Brandon rentre chez lui, il pose un disque des "Variations Goldberg" sur sa platine. Il allume machinalement son ordinateur pour se rendre sur des sites pornographiques.


Il promène son corps nu d'une beauté plastique irréprochable. Il reste allongé, pratiquement immobile, précédant ou allant vers un plaisir solitaire. Tout est figé, froid et sans expression.
Dans le métro, il cherche, un regard, un désir à consommer, mais reste toujours silencieux.
On le suit, juste accompagné par une musique d'agonie (superbe bande sonore de Harry Escott), comme un long requiem épuré et grandiose.


Comme un autisme affectif, la sexualité ne sort pas de la sexualité. Dichotomie entre l'addiction maladive de la jouissance immédiate tel un shoot violent et une porte qu'on aimerait entrouvrir sur le lien à l'autre, à l'amour et au plaisir du partage.


Muré dans sa bulle en verre, dans son béton émotionnel, les mots ne sortent pas, l'expression du visage se fige et se transfigure uniquement dans l'orgasme glacial d'un plan cul aseptisé et sordide.
Détresse profonde. Il baise comme il accouche d'un vide, d'une colère, d'un mal-être, d'une incapacité à ressentir des sentiments...


Sa soeur (jouée par Carey Mulligan) est à l'opposé de lui, dépendante affective et en demande de tout, proche d'un état dépressif et suicidaire, mais c'est par elle que Brandon va devoir faire face à ses imperfections. C'est par elle, que s'en trouvera bouleversé son monde si bien organisé, si bien chronométré.


On retrouve les thèmes de l'isolement, de l'addiction qui compense le mal-être profond, le plaisir immédiat qui entraîne la honte et la désolation. Le nouveau mal (mâle) moderne des solitudes perdues dans les grandes villes high-tech où tout avance trop vite et où le coeur reste en rade, inadapté à l'évolution de ce monde qui laisse plus de place à la consommation directe, planifiée et rapide qu'à «perdre» son temps à s'étreindre «inutilement».


"Shame" est un grand film sur la solitude, sur la détresse des hommes privilégiés qui ont tout, mais qui ne sont plus rien... La mise à nu est à redouter. Elle n'est pas que physique, elle est existentielle.

Nina-Paradis
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le 23 oct. 2016

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Nina Paradis

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