Je ne pensais pas qu'il m'aurait été possible de tomber encore plus amoureux d'Emma Thompson, mais c'est chose faite après la découverte (et non redécouverte, comme je le croyais tantôt) de ce magnifique "Retour à Howards End", film fleuve de James Ivory dont j'avais déjà placé "Les Vestiges du jour" bien haut dans le palmarès de mes adorations cinématographiques.

Si la délicieuse Emma campe, dans la première moitié du film (la plus belle et la plus captivante à mes yeux, car sans doute la plus drôle et la plus insouciante), une vieille jeune fille un peu féministe et un peu exaltée, délicieusement complétée par Helena Bonham Carter qui prouve ainsi qu'elle a su jouer, dans un âge antéburtonien, autrement que recouverte de quatre couches de fond de teint blanc, Anthony Hopkins, lui, ne révèle la profondeur et la complexité de son personnage que dans la seconde moitié, lorsque le malheur décide de frapper durement sa famille, sans doute bouffie par un excès d'orgueil.

Bâti comme une symphonie pastorale, alternant plans méditatifs décrivant la simple et calme beauté de la campagne anglaise et frénétiques mouvements de fiacres, agitations de gares ou de rues, le film se présente comme un réel chef-d'œuvre de montage ; les mouvements de caméra sont sobres, et suffisent à décrire le Londres du XIXe siècle et la bienveillante spatialité de la vieille maison, Howards End, dans laquelle on finit par revenir sans vraiment bien savoir quand on y est entré pour la première fois. On découvre avec délices le vieux marronnier, la petite clôture de bois verni et la prairie à l'aurore, art et littérature finissent par donner leur réalité concrète aux expériences des personnages ainsi qu'à leurs relations, parfois longuement entremêlées.

Et lorsqu'à la fin tout bascule, on ne peut que donner raison à la justice du destin, qui punit les petites compromissions de celle-ci, les mesquineries de ceux-là, l'intransigeance d'une autre et la lâcheté du dernier en les entassant tous dans la même nasse et en laissant tomber tout au fond ceux dont la faute est la plus grave. Finalement, Howards End, lieu rêvé puis lieu découvert abandonné devient le lieu réel et concret du souvenir, lieu de la mort et de la renaissance, lieu où rien ne change vraiment même si rien n'est plus comme avant. Sans doute les narcisses continueront d'y lancer vers le ciel leurs couronnes blanches étoilées d'or...
Anonymus
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le 19 janv. 2011

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Anonymus

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