C’était couru d’avance.
Depuis le temps, plus personne n’est dupe.
Désormais on connait tous les rouages de ces grandes machines qui consistent à expurger le plus de valeur possible des grandes franchises hollywoodiennes jusqu’à ce que mort par essorage s’en suive.
S.O.S Fantômes n’y échappera pas. Déjà par le passé il n’y avait pas échappé avec sa version girly totalement éventée. Alors pourquoi Sony se priverait-il de remettre ça quand on sait avec quel dédain il a purgé la saga Spiderman jusqu’à la moelle avant de refiler le bébé à Marvel…


L’histoire était donc courue d’avance : on savait déjà quelle formule on allait se bouffer. L’habituelle mise-en-scène lisse, avec la même photo lisse, les mêmes personnages lisses mais tout ça customisé avec les skins de notre franchise adorée.
La seule introduction pose d’ailleurs le ton. Comme à l’habitude il faut que ça s’énerve tout de suite, quand bien même sent-on qu’en parallèle il y a une légère envie d’instaurer du mystère. Ainsi se retrouve-t-on avec tout ce paradoxe qui consiste à montrer sans montrer, à vouloir poser les choses tout en voulant qu’elles défilent en même temps.
En ressort de ça un mystère nocturne javelisé à la lumière numérique, de la musique pompière sans personnalité, des coupes et des travelings trop fréquents pour vraiment poser une situation, et surtout toute la liste de goodies qu’on nous tend déjà en gros plan histoire de bien nous offrir ce qu’on était venu acheter.
Ainsi, tel un symbole, voilà qu’on nous tend dès l’intro un piège à fantômes comme pour nous appâter. Et nous, comme des consommateurs servils, on s’approche de ça à pas balourds tout en sachant pertinemment ce qui va se passer.
Car ce qui va se passer on le sait vraiment par cœur : on sait déjà qu’on aura du bouffe-tout, de l’Ecto-One, des combis, des There’s something strange in the neighbourhood, des éclairs kitschouilles des années 80 et des cerbères de la porte…
…Et tout ça sera servi sur un plateau McDo. Bouffe ta semelle enrichie aux exhausteurs de goûts, rigole bien et tire toi.


Malgré tout, cet héritage n’est pas pour autant un total naufrage, car en guise d’héritier on retrouve Jason Reitman aux commandes de la machine. Et non seulement on peut imaginer l’enjeu qu’il y a pour le fils d’avoir à s’assurer la suite de son père, mais en plus de ça on est aussi en droit de considérer que le bon Jason n’est pas le dernier des tâcherons même si, me concernant, je me retrouve de moins en moins dans son travail.


Or, de ces deux aspects, il peut tout de même en ressortir quelques bons points presque inattendus.
D’abord le théâtre singulier d’un petit village bucolique. Certes, rien d’étonnant pour un Jason Reitman qui s’est transformé depuis quelques films en vendeur de saucisse Herta, mais pour un Ghostbusters il faut avouer qu’il fallait oser.
De l’autre il y a aussi ce minimum de savoir-faire reitmanien qui fait qu’on ne nous fourre pas tout de suite le burger dans la bouche. Il y a un certain effet d’attente et de désirabilité qui est légèrement dispensé en début de film, si bien que lorsque les éléments de fan service débarquent, ils savent faire leur petit effet…


J’avoue que la première exploration dans la cave guidée par le fantôme d’Egon fut pour moi un moment plutôt agréable. Ça jouait de l’aspect « transmission » cher à Reitman et qui est au cœur de ce projet baptisé héritage.
Idem, les premiers tirs au fusil à proton m’ont refilé un petit frisson. Ah ça ! La nostalgie, ça marche toujours. Pas étonnant qu’ils en profitent à ce point…


D’ailleurs, je me suis étonné de constater que ce fut parfois lorsqu’il s’éloignait le plus de son univers d’origine que ce film a su se faire le plus convainquant et le moins irritant à mes yeux.
D’un côté il y avait dans cette relation Phoebe / Podcast un petit côté Goonies pas trop désagréable, quand à côté de ça il y avait le personnage de Gary qui ajoutait ce petit brin de décalage (mais vraiment un tout petit brin) qui aurait pu s’avérer salutaire sur le long terme.
Et même si cette première partie a peiné à décoller de par le manque criant d’épaisseur des personnages, elle est parvenue malgré tout à exister en tant que film à part entière, sachant laisser les jouets Ghostbusters au placard, ce qui est loin d’être inopportun.
Car oui, l’air de rien, c’est aussi parce qu’il a pris la peine d’essayer d’exister sans le poids de sa franchise que l’introduction de tous ses éléments constitutifs n’en fonctionnent que mieux…
…Enfin quoi que.


Parce qu’étonnamment, sitôt un élément de la saga est-il mobilisé que le film devient tout de suite bien plus paresseux.
Les scènes sur fond vert sont les premières à jurer. Sans qu’elles soient non plus totalement affligeantes, elles manquent terriblement d’impact dans ces moments de tension. Les images numériques déjà mal vieillies n’aident certes pas, mais la direction des acteurs lors de ces séquences peine aussi à convaincre.
Quand il s’agit de partir à la chasse au bout sur sa sellette, la jeune Mckenna Grace est tantôt en train de se débattre, tantôt en train de tenir son arme comme une canne à pêche où rien ne mord. Franchement ça fait tache et moi ça m’a régulièrement sorti du trip.


Et malheureusement, plus le film avance et plus il se délite.
Forcé d’abattre ses cartes à fans, on sent que Reitman rentre dès lors en mode automatique.
Difficile d’ailleurs de ne pas voir une certaine nonchalance dans la mise en scène du bon Ivan. Qu’il s’agisse de la première grosse sortie de l’Ecto-One ou du retour du grand vilain, tout se fait sans panache, sans tension soudainement soulagée. Ça arrive là parce que ça doit arriver et puis ensuite on passe à autre chose.
On ne s’attarde pas. On ne cherche pas à donner du relief ou de l’écho.
Ainsi ne se retrouve-t-on qu’avec tous les inconvénients du fan service : celui de subir sa mobilisation en gros sabots, mais sans pour autant bénéficier de la jouissance qui pourrait y être associée.
Bref, zéro bénef.


Dans cette veine-là, le dernier tiers sombre dans le néant.
Totalement téléguidé pour enchainer les produits à vendre, Reitman s’en retrouve réduit à se transformer en J.J. Abrams local au service d’une reprise Katelyn-Kennedesque de la franchise.
Tel un nouveau Star Wars, le nouveau Ghostbusters se retrouve à ressucer la trame du premier (tout en oubliant au passage l’existence du 2), enchainant alors les obligations avec un manque de conviction assez consternant.


A ce sujet, tout ce qui a trait à la transformation de Callie et Gary en cerbère de la porte et maître des clefs est assez désespérant. Simples prétextes à des passages sans tension et presque comiques, ils rentrent en total décalage avec l’esprit de la saga. Le pompon est d’ailleurs atteint avec des retrouvailles copulatoires que Reitman a décidé de tourner comme un petit sketch pas sérieux. Vraiment navrant.


Et à ce petit jeu-là d’ailleurs, le final est cataclysmique.


Parce que l’air de rien, si on prend bien la peine d’y regarder, le grand final se paye quand même le luxe de se dérouler au beau milieu d’un banal champ de patates et avec un déroulement des plus navrants. Au milieu de tout ça, le retour des anciens tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe, sans aucun effort de mise-en-scène, et se déroule jusqu’à son final sans la moindre tension.
Même le clin d’œil fait à Harold Ramis se révèle au final plat et surappuyé. Aucune grâce, aucune pudeur, aucune magie. Juste un spectre numérique qu’on observe sous toutes les coutures au beau milieu d’un champ de patates.
Pour un film qui entendait parler d’héritage, voilà qui est quand-même bien triste.



En fait, en ressortant de ce film, l’impression que j’en ai eu a surtout été celle d’avoir assisté à deux films qui ne se sont jamais rencontrés.
D’un côté un film que Jason Reitman a voulu faire dans son « monde des choses simples », avec ses personnages habituels de femmes « modernes » et d’enfants lisses, et de l’autre côté il y avait ce cahier des charges Ghostbusters, sans plus-value, sans idée nouvelle, sans même l’envie de faire quoi que ce soit de neuf.
Comparer ce film avec la première suite de Ghostbusters en dit d’ailleurs long sur ce qui a pu se passer en trente ans. Car si on ne peut ignorer le fait que Ghostbusters 2 a aussi été fait dans l’idée de tirer profit d’un univers qui avait bien marché, il n’empêche de l’autre qu’il y avait eu un tout autre niveau de réflexion de porté sur ce que se devait être une suite du film de 1984.


Dans Ghostbusters 2 on garde les mêmes personnages et les mêmes décors que le précédent film, mais on recompose la formule afin de faire en sorte que ça reste pareil tout en étant différent.
Or la grande force qui a été celle de Ghostbusters premier du nom, ça a été de jouer sur l’architecture new-yorkaise. Bien que récente, cette ville regorge de singularités architecturales qui disposent d’un fort potentiel fantasmagorique.
En transformant un building avec gargouilles en antenne maléfique doublée d’un temple voué à un vieille divinité, Ghostbusters opérait cette magie formidable de glisser du fantastique dans le familier. Même chose quand il transformait une caserne de pompier en forteresse imprenable ou bien encore une bibliothèque en manoir à spectres.
Cette formule, le 2 a su la respecter tout en la transformant. La ville était la même mais les lieux choisis furent différents. Musée, égouts, Statue de la Liberté : autant d’icones rappelées à leur incroyable force visuelle. Pour moi ce fut d’ailleurs une vraie réussite. L’une des meilleures suites jamais réalisées.
Or face à ça, que fait Reitman-fils avec son héritage ? Il ne dispose déjà plus des personnages d’origine, mais voilà qu’en plus il se permet de quitter New-York, se coupant ainsi d’un élément fondateur de l’ADN de la saga. Que lui reste-t-il dès lors pour faire de son Ghostbusters un vrai Ghostbusters ? Rien… A part des références servies ici et là…


Seulement voilà, avec de tels choix – et surtout aussi peu d’entrain à le mettre en forme – ce film n’est clairement pas un Ghostbusters.
C’est un film standard des années 2010-2020 avec un skin Ghostbusters et rien de plus. Le film auquel on s’attendait tous depuis le départ en somme…
De quoi bien blaser, car n’est-il pas triste qu’on en soit arrivé à un point où on va voir des films tout en sachant à l’avance ce qu’on aura, sans réelle surprise possible ?


Alors certes, sur ce point-là – et comme je l’ai dit - Ghostbusters n’est clairement pas le pire film du genre. Néanmoins il m’attriste du simple fait qu’il vienne rajouter une pierre de plus à ce long mur de l’aigreur qu’est devenue aujourd’hui l’industrie à grand spectacle étatsunienne.
Voilà un bien étrange hommage de rendu à Harold Ramis. Lui qui avait su concilier enjeux économiques et enjeux cinématographiques, il est tout de même bien consternant de constater qu’aujourd’hui il ne reste plus de cet esprit qu’un pale spectre transparent reconstitué en image de synthèse.
Un spectre qui tend d’ailleurs à disparaitre progressivement à force d’être dilué…
…Un spectre qu’un jour malheureusement, on finira peut-être par oublier.

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le 4 déc. 2021

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