Jackie Chan à la conquête d'Hollywood

J’avais aimé les deux premiers Rush hour quand j’étais gamin, mais entretemps j’ai exploré la filmographie asiatique de Jackie Chan, je suis devenu fan de l’acteur, j’ai regardé plus de 70 de ses films, tous ses meilleurs et certains de ses pires, … et je me disais que si je revoyais Rush hour, j’aimerais sûrement beaucoup moins.


Dans les bonus du DVD anglais de Wheels on meals / Soif de justice, le réalisateur Brett Ratner (tâcheron notoire ayant fait X-men 3 et Hercule, et qui traîne la réputation de ne rien foutre sur les plateaux), racontait qu’il était fan de Jackie Chan, et que c’était son idée de le ramener à Hollywood pour l’allier à Christ Tucker.
Le cinéaste s’occupait de l’histoire, tandis qu’il confiait la responsabilité des combats à la star Hong-Kongaise… ce qui ne l’a pas empêché de demander à Chan de réduire les combats pour qu’ils ne durent que quelques minutes, supposément parce que le public Américain ne peut garder son attention trop longtemps et préfère suivre une histoire. Ce qui, évidemment, est une ânerie monumentale si on tient compte rien que du succès passé des films de Bruce Lee aux Etats-Unis ; une ânerie d’autant plus surprenante venant d’un réalisateur qui prétend adorer à la fois Jackie Chan et Bruce Lee.


Ratner avait l’air de dire que l’intrigue de Rush hour était importante, mais elle reste très légère et sert surtout à mettre en place un buddy-movie classique : la fille d’un consul Chinois se fait enlever à Los Angeles, et l’agent Yan Lee est appelé aux Etats-Unis pour enquêter. Afin de se débarrasser le lui et mener l’enquête eux-mêmes, le FBI demande au policier James Carter d’emmener Lee sur une fausse piste. Mais, bien sûr, c’est ce duo qui va finir par résoudre l’affaire.


Carter, joué par Chris Tucker, est l’héritier d’Axel Foley dans Le flic de Beverly Hills : un afro-américain à grande gueule et baratineur, qui blague à tout va (même dans les pires moments, quand la vie d’autrui est en danger), un incompétent qui s’amène en retard, ne suit pas les ordres, et fonce tête baissée. On se demande comment il reste en vie.
Tucker n’est absolument pas crédible, et dès sa première apparition, tu devines qu’entendre trop souvent sa voix suraigüe risque de devenir irritant (c’est le cas, mais au final, pas autant que je le craignais).
L’acteur avait apparemment des points communs avec son personnage, puisqu’il arrivait aussi en retard sur le tournage…
Chan est censé faire contrepoids dans le duo, en se montrant plus sérieux (et compétent), mais il est moins guindé que dans mes souvenirs, et il lui arrive de faire preuve d’une candeur agréable et d’une bonne humeur communicative.


La rencontre entre les deux héros et le quiproquo de leurs débuts est assez amusant, tordant le cou à un cliché sur les étrangers… et pourtant d’un autre côté, on frôle le racisme plusieurs fois avec les blagues sur les personnages asiatiques.
Mais le concept du choc des cultures est très peu exploité : Lee n’est pas vraiment perdu une fois aux USA, il n’a aucun souci d’adaptation, et tout juste un problème de compréhension à un moment, qui déclenche une bagarre. Or, le concept de la saga est censé se baser là-dessus : sortir des personnages de leur élément (dans la suite, le duo va à Hong-Kong, et dans Rush hour 3, à Paris).
Il y a tout de même de bonnes scènes comiques entre Tucker et Chan, qui jouent sur leur contraste, bien que rien ne soit tellement original. Ils finissent assez facilement à s’entendre et se rapprocher, sans qu’on y croie trop ; il suffit d’une séquence sur de la musique, un peu de danse, et les voilà camarades : lors du combat suivant, ils s’entraident en tabassant des criminels dans une chorégraphie qui nécessite deux personnes.


Les séquences d’action m’ont plutôt agréablement surpris, car Ratner et son monteur ont eu le bon sens de ne pas les surdécouper ; ça devrait être normal, mais quand on voit la plupart des montages de films d’action américains, et notamment ceux de Jackie Chan, ça vaut la peine d’être signalé !
Il y a des plans continus qui laissent voir l’acteur effectuer ses cascades sans trucages et enchaîner quelques coups. On retrouve, comme d’hab avec Chan, un usage amusant du décor, notamment lors d’une scène où il doit protéger des objets rares tout en se battant ; ça a déjà été vu ailleurs, mais on nous présente ici une variante réussie.
Le rythme des combats est respecté, l’action n’est pas mal pour être honnête, mais on nous laisse quand même sur notre faim. Rien que la poursuite du méchant au tout début du film se termine beaucoup trop vite.


Pour ce qui est du reste du scénario, c’est pas toujours cohérent (le plus aberrant étant le départ discret de Carter alors qu’un homme de main braque tout le monde avec un uzi), le "twist" quant à l’identité du méchant est prévisible dès sa première apparition, et le set-up/pay-off avec la collègue policière se voit venir de très loin.
Rush hour ne vole pas bien haut, mais c’est un divertissement correct ; je m’attendais à bien pire.
En tout cas, c’est sûrement le moins mauvais des films américains de Jackie Chan : c’est beaucoup moins raciste que Shanghai kid, beaucoup moins facepalmique que Le smoking, et beaucoup mieux monté que Kung-fu nanny (Jackie Chan dans le Bronx et Mister Cool ne comptent pas même s’ils sont tournés en Anglais et se déroulent aux USA, car c’est des productions Hong-Kongaises).


Mais l’importance de Rush hour réside surtout dans l’effet bénéfique que ça a eu sur la carrière de Jackie Chan. Il avait déjà essayé dans les années 80 de percer aux Etats-Unis, sans que le succès soit au rendez-vous ; or le film de Brett Ratner a cartonné et a vraiment fait de Chan une star internationale, ça a aidé la sortie ou ressortie d’autres de ses films aux USA et dans le monde, … et ça a aussi engendré pas mal de navets (Le médaillon et Le tour du monde en 80 jours, en plus de ceux déjà cités).
D’ailleurs, ce plan dans Rush hour où Lee s’accroche à un panneau "Hollywood" pourrait être représentatif de ce tournant dans sa carrière, que ça ait été fait sciemment ou non.
Est-ce que Jackie Chan aurait pu avoir un Oscar d’honneur en 2016 sans ce film ? Pas sûr.

Créée

le 19 sept. 2019

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Wykydtron IV

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