Détours par Sais où

En sortant du film de David Chou hier, un homme disait à sa femme: « bon dieu que ce personnage est antipathique ».

La texture sonore qui clôt ce « Retour à Séoul »: "it is not a dépression, not an addiction, it is a ride in the head » donne les clefs de cette drôle d’héroïne peu convenable et effectivement pas si aimable avec laquelle nous faisons chemin dans un retour aux origines.

Il s’agit donc de Fréderique( Freddie pour ceux qui la côtoient) abandonnée à sa naissance qui décide assez brusquement de revenir à Séoul et de s’enquérir de ses parents biologiques.

On est d’abord frappé par la diction des acteurs mélange de maladresse naturaliste et de tonalité douce, lente, qui à force d’être étirée vient torpiller ce que l’on est en train de regarder. Ce parti-pris d’acteurs coréens qui parlent français avec cette douceur suréelle d’un ravissement Durassien nous retient.

C’est alors que commencent les divagations existentielles de Freddie tour à tour apeurée, vivace, candide, enfantine, méprisante, lunatique essentiellement. Chaque scène est portée par l’énergie cyclothymique de l’actrice Park Ji-min cherchant à l’aveugle l’objet de son désir: un père, une mère, des amants, une amie. Elle l’ignore et ne le saura qu’au moment où elle s’invente et re-nait. Cette quête se traduit subtilement dans des partis-pris de mise en scène où prime l’imprévisibilité, l’enfance autant que le cynisme du personnage( Parfaitement perçus dans la meilleure scène du film celle avec le toujours génial LouisDo de Lencquesaing royal et vulnérable, détaché et immensément présent). Il n’est pas aisé de rendre cette incertitude à l’écran et David chou s’y emploie subtilement et empathiquement ne jugeant pas les égoïsmes et dédains de son héroïne, les laissant plutôt choir sur son visage.

Des contrepoints d’émotions viennent cerner le film et l’ancrer dans ce dont Freddie apparemment ne veut pas. Ou pas encore. Des réunions de famille avec son père biologique( point névralgique de l’émotion du film tant cet acteur est magnifique) et sa sœur traduisant dans un anglais précaire les propres incertitudes de cette jeune femme portant son trauma d’abandon tel un passeport périmé. Ce retour et ces glissements permanents dans les langues, les accents est la vraie réussite du film. Sa matrice.

Retour à Séoul vaut pour n’être pas un film usuel, pas un film su d’avance, si vous acceptez que le cinéma sans forcément vous plaire vous déroute et intrigue. Allez-y.

VioletteVillard1
6

Créée

le 28 janv. 2023

Critique lue 443 fois

7 j'aime

Critique lue 443 fois

7

D'autres avis sur Retour à Séoul

Retour à Séoul
Cinephile-doux
7

Instinctive par adoption

Retour à Séoul est-il un film sur l'adoption ? De façon indirecte, oui, mais le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou a plutôt centré son propos sur la recherche d'identité de son héroïne, qui a...

le 25 janv. 2023

29 j'aime

Retour à Séoul
Sergent_Pepper
8

Déchiffrer les êtres

Le récit initiatique en quête d’identité postule généralement une position d’humilité de l’impétrant : petite figure sans origine, fragile et à la recherche de repères, ballottée d’un indice à...

le 7 mars 2023

28 j'aime

Retour à Séoul
EustaciusBingley
8

Interdit d'interdire

Retour à Séoul n’est pas un film facile d’accès.Il aurait été facile, sur une thématique assez semblable, de faire quelque chose de consensuel. Mais il est clair que, pour Davy Chou, la forme d’un...

le 26 janv. 2023

20 j'aime

6

Du même critique

Goutte d'Or
VioletteVillard1
7

Le Ramsès de Barbès

Après le splendide et inouï «Braguino », après là flamboyance nerveuse des « Indes Galantes », l’attente induite face au prochain film de Clément Cogitore était haute. Naturellement il faut pouvoir...

le 2 mars 2023

11 j'aime

1

Copenhagen Cowboy
VioletteVillard1
9

Les possédés de Copenhague

Copenhagen Cowboy est la nouvelle série démente de Nicolas Winding Refn : démente par sa puissance d'écriture visuelle, le scintillement graphique et la mélopée envoutante de ses plans, démente par...

le 7 janv. 2023

11 j'aime

3

Une nuit
VioletteVillard1
8

L'alchimie de l'intime ou la vie des visages

Romance psy et profonde entre deux êtres ( Aymeric Alex Lutz et Nathalie Karin Viard) croisés au hasard du métro et errance fulgurante sur "le monstre hybride du couple", Alex Lutz écrit et filme les...

le 6 juil. 2023

10 j'aime

3