Red Sparrow sent un peu la naphtaline ou la guerre froide, comme on veut. On nous ressert en effet le bon vieux ressort de l’opposition entre espions russes et américains. Et au milieu se déploie Jennifer Lawrence en petit oiseau tombé du nid mais soudainement transformé en aigle tueur. Une fresque d’une violence presque écœurante baignée dans le sexe et l’argent. Rien de nouveau sous le bain de sang en résumé.


Dans une première séquence stylisée, en montage alterné, une jeune danseuse (Jennifer Lawrence) se prépare à monter sur scène, elle quitte sa mère malade, marche droite, déterminée, se prépare, virevolte. De son côté, un homme (Joël Edgerton) reçoit un message mystérieux et se rend à un rendez-vous, encore plus inconnu. Les deux s’apprêtent donc à la rencontre, l’une avec son partenaire de danse, l’autre avec certainement un informateur. Ils sont au sommet, à l’instant crucial, lorsqu’elle chute brusquement, lorsqu’il panique. Ces deux êtres viennent de vivre une rupture qui, on le suppose désormais, va les mener l’un à l’autre. Malheureusement si la violence stylisée laissait espérer d’autres moments de grâce comme celui-ci, la suite est une enfilade de scènes ultra-violentes, sans retenue aucune. Le film répond ainsi d’une certaine joie sadique à faire mal, sans que le scénario, simple histoire d’espionnage des russes contre les américains, ne suive et ne justifie autant de sang et de détresse. On assiste alors à des scènes de torture qui se répètent, ou encore à la formation des « moineaux » (sortent de petits soldats des renseignements russes déshumanisés) dans une ambiance froide, détachée, mais sans partie pris de mise en scène. Au milieu de cela, l’exception, celle qui fait presque plier les « salauds », se distingue mais sans éclat.


Oncle Vania


Les questions restent donc très peu palpitantes tant elles se dévoilent dès les toutes premières secondes : Dominika deviendra-t-elle un agent double ? Se vengera-t-elle de son oncle ? Une scène particulièrement ratée vient illustrer le ratage plus globale du film. Dominika est censée approcher l’espion américain afin de découvrir le nom de la taupe en le séduisant, elle se rend donc à la piscine, teinte en blonde. Plus tard, elle croise l’agent en attendant son train, celui-ci la reconnaît et l’aborde sous sa vraie identité. Comble de l’ironie, il s’adresse alors à elle en russe, ce à quoi elle répond « vous parlez russe », avant que les deux ne reprennent leur dialogue en anglais, affublés durant tout le film d’un ridicule accent russe. Le problème du film est donc bien de ne pas réussir à nous tenir en haleine avec cette histoire. Ici, on exagère tout pour tenter de faire un film noir, poétique, habité, pour tenter de percer après Hunger Games dans cette adaptation d’un roman de Matthews Jason, ex-agent de la CIA (l’ancrage dans la réalité de l’espionnage demeure même si le grand spectacle prend le pas sur une description minutieuse de cet univers). Les acteurs ne lésinent pas sur l’utilisation de leur corps à travers la caméra. Ainsi, Jennifer Lawrence est censée nous jouer une femme fatale, à coup de nudité dans quasiment tous les plans. Mais cela tombe à plat, tant la passion censée naître entre elle et l’espion américain est peu incarnée. Ainsi, les relations entre les personnages, et notamment entre Dominika et son « oncle Vania » sont trop peu traitées ou alors en surface alors qu’elles sont censées être le cœur du film. Finalement, Red Sparrow est une belle coquille vide qui ne renferme que quelques clichés du film d’espionnage et trop peu de surprises, le tout noyé dans une esthétique assumée de l’hyper-violence et l’utra-sexualisation.

eloch
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le 18 juil. 2018

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eloch

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