Si vous n’avez pas vu "RoboCop", quittez cette page. Vous avez 20 secondes pour obéir.


En surface, ce diamant brut du hollandais peut être perçu comme un simple film d'action, sans profondeur, aussi creux que violent. Il le peut. Mais il faudrait être Detroit d'esprit, ou aborder "RoboCop" comme un vulgaire nanar, ou encore être de mauvaise foi, pour n'y déceler aucune satire, aucune critique du consumérisme et du capitalisme, éternel cheval de bataille du sieur Verhoeven.

TELEVISION RULES THE NATION
Pourtant, à l'heure où l'armée et les forces de l'ordre sont dirigées par une compagnie privée ayant pour objectif de construire une mégalopole nommée Delta City en rasant la moitié de la ville, à l'heure où les policiers se font tirer comme des lapins et décident de faire grève, à l'heure où le dernier jeu de société familial à la mode consiste à s'envoyer des bombes nucléaires sur la trombine, le constat est sans appel: c'est la merde à Detroit, et il est grand temps que quelqu'un fasse le ménage.

Toute la subversivité et la perversion de Verhoeven sont là, sous nos yeux. Une dérision de tous les instants, comme en témoigne la 6000 Sux (sucks), ou encore l'essai raté du "fleuron des forces de l'ordre" made in Dick Jones. A renfort de flash informations et autres publicités intercalés dans son récit, privilégiant les tons neutres (voir les véhicules mats ou encore la grisaille ambiante), et bien aidé par le score exceptionnel de Basil Poledouris, le réalisateur parvient à créer, malgré un budget estimé à 13 millions de dollars "seulement", un univers dense, à la fois sombre et futuriste, unique en son genre. Sans oublier la patte de ce génie de Rob Bottin, au moment de créer le design de ce héros roboti(ni)sé devenu culte pour toute une génération, voire plusieurs.

ROBOT ROCKS
Pour incarner ce personnage, mi-homme, mi-machine, mi-traillette (j'ai failli écrire "mi-molette" mais c'est un coup à se faire taxer de racisme), c'est là qu'intervient l'excellent Peter Weller, alias Murphy, un flic châtain ou blond du meilleur tonneau affecté à ce nouveau district, avec pour partenaire ce sucre d'orge de Nancy Allen. Affectation qui coûtera cher à notre superflic, même si fort heureusement, l'on n'assistera pas à sa mise en bière. Affublé d'un nom pareil, ç'eut été un comble !

Une mort brutale et une renaissance plus tard, voilà notre flic de choc et de titane de retour dans les rues, afin de les nettoyer façon "c'est moi kevlar". Et il le fait comme personne. D'ailleurs, j'imagine qu'un certain ex-Président français n'a pas dû goûter à l'histoire originale du hollandais. En revanche, il n'a pu qu'exulter en voyant la suite des aventures du robot-flic sortie quelques années plus tard, nettoyant les rues au...Kershner. Enfin, je m'égare...

RANDOM ACCESS MEMORIES
Bob Morton, à l'origine du projet RoboCop, n'aura pas anticipé le fait que certains souvenirs du passé de Murphy ressurgiraient, entravant par là même son projet de machine domestiquée, docile et dénuée d'émotions. C'est l'une des nombreuses forces du récit: cette quête d'humanité et d'identité que poursuivra Murphy tout au long du film, parsemé d’indices et de souvenirs diffus. L’O.C.P. (pour Omni Consumer Product), par la main de Jones usera de procédés inhumains pour parvenir à ses fins, là où Murphy essaiera de faire respecter la loi, de recoller les morceaux du puzzle de son passé. Tout en se vengeant et en ne tuant qu’en dernier recours. Humain, après tout. Le paradoxe est saisissant.

Face à lui donc, l'indécrottable Ronny Cox incarne ce vieux loup de Richard Jones, tandis que Kurtwood Smith est Boddicker, ordure de la pire espèce sans états d'âme. Ou encore Emil et sa moto. Bob, Harley & the Weller. Ils seront les acteurs de séquences décapantes à base de corps déformés, déchiquetés, fondus, tandis que nous serons spectateurs d'un duel de titan(e)s entre RoboCop et ED-209 (robot qui m'avait effrayé lorsque j'ai découvert le film dans ma jeunesse lointaine). Jusqu'à un final vertigineux, lors duquel l'aloi de Murphy l'emportera.

Quand bien même revoir ce film en Haute Définition aujourd'hui peut s'avérer douloureux par moments (le stop motion de l'Enforcement Droid 209 peut donner l'impression que l'engin a été animé par Wes Anderson, ce qui en temps normal est plutôt gage de qualité, mais ici dénote, clairement), "RoboCop" a plus d'un atout dans son armure pour s'imposer comme une référence de la SF et des univers dystopiques. Si ce n'est fait, ou si vous souhaitez vous refaire une idée, laissez-vous embarquer, si possible en HD. Car mort ou vif, vous irez avec lui.
Gothic
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le 14 sept. 2014

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Gothic

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