Le postulat de Gus Van Sant est somme toute ici assez simple : il s'agit de de faire un film sur la mort en filmant au maximum la vie, en voulant saisir au mieux chaque instant, et finalement s'approcher de la mort avec une sérénité tout à fait lumineuse. Autrement dit, l'intérêt du film aurait pu être de poser la question : comment appréhender avec avec apaisement (et presque avec optimisme) l'évènement le plus sombre qui soit ? Malheureusement, on a l'impression que le film triche : il ne saisit dans la mort que ce qui l'arrange, soit tout l'aspect spirituel, dénué de chair, oubliant sans doute volontairement que la mort est avant tout celle du corps – celle qui donne la peur au ventre, qui détruit des vies, qui pourrit l'organisme. La violence glaciale d'« Elephant » et la morbidité minérale de « Gerry » laissent ici place à une bluette adolescente qui, si elle est bien consciente de la gravité du sujet – que Van Sant prend toujours au sérieux –, refuse d'en voir les aspects essentiels. Alors, bien entendu, on s'amuse avec des fantômes, on parle à des tombes ; mais le film ne se confronte jamais vraiment à la réalité – sauf lors de l'introduction dans une séquence d'images d'archives du bombardement de Nagasaki, extrêmement pertinente –, préférant finalement l'imaginaire à la réalité des corps. Autant dire que l'œuvre est un cas isolée au sein de la filmographie du cinéaste, d'ordinaire éminemment sensuelle.

En fait, il semble que – une fois n'est pas coutume – le réalisateur préfère affirmer que questionner, souhaitant coûte que coûte appréhender la mort de façon optimiste. C'est pourtant sans doute avec un postulat plus interrogatif que le film aurait trouvé de la valeur ; en voulant donner une réponse claire à une question aussi ardue, le cinéaste se laisse aller à des choix très partiaux (nous n'irons pas jusqu'à dire « malhonnêtes », compte tenu du sens éthique extrême dont il a déjà fait preuve) qui finissent par donner une vision en définitive bien idéaliste du sujet. On pourrait trouver que c'est en accord avec la romance adolescente mise en scène (bien que les deux adolescents en question semblent tout sauf naïfs), mais le thème traité se prête à tout sauf à la rêverie. En fait, Van Sant échoue là où Weerasethakul a réussi ; filmer une mort apaisée, certes, mais sans en oublier l'aspect charnel. On pourrait peut être y voir le besoin d'un retour à un sujet relevant d'une réalité plus tangible ; ce qui est d'ores et déjà chose faite avec le très beau « Promised land ».
Trelkovsky-
4
Écrit par

Créée

le 19 août 2013

Critique lue 710 fois

6 j'aime

1 commentaire

Trelkovsky-

Écrit par

Critique lue 710 fois

6
1

D'autres avis sur Restless

Restless
Aurea
6

Au bord de la route

Visage d'ange errant, silhouette juvénile vêtue de noir, Enoch est de tous les enterrements depuis que ses parents l'ont quitté tragiquement. Annabel , adolescente au physique de jeune garçon...

le 1 oct. 2011

31 j'aime

26

Restless
HistoriasExtraordina
5

Critique de Restless par C G

Restless en film d'ouverture de la sélection Un Certain Regard : la décision avait étonné plus d'un cinéphile,à l'égard d'un auteur habitué aux récompenses en Sélection Officielle (Palme d'Or pour...

Par

le 25 juin 2011

25 j'aime

11

Restless
Satané
10

Le meilleur film du réalisateur

"Restless" est bel & bien l'achèvement que j'attendais de Gus Van Sant. Alors que "Elephant" traînait en longueur sans jamais réussir à signifier autre chose que la mort imminente, & que "Paranoid...

le 4 févr. 2012

21 j'aime

12

Du même critique

Pornography
Trelkovsky-
10

Idées noires

Entre 1980 et 1982, le parcours des Cure s'est avéré être d'une cohérence totale : après avoir mis en place une pop introspective extrêmement fine avec Seventeen Seconds, le son curien semble...

le 30 déc. 2013

36 j'aime

4

Django Unchained
Trelkovsky-
5

À tout vouloir justifier ... (spoilers)

Depuis quelques films déjà, Tarantino a comme un besoin de légitimer la violence qu'il filme. Bien sûr, dans les grandiloquents « Kill Bill », l'histoire de vengeance n'était qu'un simple...

le 26 mai 2013

33 j'aime

7

Le Tableau
Trelkovsky-
3

Pour être comme tout le monde ...

Dès le début, le film affiche clairement son postulat : les pauvres gentils et les méchants riches. Dès le début, le réalisateur/moralisateur lance un propos très édifiant à son jeune spectateur :...

le 15 janv. 2012

28 j'aime

4