Rêves
7.5
Rêves

Film de Akira Kurosawa (1990)

Rêves est un des derniers films d'Akira Kurosawa, un des plus grands réalisateurs japonais... Je ne reviendrai pas sur lui, mais il faut quand même le souligner.

Bref, ma critique sera découpée de la même façon que l'est le film, c'est à dire en huit parties, comme les huit rêves que composent ce très grand film. Attention, c'est pas de la très grande analyse, mais tout simplement un mélange de ressenti visuel et émotionnel que m'a procuré chacun des rêves, avec un petit peu de technique parfois... Dur d'aller plus loin avec un film aussi abstrait...
Bien sûr vous vous en doutez, cette critique sent le spoiler. ;)
C'est parti :

1. Soleil sous la pluie :

Premier rêve qui réveille en moi cette idée d'angoisse de l'exclusion, d'angoisse de l'erreur, caractéristique de nos premières années. Cette histoire invraisemblable de renards se marient et souhaitant le cacher amène une part d'absurde innérante aux rêves et qui permet de faire passer la pilule tranquillement, mais au final il s'agit d'un cauchemar. Les sujets de l'exclusion et de l'erreur se mêlent au secret et à la peur de la mort, et le fait qu'un gamin soit poussé au suicide par "tradition" (fausse heureusement) fait également écho à la coutume du hara-kiri, qui plane toujours au-dessus de la culture nippone. Sans doute le rêve le plus enfantin du film.

2. Le verger aux pêchers :

Second rêve et toujours cette innocence enfantine. Cependant celui-ci n'aborde au fond que le respect de la nature (thème central du film de Kurosawa), et son principal intérêt réside dans l'incroyable beauté de la danse des poupées, esthétiquement splendide.

3. La tempête de neige

Sûrement le rêve qui m'a le moins passionné, je ne pourrais donc pas en parler longuement, mais sa lenteur (qui souligne néanmoins parfaitement cette torpeur effrayante dans laquelle les personnages plongent) m'a vraiment perturbé.

4. Le Tunnel

Le rêve qui a commencé à réellement me faire me rendre compte de la qualité du film que j'avais devant les yeux. Ce rêve là est carrément énorme. Il est ultra touchant et bénéficie encore une fois d'une esthétique renversante. Le tunnel traversé par cet homme est d'une beauté intrigante (le plan où l'homme sort du tunnel est magnifique), il rappelle au niveau des sensations le tunnel de Stalker, dans son côté mystique, et son approche du dépassement de ses peurs et de ses sentiments. Une épreuve pour l'homme.

5. Les Corbeaux

Mon rêve préféré. Sans rentrer dans les détails, l'inventivité de celui-ci m'a laissé bouche-bée, m'a scotché. La représentation des tableaux de Van Gogh en vrai, puis "l'inverse", sont énormissimes. Encore une fois je préfère ne pas trop en dire, c'est pour moi tout simplement un grand moment de cinéma.

6. Le Mont Fuji en rouge

C'est étonnant de voir à quel point ce rêve est vraiment d'actualité. Excepté son esthétique kitschissime, celui-ci est également d'une grande qualité, bénéficiant d'un cynisme génial et d'une grande inventivité. Il montre encore une fois l'espèce de fatalisme dans lequel nous entraîne progressivement Kurosawa.

7. Les démons gémissants

Ce n'est clairement pas mon préféré, ce rêve étant pour moi l'autre petit point négatif du film. En effet, en plus d'être d'une esthétique encore une fois douteuse, il souligne de façon trop explicite son propos. Manque d'inventivité chez Kurosawa ? Je ne sais pas, mais en tout cas le discours du démon m'a paru trop facile, trop convenu... Un peu de subtilité (comme dans le rêve précédent, pas d'une grande subtilité mais avec un certain cynisme appréciable) n'aurait pas été de trop.

8. Le village des moulins à eaux

L'esthétique de ce rêve final est encore une fois très réussie. Le cadre est idyllique, l'ambiance parfaite, et les personnages campés ici sont de grande qualité. Même si le discours contient quelques facilités, c'est un bon point final, une bonne façon de finir le film, comme il l'avait commencé, par un passage musical dansant. Une façon de rendre hommage à tout un pan de la culture japonaise.

8 rêves, quelques merveilles, 2/3 déceptions... Mais ce n'est pas très grave. L'importance d'un film est pour moi entre autre dictée par ce qu'il vous a apporté. Il y a bien trop de grands moments dans celui-ci pour que ceux-ci soient occultés par le reste, plus bancal.

Kurosawa disait :
""Quand il rêve, l'homme est un génie. Il est audacieux et intrépide comme un génie. Voila ce a quoi je me suis attache au moment de filmer ces huit rêves. Pour faire un film de ce scenario, il était indispensable de s'exprimer avec audace et sans peur... comme dans un rêve."

Je dirai plutôt que c'est Kurosawa le génie.
Ripailloux
8
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le 5 mai 2011

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Ripailloux

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