Espionne, allonge-toi.

Avis sur Red Sparrow

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Sous ses airs d’internat psychorigide pour espions russes psychopathes, l’école des moineaux, c’est un peu le Carlton de Lille, version soviétique : soyez vilain, transgressez le règlement et vous souffrirez d’une fellation ou d’un petit coup vite fait avec Jennifer Lawrence… On a connu les russes plus efficaces et inspirés au moment de châtier leurs mauvaises ouailles. Plutôt que de prévenir la récidive, la Russie semblent ainsi l’encourager… Ce pays a décidément bien changé, du moins lorsqu’il incarne la frustration puritaine et le féminisme hypocrite d’Hollywood (Freud trouverait là matière à réflexion).

Red Sparrow est donc une histoire de ballet : qu’on s’y illustrait jadis ou qu’on se le cale maintenant derrière la ceinture, l’orthographe varie, mais le vertige reste le même ; tout est affaire de pointe. Quand l’une s’y risque et se plante, les autres s’y abandonne et la plante. Bref, vous avez compris : Hollywood n’a plus forniqué au cinéma depuis des années et vit son printemps 2018 comme une nouvelle puberté... à moins qu'il ne s'agisse d'un élan réactionnaire.

Tout est prétexte, dans Red Sparrow, pour déshabiller son actrice principale et livrer sa chaire en pâture au public. Derrière son féminisme auto-proclamé et ses hashtags engagés des derniers mois, l’industrie à rêve reste donc désespérément machiste ; quoiqu’elle ait libéré sa parole et récupéré un peu de son âme, la femme ne jouit toujours pas de son corps, encore gouverné par les majors, qui en disposent le plus souvent gratuitement. Il suffit ainsi d’accorder un semblant de volonté et de libre arbitre aux personnages féminins pour les dévêtir de la tête au pied en toute impunité.

A scénario similaire, le Hollywood des années 90 jouait la carte du nanar décomplexé et accouchait, parfois, de films au propos réellement « féministes », comme Basic Instinct. Seulement, il assumait pleinement sa thèse et allait au bout de sa démonstration : à la fois plus sulfureuses et plus subtiles, les femmes usaient consciemment de leur charme et s’affirmaient comme des individus auto-gouvernés, à l’égal des hommes. Deux décennies plus tard, le cynisme a contaminé le cinéma et Hollywood, se prenant au sérieux, a fait le choix de l’hypocrisie. Dans Red Sparrow, si liberté sexuelle il y a, elle se révèle en revanche subordonnée au degré de moralité de l’homme. Aussi ne s’exprime-t-elle qu’auprès des oncles incestueux, supérieurs hiérarchiques libidineux et autres camarades impuissants et s’évanouit-elle sitôt levé son vice. Ainsi, dès lors qu’il n’est plus un porc, l’homme reprend son pouvoir sur la femme, son corps et sa sexualité. Dans le cas contraire, elle ne serait plus dite fatale mais déviante, facile, putain.

La maman ou la putain, Hollywood en est donc resté là. Détestable.

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