Bon,les documentaires sur les fleuves canadiens,c'est assez chiant en général,mais celui-ci est plutôt curieux.D'abord,on ne voit pas couler d'eau,juste du Champagne.Et puis il n'y a pas un seul caribou dans les rues,il n'y a pas non plus dix mètres de neige sur les trottoirs,ni des gens en doudoune qui causent avec un accent ridicule.Et ces bûcherons m'ont l'air bien efféminés,mais de qui se moque-t-on à la fin?Quoi?Vous êtes sûrs?Ah mais non parce que là oui en fait!Vous voulez dire le mec de l'eau de Cologne qu'on se fout sous les bras,Y aisselles?Comment?C'est pas de l'eau de Cologne?Il y a confusion avec Narta?OK,on va pas jouer sur les mots non plus,c'est seulement un peu plus cher,voilà tout.Du coup,il serait question du grand couturier Yves Saint Laurent dans ce biopic qui pique,et qui coud aussi,sur qui on s'est beaucoup excité en 2014 car deux films lui étaient consacrés cette année-là,l'autre étant le "Yves Saint Laurent" de Jalil Lespert.Ca arrive de temps en temps au cinéma,des gens veulent traiter du même sujet simultanément.Déjà,cinq ans avant,on se drapait dans la haute couture avec deux oeuvres sur Gabrielle Chanel,le "Coco avant Chanel" d'Anne Fontaine,et "Coco Chanel et Igor Stravinsky" de Jan Kounen.Mais ça peut concerner d'autres thèmes,comme par exemple le western avec ces deux remakes de "Règlement de comptes à OK Corral","Tombstone" et "Wyatt Earp",sortis en 93 et 94.Ici,c'est Bertrand Bonello qui s'y colle.Il a composé la musique et coécrit le scénario avec Thomas Bidegain,qui passera à la réalisation l'année suivante avec "Les cowboys".Là où le bât blesse,c'est que la vie de ce cher Yves n'est pas passionnante,à moins bien sûr d'être fana de fringues,de guenilles,de falbalas et de folles tordues.Voir défiler des gonzesses vêtues de nippes moches et hors de prix n'est pas ce qu'il y a de plus exaltant,d'autant que Bonello a opté pour une narration éclatée proche de ce qu'avait mis en place Olivier Dahan dans "La môme",avec des aller-retours temporels qui sont supposés mettre de l'animation dans un récit peu palpitant mais qui n'aboutissent qu'à créer de la confusion.Les auteurs font pourtant de leur mieux et couvrent tous les angles,évitant même adroitement le piège de l'hagiographie.La part d'ombre de YSL est évoquée sans fard et le personnage apparait au final comme une sorte de malade mental.Le type était un peu schizo et sa vie semblait compartimentée en trois parties étanches.Le professionnel en premier lieu.Artiste tourmenté et obsessionnel,angoissé comme c'est pas permis,on le contemple aux prises avec les affres de la création.Il apparait que le gars était dopé.On s'est acharné sur ce pauvre Armstrong qui prenait de l'EPO mais ce brave Yves,s'il n'avait pas été overshooté à l'alcool,au tabac et surtout à la drogue,aurait été incapable,si l'on en croit le film,de dessiner la tête à Toto.Deuxième étage de la fusée,YSL le jet-setteur.Il passait ses soirées en fêtes et en boîtes de nuit,endroits où il fréquentait le Gotha de l'époque.Et puis il y a Yves l'accro au sexe,car en plus de ses autres addictions il pratiquait un autre genre de défonce et adorait se balader la nuit dans les endroits mal famés pour s'y faire exploser la rondelle.Un emploi du temps assez encombré donc,qui lui occasionnait une certaine fatigue,ce qui réclamait encore plus de came pour tenir le coup,et ainsi de suite.Tout ceci ne dégage qu'une extrême vacuité et le spectacle de ces happy few dégénérés,complètement à l'ouest,nageant dans le fric et déconnectés des réalités est d'un ennui distingué,surtout qu'ils ont l'air de s'emmerder à peu près autant que le spectateur atterré devant ces conversations creuses et prétentieuses souvent couvertes par des musiques assourdissantes.Autre volet de l'histoire,la relation entre Saint Laurent et son amant Pierre Bergé.Une relation très ambigüe à vrai dire,presque un mariage de raison entre deux personnalités complémentaires.Yves semble ici éprouver une sorte de mépris larvé pour Pierrot,qu'il considère au fond,du haut de sa supériorité d'artiste,comme un plouc.Mais un plouc dont il a désespérément besoin car Bergé,homme d'affaires surdoué,est indispensable à la bonne marche de l'entreprise et dégage le couturier des contingences matérielles qui de toute façon lui échappent totalement,ce qui lui permet de se consacrer entièrement à sa création.Bien sûr,ça marche dans les deux sens car Pierre profite à fond de son compagnon grâce à qui il s'enrichit grassement.D'ailleurs,il veille jalousement sur son investissement et se transforme volontiers en garde-chiourme quand sa poule aux oeufs d'or déraille exagérément.Bergé conçoit Yves comme une marque,à partir de laquelle on peut vendre n'importe quoi,et très cher,effet de la réputation et de la notoriété.Il faut reconnaître à Bonello qu'il a produit un bel objet filmique.C'est un cinéaste solide et talentueux,qui s'appuie sur une direction artistique luxueuse et sans faille.Tout est très beau et la reconstitution d'époque parfaite,il ne manque pas un bouton de guêtre,c'est le cas de le dire.Magnifique image,beauté des décors,des costumes,tubes musicaux vintage,look des personnages,rien ne manque à l'appel et un gros travail a visiblement été effectué.Gaspard Ulliel,dont la ressemblance physique avec son modèle est impressionnante,fait corps avec YSL et se coule de manière stupéfiante dans sa peau,entre évanescence et folie.Jérémie Rénier est un Bergé absolument convaincant,et lui aussi très ressemblant,les deux acteurs ayant manifestement énormément bossé la gestuelle.Louis Garrel est également étonnant.Il incarne le dandy gigolo Jacques de Bascher,qui fut le grand amour de Saint Laurent et le compagnon de Karl Lagerfeld.Saint Laurent est entouré de belles jeunes femmes,qui sont interprétées par Amira Casar,Léa Seydoux et Aymeline Valade,alors que Valeria Bruni Tedeschi fait une apparition remarquable en cliente d'YSL,qui synthétise l'idolâtrie dont le créateur faisait l'objet auprès de la haute société.Helmut Berger revient d'entre les morts pour être Saint Laurent vieux,alors que l'urgentiste des médias Patrick Pelloux a encore déserté son hôpital pour jouer....le médecin marron qui prescrit des opiacés à Yves.Rôle de composition?