Un petit tour en 1984 et puis un autre en 1989 et puis c’est tout, plus rien pour le cinéma, la série des SOS Fantômes semblait condamnée à ne rester qu’une licence culte des années 1980. Il y a bien eu quelques tentatives pour ramener la franchise sur le grand écran, sans résultats. Cela n’a pas empêché celle-ci de perdurer malgré tout sur d’autres supports, dont des séries animées, des bandes dessinées ou des jeux vidéo, dont celui de 2009 (réédité en 2019), écrit par Dan Aykroyd et Harold Ramis, acteurs et scénaristes du premier.


Pourtant, en 2016, un projet arrive à se concrétiser, confié à Paul Feig.


Les critiques sont mitigées. Les fans sont énervés de ne pas voir « leur » SOS Fantômes. Le premier trailer du film est alors la vidéo de film la plus « dislikée » sur Facebook. Sur les réseaux sociaux certains s’en prennent aux comédiens ou à l’équipe technique. On peut d’ailleurs y voir une référence dans le film. Sans défendre ces guignols qui ont alors jugé le film sans l’avoir vu, il est vrai au visionnage que certaines décisions prises interrogent. Mais il faut tout de même reconnaître au film certaines qualités, qui lui permettent d’être un divertissement tout à fait recommandable malgré l’ombre écrasante de ses aînés.


L’une des plus grandes directions prises, c’est d’offrir à la licence non pas une suite mais un reboot. Cela permet de garder le même ton, celui d’un film d’action à l’humour bon enfant et au spectacle garanti, mais en installant de nouveaux personnages. La coupure est nette, les événements des films des années 80 n’ont pas existé, ce qui restait douloureux à accepter pour les fans de la série. Les personnes responsables de ce choix ne voulaient probablement pas s’enquiquiner d’un héritage aussi lointain, ni d’expliquer ce qui avait pu se passer entre temps, afin de séduire le nouveau public de 2016. C’est pourtant la voie qu’a choisi la suite de 2021, la bien nommée SOS Fantômes, L’Héritage, montrant que c’était possible.


La nouvelle distribution est composée de trois scientifiques, Erin, plus terre-à-terre, un peu vieux jeu, qui cherchait la respectabilité d’une carrière universitaire avant qu’elle ne retrouve Abby, une ancienne amie et camarade avec qui elle avait écrit un livre sur le paranormal. Abby n’a pas quitté ce milieu de l’étude du surnaturel, aidée en cela par Jillian, inventeuse un peu déjantée, Geo Trouvetou du groupe. Par la suite Patty les rejoint, elle n’est pas scientifique mais connaît New-York comme sa poche. Toutes les quatre décident de fonder leur agence de chasseuses de fantômes, suite à l’apparition de nouveaux cas dans la ville.


Les ressorts restent les mêmes. Elles partent de peu, bricolent leurs outils et installent leur QG, cette fois en haut d’un restaurant chinois. Leur véhicule ne sera pas une ambulance mais un corbillard, l’idée est amusante, prêté par l’oncle de Patty, redécoré à leurs couleurs. Progressivement elles se feront connaître grâce à leurs exploits, sans que cela ne soit forcément gagnant car elles sont accusées de mentir au public et de tricher sur leurs intentions.


La comparaison n’est pas en leur faveur, face à l’excellente distribution originale, composée de caractères plus singuliers, mieux distincts. Pourtant, Melissa McCarthy, Kristen Wiig, Kate McKinnon et Leslie Jones assurent une bonne prestation et offrent une équipe assez sympathique, bien qu’il aurait pu être agréable de les développer un peu plus. Mais là où les deux premiers volets s’en sortaient mieux, c’était aussi grâce à leur humour, distillée avec une certaine décontraction par des comédiens et humoristes habitués à cet humour à froid.


Dans celui de 2016, les actrices viennent aussi en grande partie du Saturday Night Live, émission satirique culte des États-Unis. Mais l’humour a changé. L’une des directions prises par ce reboot est d’offrir des gags plus explicites, et notamment dans sa première partie, cela se calmant par la suite. Plusieurs plaisanteries portent sur le corps, sur les pets, les slips souillés et autres vomis même démoniaques. Paul Feig n’a pas été choisi par hasard, on lui doit le succès Mes meilleures amies en 2011, qui osait rire sans pudeur des femmes et avec les femmes de leurs petits tracas. Grâce à lui la plaisanterie vulgaire n’est plus l’apanage des hommes, et c’est tant mieux. Mais ici cet humour assez américain, plus direct, jure un peu.


Le film étant une incarnation du « girl power » actuel, il a au moins le mérite d’essayer de proposer de nouvelles formes d’humour, de nouvelles idées. On peut le remercier de ne pas nous imposer d’histoires d’amour, même si Erin n’est pas indifférente aux charmes de leur secrétaire, Kevin. Joué par Chris Hemsworth, celui-ci est une inversion de l’habituelle secrétaire belle mais idiote. Kevin est beau, mais il est surtout bête comme ses pieds, ne comprenant jamais vraiment les instructions, participant aux conversations sans les comprendre. Il est amusant, il est bogoss, mais le film s’appuie un peu trop sur cet humour. Heureusement le scénario lui offrira de nouvelles responsabilités par la suite.


Cette nouvelle version se voulait donc plus drôle que les précédentes, dans une autre tonalité, plus agité et plus proche de son casting féminin. Une distribution féminine qui a fait grincer des dents, certains accusant Hollywood de « féminiser » leurs franchises, comme si cela devait être un gros mot. Un casting d’ailleurs que Paul Feig connaît assez bien, puisqu’il retrouve Kristen Wigg et Melissa McCarthy, avec qui il a déjà travaillé plusieurs fois. Cet humour plus 2016 est une vraie volonté, il suffit de le constater dans les bonus des éditions physiques, rempli à ras bord de prises alternatives et d’improvisations des comédiens. On peut d’ailleurs se laisser amuser à rêver d’une fonctionnalité spéciale, où le spectateur pourrait garder « sa » meilleure blague pour composer un film plus drôle car plus à son goût.


Cependant, si cette nouvelle version s’engage dans cette voie pas toujours réussie d’un humour un peu plus direct, elle propose aussi pour se distinguer un lot d’effets spéciaux, culminant dans une seconde partie assez explosive. Les effets spéciaux sont devenus numériques, le film s’engage sur une représentation visuelle de fantômes aux halos fluos, pourquoi pas. Cependant que ses effets spéciaux « débordent » de leur cadre, du format du film est assez surprenant. Les tirs des armes passent par ainsi les bandes noires, de même que pour d’autres projections d’effets spéciaux. Ce qui pouvait fonctionner en 3D jure un peu sur des supports « plats ». Ce choix rappelle que le film est aussi un spectacle de fête foraine, prêt à épater la galerie, mais évoque aussi que ce SOS Fantômes est et reste un film, nous sortant parfois de son histoire et de son cadre pour nous rappeler que nous sommes devant une fiction.


Heureusement le film est si généreux dans sa seconde partie, qu’il nous offre vraiment le spectacle « SOS Fantômes » tant attendu. Les deux premiers volets savaient mieux doser leur installation, créant une certaine attente devant la dangerosité de l’antagoniste. Mais en dehors de quelques scènes marquantes les deux films proposaient une conclusion un peu trop vite bouclée, nous laissant sur notre faim. Ce reboot de 2016 s’aligne sur le haut niveau d’exigence des blockbusters de ces années, la confrontation finale est longue, remplie de plusieurs étapes, toutes surprenantes, culminant dans un dernier affrontement spectaculaire.


Cette dernière partie ne manque pas de références aux deux premiers, au point tout de même de s’interroger de ce que fait ce reboot de cet héritage. Cette nouvelle version veut faire table rase, proposer une nouvelle histoire mais pourtant s’engage à caresser les fans dans le sens du poil en proposant de nombreux clins d’oeil. De manière générale, les références au passif monstrueux de la saga sont assez bien vus, car après tout ils sont irréels, fantasmagoriques, on peut en faire ce qu’on en veut.


Mais d’autres clins d’oeil sont mal intégrés, jouant parfois la carte du décalage qui se veut inattendu (l’origine du logo, les références aux paroles de la chanson, bof) mais se révèle trop souvent mal placé. Quel intérêt de placer le célèbre thème à la fin de l’introduction, alors que la tension est retombée et qu’il n’y a aucun « Ghostbusters » à l’horizon ? De même, tous les principaux acteurs des deux premiers, à l’exception de Rick Moranis, sont présents. Les trois chasseurs de fantômes survivants sont présents, mais dans des petits rôles le plus souvent ingrats, des contre-points à leurs glorieuses prestations passées. Le chèque a dû être convaincant, leur présence ne l’est pas. Le film semble un peu hésiter, proposant un reboot assez sec, et pourtant de multiples références à des éléments ou des acteurs de films qui ne sont pas sensés avoir exister dans la chronologie de cette version 2016. Des références pas toujours très bien utilisées, loin de là.


Malhabile, le film l’est assurément. Mais sans être à la hauteur de ses modèles, il fait renaître la série avec de nouveaux atouts dont son casting féminin, son humour (pour ses meilleures plaisanteries) ou ses effets spéciaux, l’essentiel étant préservé. La dernière scène annonçait une possible suite, l’équipe avait signé pour deux autres films, Sony voulait relancer la franchise. Suite à des résultats au box-office décevant, cela ne fut pas le cas.


Heureusement, il n’y eut pas besoin d’attendre à nouveau 27 ans car les chasseurs de fantômes sont revenus à l’écran en 2021, pour une suite directe, assez différente et que je vous recommande.

SimplySmackkk
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le 7 déc. 2021

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