Excusez le blasphème mais la bondieuserie fait une entrée remarquée dans le film de zombies avec ce troisième opus de REC. Innovante sur la forme (le found footage) avec le 1, sur le fond avec le 2, la saga hispanique présente ici sa préquelle, exercice ô combien rôdé dans les franchises horrifique et aussi casse-gueule que les suites.

En effet, se pose la question de savoir si REC demeure une saga ou une franchise ? Si Paco Plaza et Jaume Balaguero ont décidé de se séparer pour présenter les deux (derniers ?) segments de leur série, il est fort à parier que l'on parlera encore de Rec dans les années à venir, reste à savoir si cela sera en bien ou en mal.

Pour analyser ce Rec 3, il faut garder à l'esprit la globalité du projet et la spécificité voulue pour chaque segment. Pour cet épisode, il faut également distinguer le fond et la forme (comme pour beaucoup de films de zombies d'ailleurs). Sur la forme tout d'abord, Plaza propose un film court (1h11) et relativement bien rythmé, abandonnant rapidement le principe du found footage (après une scène d'introduction tournant à l'oraison funèbre pour la technique) pour revenir à une réalisation traditionnelle. L'autre trait marquant du film est le côté humoristique clairement assumé, là où les deux premiers s'en abstenaient totalement.

On retrouve en effet un côté grand guignol dans l'utilisation d'outils divers dans le dézingage zombiesque (alors que ceux-ci apparaissent relativement softs dans leurs attaques) qui fait penser à Braindead, et des situations à rebours de l'action comme sait le distiller un Evil Dead. L'allusion la plus claire est le traitement administré à l'oncle du marié par celui-ci à coup de mixeur à main. Le gros plan sur le visage du héros fait en effet terriblement à une scène similaire avec Bruce Campbell. Malheureusement, l'humour étant absent des deux premiers opus, cet angle comique de narration est à prendre ou à laisser et perturbe légèrement une mythologie où le spectateur n'était pas du tout habitué à sourire.

Reste le fond du propos voulu par Plaza, la volonté initiale du métrage : une préquelle à REC. Généralement, on attend d'une préquelle qu'elle explicite, qu'elle retrouve les sources de la contamination. Pas de ça ici, le patient zéro n'étant jamais vraiment évoqué et les événements racontés se passant, non en amont, mais en simultané du premier opus. La filiation avec le reste de la saga se fait davantage dans le clin d'œil et l'allusion (la télévision de l'église diffusant en direct l'assaut de l'immeuble de REC 1 et 2, la mise en quarantaine du périmètre, etc.). Quelle est alors la raison d'être d'un film qui présenté comme cela paraît totalement dispensable ?

On rentre alors dans le grand atout du film (et dans la raison d'être du titre de cette critique), la justification de l'épidémie zombiesque. Là où le cycle de Romero ne proposait pas de réponses précises sur l'origine de la contamination (hormis le sous-titre "Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur Terre"), et où le cycle du "retour des morts vivants" accusait le complexe militaro-industriel, Plaza et Balaguero choisissent de justifier divinement bien leur zombies : ce sont des créatures démoniaques et sont clairement identifiées comme telles.

Cet aveu trouve alors tout son sens dans l'environnement choisi par les Espagnols pour ce Rec 3 : un mariage consacré dans une Eglise. La présence du curé permet d'enrichir et d'éclaircir le propos un peu confus pressenti dans le 1 et révélé dans le 2. A partir de ce point, la sage REC retrouve toute son originalité et ouvre des portes jusque là fermées/condamnées dans le film de zombies : la bataille du bien contre le mal. Un tel manichéisme des morts-vivants apporte une vision nouvelle dans un genre où la survie d'une espèce humaine dépendait de son seul instinct. La religion, autrefois raillée par les prédécesseurs de REC (le curé zombie de Braindead, les apôtres de l'apocalypse avec leur pancarte aux bords des routes ou les victimes brandissant leur crucifix avant de se faire étriper), trouve une place centrale dans le sujet.

Un choix scénaristique à double tranchant dans le sens où si la cause (et la fin de l’épidémie ?) peut être expliquée de façon inédite par des considérations divines, le propos risque de se perdre dans des considérations Bien Vs Mal souvent vues dans les films d'horreur (et où le Bien triomphe bien trop souvent).

En conclusion, si REC 3 n'est pas à la hauteur de ses prédécesseurs en termes d'intensité dramatique et de gore, il apporte sa pierre à l'édifice (et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise comme dit Jésus, le zombie de plus connu de l'histoire). Pour une préquelle, REC 3 Genesis force à remettre en question nos préjugés sur les zombies et surtout déroule le tapis rouge à un REC 4 Apocalypse, point final biblique et il est à espérer, également de la saga.

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le 27 août 2012

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Engagé-Guignol

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