Je conçois parfaitement que Sin City soit un film qui divise. En effet, il est de ceux qui demandent un degré très précis de sensibilité pour être apprécié à sa juste valeur. Sin City n’est ni un amas de violence totalement gratuite, ni une œuvre subtile et suggestive : le film trouve un équilibre bancal entre ces deux pôles et contraint le spectateur à chercher ce même équilibre dans son analyse. Je pense que c’est là une bonne définition de l’objectivité, qu’on dit légendaire, mais dont Sin City a besoin pour être compris sous toutes ses facettes.



Un univers volontairement décalé



Sin City est un film qu’on pourrait reconnaitre aisément en voyant n’importe lequel de ses plans. Il se démarque drastiquement des films de son époque, des époques antérieures et de celles à venir par son visuel. « Noir et blanc avec rouge sélectionné », comme certains le décriront, les choix de Rodriguez vont pourtant au-delà. Ce n’est pas seulement le rouge mais l’ensemble des couleurs qui sont utilisées pour dépeindre tour à tour la beauté, la violence, l’horreur et j’en passe. Utilisé et sur-utilisé de manière symbolique, le visuel est non seulement une manière de souligner le propos du film mais également de lui donner une essence très différente en instaurant délibérément une dysharmonie des couleurs.


Mais cet étalonnage volontairement raté, laissant d’abord perplexe et irrité le spectateur avant de le plonger dans l’univers unique de Basin City, n’est pas le seul procédé que Rodriguez utilise pour distinguer l’atmosphère de son film. Dans les scènes d’action et de violence, que ça concerne les effusions de sang, les gestes ou encore les déplacements des personnages, tout parait hyperbolique et empreint d’une allure factice. Même les événements sont parfois dépourvus de logique (les personnages blessés à mort survivent, certains dans des conditions absolument fabuleuses). Si ce manque de cohérence peut parfois déranger, je pense qu’il est conçu pour éloigner le monde du spectateur de la dystopie violente qu’est Sin City.



Leur enfer aura un goût de paradis



Sin City porte bien son nom. Malgré le caractère cauchemardesque de la ville, ses habitants y semblent rattachés par on ne sait quelle aura maligne qui les envahit. Le crime est courant et la mort coutumière, le vice qui court les rues semble donner à cette destination son côté pittoresque. La perversion dans laquelle nagent hommes et femmes ne parait pas avoir de limite. Rien n’est sacré car tout est tâché par le péché.


Les principaux personnages des trois intrigues, Marv, Dwight et Hartigan, ont les mains couvertes de sang au même titre que les antagonistes. Tous les habitants de cette ville sont logés à la même enseigne au nom de la survie. Cependant, ce qui attire la sympathie du spectateur pour un criminel et pas pour l’autre, c’est la cause de ses actes. A Sin City, le vertueux n’est pas celui qui ne commet pas, mais celui qui commet pour la justice ou pour l’amour.



Ce feu qui les anime



La passion est un thème récurrent de Sin City. Elle est déraisonnable, démesurée, aussi belle qu’irrationnelle. Elle donne un but aux protagonistes, qui sans elle ne sont rien. Comme dirait Marv, « l’enfer c’est de se lever tous les matins et te demander pourquoi t’es là ». Alors ils se dévouent pour ce sentiment noble et pur pour lequel ils prennent les armes et qu’ils défendent avec toute la brutalité dont Sin City les a chargés, jusqu’à la mort.


Leur salut, ils le doivent à ces femmes, toutes semblables à des déesses. Dawson, Alba, King, le réalisateur les a choisies pour leur charme envoûtant, mais également pour leur force. Pourtant, ce ne sont pas tant les personnages féminins qui constituent l'unique sensibilité de ce film violent, c’est davantage l’amour dont elles sont l’objet. Au milieu des cadavres et des horreurs se dressent quelques « je t’aime », jetés là avec beaucoup de sincérité. Ces perles, plongées dans le sang versé, restent pourtant immaculées.

Mia_Landa
8
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le 24 juin 2019

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Mia_Landa

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