On se dit parfois qu'il n'y a pas besoin de grands effets pour faire peur au cinéma.


C'est que prouve Relic en jouant de l'angoisse liée au grand âge. De se rendre compte que l'être qui nous a tant aimé est en train de perdre la ciboule ainsi que sa tendresse naturelle. Il y a aussi la peur de la perte, de prendre des décisions difficiles et la culpabilité que l'on ressent obligatoirement face à cette vieillesse que l'on se prend dans la gueule, à l'heure où les rôles commencent à s'inverser.


Cette peur est universelle et terrifiante. Kay l'expérimente alors que sa mère disparaît et commence sérieusement à battre la campagne. Et quand elle réapparaît, le comportement de l'ancêtre devient de plus en plus étrange, ses sautes d'humeur de plus en plus soudaines et violentes.


Dans un décor aux couleurs sombres. Dans une maison qui semble se rabougrir dans une ambiance délétère. La vieillesse, au fil des minutes de la séance, s'impose comme un naufrage que les brefs sursauts de lucidité ne rendent que plus triste encore.


Dans Relic, la fin de vie sent comme le renfermé, le pourrissement. A l'image de ces tâches d'humidité qui commencent à s'emparer des murs. Tandis que cette famille semble vivre les ravages du silence, personnifié par cette ombre noire qui se tient en embuscade dans l'arrière plan.


Cette ambiance lourde, c'est la même que celle dont Ari Aster s'est emparé dans Hérédité. Nourrie du mystère qui contamine mère et fille qui ne peuvent que se montrer impuissantes devant la déchéance irréversible.


Une déchéance de plus en plus effrayante à mesure que grand-mère se transforme, comme le film, qui mue du thriller psy irrigué de visons de cauchemar dont on n'aura jamais le fin mot, vers un climax claustrophobe d'une puissance rare, annoncé par un récit du voisin de la vieille dame.


La maison qui pourrit en même temps que sa propriétaire se transforme, elle, en cauchemar en forme de paroxysme, en tension labyrinthique abolissant les repères et la raison, en une espèce de monde parallèle.


Et il y a cette peur, ce dégoût provoqué par ce corps qui se désarticule finalement, ses os qui craquent, ses râles quasi animaux, et surtout, cet être aimé que l'on ne reconnait plus, qui semble définitivement parti, ultime image de la décrépitude qui arrache des larmes de tristesse et de regret.


Enfin, il y a ce moment de grâce infinie, cette sensibilité et cette douceur toute féminine qui irradient le coeur. Qui peuvent s'interpréter comme la délivrance, la lumière au bout du tunnel. Avant de comprendre que, plus implacable que le plus terrible des boogeyman de slashers ou entité maléfique, c'est bel et bien le temps le véritable assassin. Celui qui flétrit inexorablement les corps. Celui qui sépare les familles. Celui qui fait prospérer les mystères et les non-dits.


Celui qui disait que le temps détruit tout avait bel et bien raison.


Behind_the_Mask, Scary Mamie.

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le 13 oct. 2020

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