Qui se souvient de Peter Brand (Jonah Hill) l'assistant manager du club de baseball des Oakland Athletics dans le film Le Stratège de Bennett Miller ? Ce personnage résume à lui seul les nouvelles méthodes sportives quant à l'utilisation des tableurs et de l'algorithme au profit du flair dans la recherche du joueur idéal. L'analogie avec la politique des majors vacillantes et des cols blancs armés de MacBooks dans l'élaboration de projets bankables est des plus troublantes. Ces nouveaux technocrates incluent l'onglet "nostalgie" dans leurs tableaux Excels dans le but de lutter contre la sinistrose ambiante des années 2010. Une méthode cynique qui n'en était pas encore une lorsque Spielberg et JJ Abrams mettaient la machine en route avec la perle Super 8, ode aux productions Amblin. Un hommage aux années 80 avec en ligne de mire, le Zombie de George Romero. Succès.


La suite est moins heureuse. De licences sucées jusqu'à la moelle aux séries cannibalistes (Stranger Things), l'offre écrase la demande en se souciant peu du matériau d'origine. Les cadors, eux-mêmes, droits dans leurs bottes, s'écrasent au box office en reprenant à leur compte l'idéologie fantasmée d'un Septième Art passé et triomphant qu'ils ont bâti pierre après pierre : Spielberg et son Bon Gros Géant, projet sensiblement proche de son Hook puis Sacrées Sorcières de Zemeckis également basé sur les écrits de Road Dahl sans parler du The Predator de Shane Black estampillé "Tough Guy" à l'ancienne. On peut très bien imaginer ces mêmes films asseoir leur réputation de classique de l'entertainment trente ans auparavant dans un contexte Reganien où le dollar coulait à flot.


Seulement le rapport à l'image n'est aujourd'hui plus le même. Lorsque l'on sait qu'un évènement majeur comme Mank de David Fincher représente à peine le show de la semaine sur une plateforme parlant plus de contenu que de films dans un capitalisme culturel galopant. Un glissement sémantique qui révèle la banalisation d'un Art majeur relégué au stade du format télé. Un discours de vieux cons pour certains, une avancée majeure pour les autres. Un constat, pourtant, la puissance de l'image est aujourd'hui émoussée. De cet état de fait, la nostalgie est reine en son royaume et se raccroche à une période de "bien être" cinématographique et l'émergence d'un Art qui affichait sa modernité mais conservait sa patte artistique par le biais de ce que l'on nomme à notre époque "Le practical" ou l'effet en dur.


L'autre aspect fondamental, signe des temps nouveaux, concerne le blockbuster actuel polarisé non plus sur une croyance fondée sur la fascination et la performance esthétique ou technique mais sur l'authenticité de ses formes quitte à polir l'oeuvre de son éclat ludique. Les chefs de file que sont Nolan et Villeneuve peuvent en témoigner avec leurs derniers opus conceptuels, géométriques et (ou) athéistes à défaut d'être magiques. De nouvelles propositions plus conformes aux aspirations d'une toute nouvelle génération de spectateurs.


L'enfant de Ghostbusters premier du nom peut-il se forger une place alors qu'aucun de ses atouts ne peut draguer le cinéphile contemporain ? L'Héritage tient plus d'une envie de retrouver l'innocence d'une époque et de s'imposer sur la scène du rollercoaster comme un vecteur culturel témoin d'un savoir faire perdu dans les méandres de la synthèse contemporaine. Ghostbusters : Afterlife sonne alors comme un retour aux sources s'éloignant le plus possible d'une forme de modernisme alors que ses aïeuls ne cherchaient qu'à placer le marqueur toujours plus haut dans une quête de séduction et de réussite symbolique capitaliste. Ivan Reitman tirait la mythologie du permier volet vers les cimes des puissants immeubles New Yorkais. Venkman, Spengler et Stantz vainqueur de l'envahisseur sur leur propre terrain assurant l'avenir économique d'une ville voire d'une nation entière sous les applaudissements de ses habitants. Si nous ne sommes pas loin d'une architecture New Yorkaise souveraine reflet de la vanité de l'homme et en l'occurence du yuppie, il n'en sera pas de même pour ce second sequel qui jouera la carte de l'humilité.


Ghostbusters : Afterlife est le double retour du film pionnier : Le premier, au sein de ses entrailles. Une conception héritée d'une fabrication artisanale (blue screen, animatronics, rotoscopie, trucages optiques). Une mise en scène posée presque souple et jamais ostentatoire. Une écriture qui prend le temps de brosser ses personnages et son environnement avant de délivrer sa batterie de SFX. Aucun doute sur la note d'intention, l'idée première de Jason Reitman fils d'Ivan est bien de marcher dans les traces du classique de son Papa. Il ira même au-delà de cette frontière en allant carrément braconner sur les terres de Spielberg en lui rendant des hommages prononcés : Gremlins, Le Secret de la Pyramide, Les Goonies et Rencontres du troisième type quand il ne sont pas délivrés frontalement par le biais du souvenir de la tendre VHS dont on vous laisse découvrir les oeuvres qui en disent long sur cette période riche en B-movies.


Le second retour du film pionnier repose sur l'opposition environnemental. Le lieu où se déroule l'action n'est plus New York mais une petite ville minière perdue des E.U. Les années Reagan s'effacent pour laisser place à un cadre rural ouvrier. Un morceau de terre qui agit comme une bulle temporelle. À l'intérieur, une quincaillerie, un cinéma et un drivin' typique des sixties d'American Graffity. Ghostbusters : Afterlife en profite pour redonner la parole aux nouvelles générations. Les ados se taillent la part du lion entre amour naissant et aventure hors-normes. Jason Reitman évite l'écueil de la régression mais n'hésite pas à faire "reset" sur tout un pan de la culture cinématographique américaine en ramenant le blockbuster à sa forme initiale, celle de la montée progressive des enjeux en une forme d'onanisme du plaisir visuel avant d'en délivrer le climax en fin de course. Retour aux règles élémentaires et fondamentales de l'écriture.


Tant de bonnes intentions méritent des applaudissements mais la machine à remonter le temps oublie aussi l'essence de son premier volume. Un précipité que seul les auteurs du Ghostbusters original ont su apporter et qui contribue à l'émulsion si particulière du premier volet : La Saturday night live's Touch. Et c'est bien là où l'exercice de duplication est le plus complexe car Afterlife a le désir d'émancipation tout en conservant l'esprit du film de 1984. L'orientation visuelle a toutes les chances d'atteindre sa cible nostalgique mais il sera bien difficile de reproduire le fluide de l'original puisque le cast originel en est (en partie) tout bonnement absent et que la plume de Harold Ramis n'est pas de mise. Retirer ce qui fait le substrat de la franchise au profit d'un apport immédiatement identifiable est la vertu de ce nouveau segment mais aussi sa faiblesse la plus importante sans compter que les surprises offertes ne sont pas légion.


Dédié à Harold Ramis , Afterlife caresse l'espoir d'un renouveau de la franchise. L'effort et l'amour des auteurs envers le matériau donnent raison quant à son existence. Pourtant, est-il bien raisonnable de fouiller la mythologie des vieux fantômes ? La tête pencherait indéniablement vers le non mais le coeur à ses raisons que la raison ignore...

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le 26 nov. 2021

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