Vu lors d'une projection après un cours de cinéma américain contemporain (70-90). C'est le premier film de Richard Fleischer que je vois bien que j'ai entendu de bonnes choses concernant Mandingo (1975) et L'étrangleur de Boston (1968).


Film dystopique culte et précurseur sur le sujet de l'écologie, Soleil Vert (1973) nous confronte à un univers dépéri et sordide qui est peut-être l'un des plus agressifs auquel j'ai été confronté dans de la science-fiction. Ceci sans doute car au delà du caractère vraisemblable de l'effondrement de la société auquel on assiste, l'image avec son grain et sa texture verdâtre, dépeignant un monde aux allures de bidonville - où la population grouille et prolifère à chaque coins du cadre, dans les cages d'immeubles, ne laissant pas une once d'air au spectateur et au protagoniste qui le parcours - donne à cet univers futuriste un aspect réel et misérable diablement oppressant.


Le récit semble faire se croiser 2 trames, la première est la découverte pour le spectateur du monde dystopique, il s'agit de quelque chose de large qui englobe tout le film dès le montage photographique initial contant la chute de l'humanité, avec la sur-industrialisation, jusqu'à la révélation final. Cette trame majeur dicte au film le travail sur les décors et l'ambiance, qui peuvent fasciner par la démultiplication des formes humaines à l'écran et par la maîtrise visuel de l'architecture futuriste écrasante qu'on retrouve dans la villa de début de film ou au "foyer" (un des plus beaux plans du film soit dit en passant, où le surpeuplement habituel disparaît de l'image pour ne laisser qu'un vieillard face à un complexe aux vitres teintées de blanc sur un sol jonché de petits morceaux de papier). Cet axe du film explique d'ailleurs son didactisme au début avec une insistance sur la disparition des denrée alimentaires et la rareté de certains éléments, mais aussi la focalisation du récit sur des éléments qui donne de la vie à ce monde sans être indispensable à la seconde trame: le traitement des femmes transformées en objet (aspect sur lequel le protagoniste est détestable), la misère dans les rues et la gestion des émeutes, le fonctionnement du commissariat, de "l'échange" et du "foyer".


La seconde trame est beaucoup plus spécifique et directe, il s'agit de l'enquête policière qui drive le film et qui est génératrice de grands moments de tension et d'action. On peut compter trois moments majeurs, le premier meurtre où la mise en scène insiste sur l'effraction avec la fracture de la pierre puis l'utilisation du tuyau comme outil d'escalade pour enfin prendre le spectateur à revers quant à la moralité de l'assaillant; la tentative de meurtre lors de l'émeute avec les plans pris dans le chaos sur les pelleteuses qui engloutissent des humains et avec un étrange déraillement de l'image que je ne m'explique pas techniquement mais qui vient accentuer une surprise dans la résolution de la scène (rappelant beaucoup un procédé que j'ai vu dans La Femme Infidèle (1969) de Claude Chabrol); enfin en diptyque la découverte du complot avec le découpage du procédé montré en détail, en plans séparés par une course effrénée du protagoniste vers l'avant de l'image à mesure qu'il touche la vérité, et le final magistral qui par sa maîtrise de la tension pourrait rappeler un certains Heat (1995) de Michael Mann mais avec une dimension qui me convainc plus, par l'utilisation d'un espace clôt et dans l'ombre, jonché de corps qui font office de mauvaises cibles (proche en ce sens du final de L'Homme au pistolet d'or (1974) de Guy Hamilton auquel s'ajouterais la brutalité morale et visuelle d'avoir des innocents pris entre deux feu, qu'on a chez Peckinpah dans l'intro de La horde sauvage (1969)) pour arriver à un choc physique chaotique et haletant qui déstructure l'espace en faisant s'écrouler différents éléments.


Ainsi, on a un film fort capable de mélanger de vrais bonnes séquences d'action à la découverte d'un univers moralement et visuellement terrible, les deux trames fonctionnent mais le film aurait peut être gagner à être un petit peu étendu pour laisser plus de place à l'enquête qui se résout finalement de façon assez rapide.


KumaKawai
8
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le 18 févr. 2023

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