Contrairement à beaucoup de films mal vendus cette année (on pense en particulier à Monsters), la promo de Scott Pilgrim ne vous mentira pas si vous ne connaissez pas la bande dessinée de Bryan Lee O'Malley. Et d'ailleurs, si vous ne la connaissez pas, il est encore temps de vous ruer chez le libraire le plus proche.

Et à propos de bande dessinée, on va reparler ici adaptation tant le sujet est apprécié. Edgar Wright réussit en effet le tour de force de bien adapter un comic. Il applique à son histoire une recette qui me semble très efficace : il respecte le premier tome au pieds de la lettre. Le film commence par la première case de la BD et enchaine ensuite, via quelques ellipses mais en respectant l'ambiance et très souvent le cadrage, la première histoire pour permettre au spectateur de s'immerger dans l'univers. Une fois que c'est fait, et que le premier boss est battu, le film s'éloigne de l'œuvre originale mais sans jamais en perdre l'essence. Tout est finalement respecté mais est raconté différemment, notamment via des raccourcis temporels (l'histoire ne se déroule ici que sur une poignée de jours d'hiver), pour permettre de reprendre les éléments de six tomes dans 1h45 environ.

Non content de reprendre une excellente bande dessinée blindée de références vidéoludiques, Edgar Wright en profite pour y glisser ce qu'on ne pouvait pas voir sur papier : de l'image et du son. Scott Pilgrim est donc un film également blindé en références de la sorte. Pour ne citer qu'une scène, lorsque le film commence sur l'exact plan de la première case et qu'on découvre Scott et ses amis à l'intérieur d'une maison, on peut entendre que l'un d'eux joue à The Legend of Zelda : A Link to the Past. Et quand Scott se lève pour ouvrir la porte, le spectateur entend le célèbre bruitage de l'ouverture de porte connu dans la saga Nintendo. Ce n'est qu'un exemple parmi des centaines, certains réclamant d'ailleurs de bien s'y connaitre pour tout dénicher. Pour le reste, on vous laisse découvrir.

Si c'est toujours un plaisir de découvrir un personnage d'une bande dessinée à l'écran, ce n'est pas toujours évident quand il s'agit d'un visage humain. Par exemple, je trouve qu'aucun acteur ayant incarné Bruce Wayne ait le physique du milliardaire issu du comic. Dans Scott Pilgrim, Edgar Wright s'en sort honorablement. Si Kim Pine n'est pas comme je l'imaginais, le reste du casting est vraiment très bien trouvé et les acteurs excellents. Mentions particulières à Kieran Culkin (Wallace, le colloc' gay) et Mark Webber (Stephen Stills). Mary Elizabeth Winsteady est resplendissante et illumine chacun des plans dans lesquels elle est.
Quand à Michael Cera, il est ... réussi. Il incarne sans doute un Scott Pilgrim un peu trop mou, plus encore que la version de papier, mais, aidé par les dialogues issus des cases d'O'Malley, il finit par ressembler au véritable Scott Pilgrim.

Bénéficiant d'un budget presque dix fois supérieur à celui de Hot Fuzz, Edgar Wright s'en donne à cœur joie. Tourné à Toronto dans les lieux existants réellement de la bande dessinée, le film bénéficie d'une mise en scène aux petits oignons reprenant parfois les cadrages de la BD et profitant bien de l'hiver canadien. Les combats sont lisibles et l'ensemble très bien fait. Visuellement aussi (et sûrement pour la première fois en matière d'adaptation de comics au cinéma), des effets visuels cartoonesques ont été repris avec justesse. Et pas seulement dans les scènes clefs. Le film est en effet parsemé de retouches numériques pour nous rappeler dans quel univers nous sommes, s'offrant même le luxe de quelques flashbacks entièrement animés par les dessins de Bryan Lee O'Malley.

Bénéficiant d'une bande son que l'on doit à Beck et au producteur Nigel Godrich et donnant envie d'écouter du rock très fort, Scott Pilgrim est donc comme prévu un film très très réussi. Les fans de la BD auront évidemment des choses à reprocher à l'adaptation tant la dernière partie est rapide, enchainant les combats et mettant de coté toutes les sous-intrigues autour des relations entre les personnages (Scott et Ramona mis à part). Et puis tant qu'à regretter, et vu la qualité de la mise en scène, on est évidemment déçu de ne pas voir plus de passages de la BD mis en images.
En terme d'adaptation, la fin est évidemment différente (car écrite avant la sortie du dernier tome) mais s'en sort honorablement, notamment car Wright ne prend pas le risque de faire trop inédit et se contente de reprendre des éléments connus en les plaçant différemment. Ca fonctionne bien, même si on regrettera de ne pas avoir plus de temps.

Enfin, Scott Pilgrim est un film qui est malheureusement trop ciblé. Si la bande dessinée vise un public entre 15 et 40 ans, aimant l'action, les jeux vidéo et aimant lire de relations entre des personnages bien écrits, le film a un coeur de cible encore plus précis, insistant sur les références vidéoludiques et délaissant la romance au profit du combat. Ca te plaira donc à toi, lecteur trentenaire, mais sûrement pas à tes parents ni à tes enfants.
Ça explique donc sûrement le maigre score au box office américain et la difficulté pour le distributeur français de sortir le film en salles ici. Malheureusement pour lui, le coeur de cible en question l'aura déjà vu puisqu'il sait comment se le procurer sans passer par la salle obscure (le DVD et le blu-ray sortent le 9 novembre !).

Mais sortie difficile ou pas, que ça ne vous empêche pas d'aller voir ce Scott Pilgrim vs the World pour ensuite, au choix, écouter du rock de garage, rejouer à Zelda ou lire Bryan Lee O'Malley.
cloneweb
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le 1 oct. 2010

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