente, comme si les deux femmes, mère et fille, vivaient sur des planètes différentes. Celle de la musique pour Louise, ancienne virtuose du piano auquel elle a consacré sa vie et sacrifié l’enfance de sa fille, et celle de la photographie pour Roos, à laquelle elle consacre aussi sa vie. Or, pour Roos la photographie est une liberté, un moyen de parcourir le monde et d’échapper au carcan des conventions et de la routine. Ce tableau des relations familiales est complété par Bengt, le petit frère, avec lequel Roos entretient une relation très complice et touchante. La force du film réside avant tout dans la pudeur avec laquelle sont dépeintes ces relations, pudeur qui n’empêche ni la douceur, ni la cruauté de s’infiltrer dans le film.


Regarde les femmes s’aimer


La veine artistique du film fait partie intégrante de la mise en scène, jusqu’aux clichés pris par Roos qui viennent s’ajouter aux images en mouvement. Bengt, de son côté, est dans le monde des sons, de la minéralité aussi. Il est le plus proche de la nature et de son sentiment de puissance comme d’impuissance. Bengt est comme un double du réalisateur : « celui qui essaie de guérir les blessures ». S’il tente d’utiliser la nature pour créer une symphonie sonore, il est aussi celui qui doit harmoniser la famille, la rendre plus solide, même si l’essentiel du drame qui se joue lui échappe. Sur un thème d’une grande simplicité, Boudewijn Koole raconte finalement une histoire de filiation entre l’être humain et la nature, mais aussi des Hommes entre eux. Chaque fois, le parcours est semé d’embûches et de non-dits. La beauté du film réside dans la manière d’inclure les personnages dans un espace vertigineux et beau. Tout fait sens. Comme lorsque Roos se baigne dans un trou d’eau gelée avec son petit frère ou quand ils prennent un bain ensemble. Mais c’est avec la mère que la métaphore se fait le mieux. Cette femme d’une dureté implacable s’occupe avec amour de ses chiens de traîneaux. Ces derniers sont d’ailleurs filmés comme jamais, au plus près des visages et des langues pendantes, de leurs visages si nobles et de leurs courses. Ces détails, c’est aussi Roos qui les voit. Elle regarde simplement les choses, les détails, les toutes petites choses et la caméra est parfois ses yeux et fait de même. Au final, la dureté du film est là, mais livrée dans un bel écrin blanc. La scène finale, ode à l’amour et à la liberté, est aussi glaçante de tristesse que réconfortante de beauté et de pudeur. Au final, rien de se passe, tout se passe, les sens sont en éveil et la caméra se déplace comme dans un rêve, parfois un cauchemar, qui parlent de la vie, tout simplement.

eloch
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le 2 avr. 2018

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