Canet met Guillaume en scène. Pour exorciser la quarantaine et les angoisses du métier. Se moquer aussi, peut être. De lui, du "milieu", de la vie, de nos petites vanités d'êtres humains. On le trouve partout, de chaque côté de la caméra de ce qui aurait pu être un mockumentary. Une idée abandonnée car déjà exploitée largement par d'autres. Canet mettra donc en scène un Guillaume qui lui ressemble mais qui n'est pas tout à fait lui.
Le choix de la forme répond au fond sur ce point. Car c'est de l'image que Canet veut nous parler. Celle que l'on a de nous-même, celle que les autres ont de nous, celle que l'on croit déceler dans le regard de ces autres, surtout.


Voilà donc Guillaume coincé dans la vraie fausse vie de Canet. Une vie loin du velours feutré des tapis rouges et du clinquant des diamants Cartier, une vie un peu plus H&M que que Yves Saint-Laurent. Bref une vie réelle, une vie banale. Une vie pas très "rock". Tout va bien mais rien ne va plus. Sa quarantaine lui dégringole sur le coin de la gueule et égratigne son estime de soi. Le brave pater familias s'enfonce crescendo, entre marasme et pétages de plombs.
Canet soigne l'entrée de son Guillaume. Sans doute veut-il éviter un aspect schizophrénique à son personnage, préférant semer doucement les graines du chaos. Louable et pénible intention. Cette première partie peine laborieusement à se développer. La vie de Guillaume est banale, son histoire en vient fatalement à devenir aussi intéressante que celle de votre voisin octogénaire philatéliste. Son monde est tout petit - quoi de plus normal quand on ne se définit que par son image. Il le rétrécit d'avantage en le peuplant de visages supposément familiers, prouvant une fois de plus, si besoin était, que le cinéma français est décidément un petit univers nombriliste.


S'amorce ensuite la seconde partie, la strip-teaseuse cachée dans le gâteau par le copain qui s'est invité tout seul. Une strip-teaseuse tellement botoxée qu'on a peine à croire qu'il s'agit bien d'un être humain de sexe féminin et non une poupée gonflable. Bref la partie que l'on avait pas vu venir.
Guillaume laisse Canet au bord du chemin. Le personnage s'échappe de la vie trop rangée de son créateur et vagabonde comme un chien fou.
L'effet de surprise est réussi. Notre héros du quotidien est lancé sur une voie à sens unique. Pas de retour en arrière possible qui ne serait capillotracté au point de lorgner dangereusement vers la science-fiction. Et l'on peut au moins reconnaître ça à Canet: son Guillaume ne fait pas dans la demi-mesure. Mais c'est un exercice aussi casse-gueule que l'accent québécois de Marion Cotillard - très réussi, il faut bien l'admettre. C'est charmant et parfois même drôle au début, mais ça finit par lasser.


Avec son Guillaume gonflé à l'hélium comme un de ces ballons à l'effigie des dernières monstruosités adulées par les être humains miniatures, Canet ironise sur le culte du corps, sur le culte de la jeunesse. Un sujet pas neuf, loin s'en faut, mais un sujet à creuser tout de même. Mais pour le coup, le réalisateur se transforme en fossoyeur.
Parce que son sujet, il passe à côté, justement. Rien, jamais, ne vient contredire Guillaume dans son délire. Il dynamite son petit univers, mais ce n'était plus qu'une coquille vide. La quarantaine a sonné le glas de tout ce qui fait le sel de la vie, semble-t-il. Même le métier n'a plus rien à lui offrir, sinon des rôles de seconde zone. Les vrais rôles ne sont écrit que pour les jeunes éphèbes. On ne sera donc guère surpris quand ce sont ses abdominaux savamment dessinés à la pompe à vélo qui reconquièrent sa femme....


Peut être aurait-il fallut rappeler à Guillaume (et) Canet que Louis de Funès n'a connu la consécration que passé quarante ans. Quant à considérer Kev Adams comme représentatif d'une nouvelle génération d'acteur... Il y a du soucis à se faire!

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le 27 juin 2017

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