Retour en 2011, à cette époque cela faisait bientôt dix ans que Wes Craven n'avait plus donné de signes de vies très significatifs; certes le réalisateur avait produit et supervisé de très bons remakes de ses œuvres de jeunesse comme La colline à des yeux et La dernière maison sur la gauche mais niveau scénario et mise en scène c'était plutôt la loose complète avec Pulse, le lamentablement mauvais Cursed et même le très décevant My soul to take. On pouvait alors légitimement être tout aussi excité que vraiment inquiet à l'annonce d'un Scream 4 et rétrospectivement on réalise aujourd'hui que le retour de Wes Craven sera aussi son tout denier film et peut être même sa lettre d'adieu au genre.


Scream 4 raconte le retour de Sidney Prescott à Woodsboro dix ans après la vague de crimes dont elle fût à la fois la victime et la survivante. Un retour pour la promotion de son tout premier livre qui ne sera pas de tout repos, le tueur au fameux masque ayant décider de reprendre du service en exterminant une nouvelle génération d'adolescents biberonnés aux films d'horreur inspirés de sa propre histoire.


On semblait tellement avoir perdu Wes Craven que Scream 4 est un plaisir nostalgique de tous les instants, Wes Craven et Kevin Williamson ayant tout simplement réussi l'exploit de faire de ce quatrième volet un film flirtant avec la qualité du tout premier opus de la saga de Ghostface. Dès sa première séquence Scream 4 séduit par son humour, l'efficacité redoutable de sa mise en scène, le plaisir nostalgique de retrouver les sensations du premier film et une formidable et assez drôle mise en abîmes entre Scream et son pendant Stab tout comme entre la fiction et la réalité. Une belle entrée en matière qui permet déjà à Craven et Williamson d'épingler les tortures porn à la Saw et les suites produites au kilomètres tout en gratifiant le spectateurs de quelques participations fortement sympathiques. Scream 4 part donc sur les chapeaux de roues et la bonne nouvelle c'est que le film tient assez bien la distance.


Le plaisir de la nostalgie sera à son comble avec le retour sur l'écran de trois autres personnages emblématiques de la saga avec Sidney Prescott (Neve Campbell), Dewey (David Arquette) et une toujours aussi arriviste Gale Weathers (Courtney Cox). Des personnages toujours aussi attachants qui sont entourés à l'écran d'une nouvelle générations d'adolescents bien moins crétins et insignifiants que dans une bonne flopée de récents films d'horreurs. On notera également quelques nouveaux personnages savoureux comme l'adjointe de Dewey interprétée par Marley Shelton. Une des forces de Scream 4 c'est de redonner enfin aux victimes de slasher une épaisseur et une dimension dramatique en les plaçant immédiatement au dessus du simple statut de chair à carnage. Même avec parfois très peu de temps pour exister à l'écran il est difficile d'oublier pour autant le sort de certaines victimes. On sent même à travers le film et sa thématique interne une vraie envie de la part de Kevin Williamson et Wes Craven de redonner une part d'humanité aux victimes afin de se démarquer de tous ses personnages prétextes ne servant finalement que de faire valoir aux tortures et divers boucheries de psychopathes en tous genres. Le casting est formidable avec Neve Campbell qui offre une belle performance donnant à Sidney la force d'une grande héroïne de slasher et le fragilité d'une victime de tragédie. Wes Craven renoue également avec Scream 4 avec un casting essentiellement composé de comédiens issus de la télévision comme Hayden Panettiere (Heroes), Alison Brie (Mad men) ou la formidable Emma Roberts (Alie Singer)


Scream 4 est aussi un véritable film d'horreur carré, sec et efficace. Wes Craven évite le piège des jumps scares à répétition et donne à son film une facture classique d'horreur old school en refusant l'épilepsie du sur-découpage et la frénésie de la shacky cam. Scream 4 est classique au sens le plus noble du mot et le film offre de bonnes séquences d'horreur, certes bien peu originales mais souvent très efficaces. Les meurtres refusent quand à eux la surenchère de l'effet gore systématique mais demeurent le plus souvent très crus et violents du fait justement de leur froideur réaliste. Là encore Wes Craven frappe juste et offre aux spectateurs le plaisir de retrouver les douces effluves d'un bon vieux slasher d'antan refusant presque que les mises à mort soit spectaculaires ou fun à regarder. La violence des meurtres marque bien plus les esprits par leur aspect dramatique que par leur aspect graphique et spectaculaire. Le film comporte toutefois aussi des moments plus légers comme le final dans la chambre d'hôpital ou la mort de deux flics en poste pour surveiller une potentielle victimes.


Wes Craven et Kevin Williamson prouvent également qu'un film d'horreur peut être très drôle non pas en riant du genre, mais en s'amusant AVEC les codes du genre. Scream 4 est bourré de moments assez amusants et d'excellentes punchlines dont une sur les remakes qui m'a fait particulièrement plaisir "Don't fuck with the original". Mais tout comme le premier Scream ce nouvel opus s'amuse et s'interroge aussi des nouvelles tendances de l'horreur et objectivement le film vise souvent très juste que ce soit sur les remakes, les reboot, le torture porn, les films en vision subjectives, l'envie de casser les structures passés et surtout le cynisme des nouveaux spectateurs pour qui l'horreur n'est plus qu'un divertissement codifié et confortable à regarder enre amis . Les références et les clin d'œil sont nombreux, d'ailleurs Wes Craven s'auto-cite pas mal durant le film ( bonjour les chevilles) mais le plaisir référentiel est presque constant durant tout le film. Pas simplement malin, opportuniste et gratuitement référentiel Scream 4 base aussi toute sa construction sur le schéma d'un remake offrant de nombreuse références au premier film tout en les décalant légèrement ou en les déplaçant dans la structure narrative du film. Scream 4 est donc tout à la fois une vraie suite et une sorte de remake déguisé du premier film ce qui est finalement totalement cohérent avec l'histoire globale et le déroulement en abîmes du film. On pourra certes regretter que Wes Craven applique un peu à l'écran tout ce qu'il dénonce mais comme cela s'inscrit sur une réflexion globale sur le cinéma de genre la pilule reste facile à avaler.


Scream 4 est drôle, flippant et pertinent; trois qualités auxquelles il faut ajouter l'intelligence et le regard presque désabusé que Wes Craven porte sur une jeunesse tellement gavée d'images et de technologie qu'elle semble en avoir perdue la dimension la plus dramatiques des horreurs qu'elle peut voir, subir et reproduire. Comme le dit Dewey " Les drames d'une génération deviennent la risée des suivantes" et Wes Craven semble s'interroger ce qu'il reste à raconter pour un réalisateur de film d'horreur face à une génération qui en a compris toute les mécaniques du genre et qui s'amuse avec cynisme des horreurs qu'il regarde. En revoyant Scream 4 je me suis souvenu de quelques séances de films d'horreur au cinéma avec des adolescents crétins qui faisaient les cons et commentait le film pour faire marrer leurs potes. Difficile de trop en dire sans spoiler totalement le final du film mais Craven porte aussi un regard froidement lucide et tranchant sur une jeunesse prête à tout pour simplement se donner l'illusion d'exister dans un monde qui n'est même plus vraiment connecté au réel, la virtualité semblant aujourd'hui bien plus importante. Wes Craven et Williamson frappent très fort avec cette idée génial de montrer ce désir de faire n'importe quoi juste pour exister aux yeux des autres, cette envie d'être dans la vie plus grand et plus fort que dans la fiction le tout étant relayé par la passivité et la facilité d'univers virtuels dans lesquels on bien a plus envie d'avoir des fans que d'avoir des amis. Scream 4 montre une génération collée à son portable qui tente de mettre sa vie en scène selon des schémas de fiction pour exister un peu plus fort que les milliers d'autres qui font pourtant la même chose. Scream 4 assassine symboliquement avec force, justesse et intelligence la génération Facebook, Twitter, portables et Youtube dont les besoins de reconnaissances futiles et illusoires poussent à faire n'importe quoi.


Triste ironie du sort donc puisque Scream 4 qui marquait un retour en force pour Wes Craven restera son tout dernier film. Un film comme un dernier cri et un ultime coup de sang envers le cinéma de genre moderne qui oublient trop régulièrement la dimension dramatique de ce qu'il raconte pour satisfaire un public en quête bien plus souvent de confortable moments de divertissement que d'inconfortables et terrifiants instants de malaise . De La dernière Maison sur La gauche à Scream 4 toute cette évolution allant de l'inconfort dramatique au divertissement horrifique semble s'écrire devant nos yeux, la boucle étant bouclée le père Wes Craven est maintenant parti tranquillement se reposer.

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le 21 déc. 2020

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Freddy K

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