J'ai rarement vu un film ayant comme personnages principaux des individus aussi méprisables. Pas détestables, méprisables. Ce qui est le but du film, étant donné que l'on suit un couple, un homme et une femme, ne pensant chacun qu'à attirer l'attention, qu'à chercher la célébrité. Mais pas ensemble, car ils le font séparément. En conséquence, dès que l'un d'entre eux se met un peu trop en lumière, l'autre essaye aussitôt de lui damer le pion, ne reculant devant rien pour ça. C'est magnifique l'amour, c'est magnifique de se réjouir quand le regard des autres est sur son conjoint. Comment deux tels narcissiques ont-ils pu se maquer ?
Qui c'est qui gagne ce duel ? Ben, la femme, vu qu'elle n'hésite vraiment pas aller très loin, très très loin, trop loin, pour satisfaire son besoin insatiable, quitte à se niquer complètement la santé et l'apparence physique en poursuivant son objectif débile (il y a beaucoup de body horror ici, donc pour les âmes sensibles… !).
C'est le réalisateur norvégien Kristoffer Borgli qui nous propose cette satire, plus à l'échelle humaine que sociétale, pour la raison que les deux protagonistes sont les seuls à agir comme des teubés égocentriques dans le film. Mais, bon, on se doute bien que ce genre de cas est loin d'être unique, surtout depuis qu'Internet permet à ce type d'abrutis de mieux s'afficher. Et j'ai eu le plaisir de reconnaître le joli minois (qui morfle sérieux dans le long-métrage ; big up à l'équipe chargée du maquillage au passage !) de l'actrice Kristine Kujath Thorp, déjà croisée dans l'excellent Ninjababy, qui me confirme qu'elle est pleinement à l'aise dans les rôles de caractères trashs et borderlines.
Le tout est ponctué de séquences imaginaires (à noter le temps d’une de celles-ci, un caméo d’Anders Danielsen Lie en docteur… oui, vraiment dans son propre rôle puisque j’ai appris sur IMDb que l’acteur en tête d’affiche d’Oslo, 31 août exerce la profession de médecin entre les tournages des films dans lesquels il joue… ouah !), sorties de l'esprit perturbé de l'(anti)héroïne, ne faisant qu'encore plus révéler une obsession d'être toujours vue comme un humain à part. Même quand elle semble exprimer des remords par rapport à ses mensonges, elle est guidée par cette nécessité absolue qu'on la remarque.
Ouais, Sick of Myself provoque un malaise constant, durant lequel j'ai ressenti une espèce de fascination pour le jusqu'au-boutisme total de cette dégénérée ainsi qu'une grande pitié pour elle en la voyant se faire du mal à elle-même pour que dalle, pour du vide.
Et le bonhomme dans tout ça ? C'est peut-être la grosse faiblesse du film. En effet, la seconde moitié a tendance à le flanquer fâcheusement de côté, ne le montrant que rarement et sporadiquement, bâclant ainsi l'intrigue le concernant directement, lui. D'ailleurs, à propos de cette dernière, un "artiste", "spécialiste" dans le mobilier, qui vole des idées (et même carrément des objets !) à un grand magasin, en faisant croire ensuite qu'il s'agit de ses créations personnelles, se ferait bien plus vite griller, plus vite balancer, plus vite être foutu face à une plainte, surtout à l'heure des réseaux sociaux.
Reste un beau... euh non... un intéressant portrait féminin, nous venant du pays d'Ibsen, incarné par une comédienne qui, outre son joli minois pulvérisé, a du talent et du charisme à revendre.