Paradoxe temporel
Red Sparrow est un film qui ne laisse pas indifférent. Sur la forme, on peut saluer le financement d’un film de studio aussi violent, qui parle d’humiliation par le sexe, de torture, de meurtre...
Par
le 3 avr. 2018
62 j'aime
2
Red Sparrow sent un peu la naphtaline ou la guerre froide, comme on veut. On nous ressert en effet le bon vieux ressort de l’opposition entre espions russes et américains. Et au milieu se déploie Jennifer Lawrence en petit oiseau tombé du nid mais soudainement transformé en aigle tueur. Une fresque d’une violence presque écœurante baignée dans le sexe et l’argent. Rien de nouveau sous le bain de sang en résumé.
Dans une première séquence stylisée, en montage alterné, une jeune danseuse (Jennifer Lawrence) se prépare à monter sur scène, elle quitte sa mère malade, marche droite, déterminée, se prépare, virevolte. De son côté, un homme (Joël Edgerton) reçoit un message mystérieux et se rend à un rendez-vous, encore plus inconnu. Les deux s’apprêtent donc à la rencontre, l’une avec son partenaire de danse, l’autre avec certainement un informateur. Ils sont au sommet, à l’instant crucial, lorsqu’elle chute brusquement, lorsqu’il panique. Ces deux êtres viennent de vivre une rupture qui, on le suppose désormais, va les mener l’un à l’autre. Malheureusement si la violence stylisée laissait espérer d’autres moments de grâce comme celui-ci, la suite est une enfilade de scènes ultra-violentes, sans retenue aucune. Le film répond ainsi d’une certaine joie sadique à faire mal, sans que le scénario, simple histoire d’espionnage des russes contre les américains, ne suive et ne justifie autant de sang et de détresse. On assiste alors à des scènes de torture qui se répètent, ou encore à la formation des « moineaux » (sortent de petits soldats des renseignements russes déshumanisés) dans une ambiance froide, détachée, mais sans partie pris de mise en scène. Au milieu de cela, l’exception, celle qui fait presque plier les « salauds », se distingue mais sans éclat.
Oncle Vania
Les questions restent donc très peu palpitantes tant elles se dévoilent dès les toutes premières secondes : Dominika deviendra-t-elle un agent double ? Se vengera-t-elle de son oncle ? Une scène particulièrement ratée vient illustrer le ratage plus globale du film. Dominika est censée approcher l’espion américain afin de découvrir le nom de la taupe en le séduisant, elle se rend donc à la piscine, teinte en blonde. Plus tard, elle croise l’agent en attendant son train, celui-ci la reconnaît et l’aborde sous sa vraie identité. Comble de l’ironie, il s’adresse alors à elle en russe, ce à quoi elle répond « vous parlez russe », avant que les deux ne reprennent leur dialogue en anglais, affublés durant tout le film d’un ridicule accent russe. Le problème du film est donc bien de ne pas réussir à nous tenir en haleine avec cette histoire. Ici, on exagère tout pour tenter de faire un film noir, poétique, habité, pour tenter de percer après Hunger Games dans cette adaptation d’un roman de Matthews Jason, ex-agent de la CIA (l’ancrage dans la réalité de l’espionnage demeure même si le grand spectacle prend le pas sur une description minutieuse de cet univers). Les acteurs ne lésinent pas sur l’utilisation de leur corps à travers la caméra. Ainsi, Jennifer Lawrence est censée nous jouer une femme fatale, à coup de nudité dans quasiment tous les plans. Mais cela tombe à plat, tant la passion censée naître entre elle et l’espion américain est peu incarnée. Ainsi, les relations entre les personnages, et notamment entre Dominika et son « oncle Vania » sont trop peu traitées ou alors en surface alors qu’elles sont censées être le cœur du film. Finalement, Red Sparrow est une belle coquille vide qui ne renferme que quelques clichés du film d’espionnage et trop peu de surprises, le tout noyé dans une esthétique assumée de l’hyper-violence et l’utra-sexualisation.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Si tu veux m'inviter au cinéma en 2018 et Parce que j'irai encore au cinéma en 2018
Créée
le 18 juil. 2018
Critique lue 199 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Red Sparrow
Red Sparrow est un film qui ne laisse pas indifférent. Sur la forme, on peut saluer le financement d’un film de studio aussi violent, qui parle d’humiliation par le sexe, de torture, de meurtre...
Par
le 3 avr. 2018
62 j'aime
2
Ecole élémentaire des clichés, bonjour! -Vodka? Présent ! -Toque en fourrure? Présent ! -Ballerine? Présent ! -Superbe blonde trop maquillée qui fait vaguement travailleuse de l'Est? Présent...
Par
le 15 avr. 2018
48 j'aime
4
Depuis le succès des Hunger Games et de sa popularité montante au sein de la profession, notamment grâce à ses exploits chez David O. Russell, on assiste petit à petit à la naissance d'un genre, le...
Par
le 11 avr. 2018
34 j'aime
4
Du même critique
Qu'il est difficile de s'avouer déçue par un cinéaste qu'on admire beaucoup et dont l'oeuvre a su nous éblouir, nous toucher, nous transporter. Oui, je l'écris, ce dernier Dolan m'a profondément...
Par
le 21 sept. 2016
116 j'aime
12
Marjane Satrapi a été sélectionnée au festival d’Alpe d’Huez début 2015 (qui s’est déroulé du 14 au 18 janvier) pour son dernier film. Disons qu’au premier abord ça ne ressemble pas vraiment à la...
Par
le 20 janv. 2015
91 j'aime
7
"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le...
Par
le 27 févr. 2013
90 j'aime
24