Échaudé par le mauvais (et injuste) accueil critique de "Blood Ties", Guillaume Canet a traversé un petit passage à vide qui l'a conduit vers des rôles plus sombres ("La prochaine fois je viserai le cœur") et une remise en question douloureuse. Une remise en question que l'acteur-réalisateur exorcise ici via "Rock'N'Roll", film en forme de thérapie dans lequel il se met en scène dans son propre rôle avec évidemment Marion Cotillard et ses potes à ses côtés. Évitant le danger du film narcissique et auto-centré, Canet a décidé de casser son image et d'y aller à fond. Il campe un acteur en pleine crise de la quarantaine qui tombe des nues quand une jeune actrice lui dit qu'il n'est plus très "rock" et qu'il n'est plus en tête de liste des acteurs qui font fantasmer. Celui que les gens appellent parfois monsieur Cotillard décide alors de montrer au monde de quel bois il se chauffe et va loin, très loin.


Dans le cinéma français, on a d'ailleurs rarement vu un tel degré d'auto-dérision. Canet semble visiblement prendre un plaisir sadique à faire subir les pires moments à son propre personnage, passant par des crises de dépression et de jeunisme de plus en plus violentes, finissant par abandonner les crises de colère et les caprices


pour... la chirurgie esthétique !


Remettant en question son image, la cassant et dénonçant au passage le monde impitoyable du cinéma qui fonctionne à la gueule et à l'âge, Canet semble ne rien s'épargner et descend plus bas que terre. L'exercice est d'autant plus réjouissant qu'il dépeint au passage Marion Cotillard comme une actrice courant derrière les rôles à Oscars, parlant en québecois la moitié du film alors qu'elle prépare un film de Xavier Dolan. Cotillard s'y montre très drôle tandis qu'on découvre Alain et Yvan Attal en producteurs dépassés, Kev Adams en jeune acteur ne connaissant rien de ses aînés, Ben Foster en réalisateur qui cherche à contacter Marion par Guillaume et même Johnny Hallyday en personne en pape du rock dispensant ses bons conseils dans une scène hilarante. Évidemment, c'est un film de potes mais Canet égratigne tout le monde et surtout lui où il brille en acteur sombrant totalement dans la dépression. Si le film a le mérite d'aller jusqu'au bout de son propos en proposant une fin complètement inattendue, on regrettera tout de même ses longueurs dans sa dernière partie, l'empêchant d'être aussi drôle qu'on l'attendait, se plombant tout seul par ses lourdeurs. Reste malgré tout l'énergie de Canet dans le processus, suffisamment rare pour être soulignée, se montrant souvent féroce et drôle, regorgeant de détails hilarants comme les Césars calant une table basse...

Alexandre_Coudray
7

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le 15 févr. 2017

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