Il y avait les films que j'attendais le plus et LE film que j'attendais le plus, Réalité est ce film, je l'attend comme un dingue depuis à peu près deux ans, il fut annoncé quasiment en même temps que Wrong Cops, à l'époque ma plus grosse attente était évidement ce dernier, mais depuis que j'ai eu le plaisir de le voir ma plus grosse attente a basculée sur ce fameux Réalité.


Enfin un film de Dupieux qui a un peu de succès et de très bonnes critiques professionnels/spectateurs confondus. C'est fou car un de ses films très critiqué et peu reconnu pour moi c'est un bijou, alors un film applaudi par les critiques ne pouvait qu'être un joyau... ou pas, comme je ne fais pas confiance aux critiques, mais j'ai confiance en Quentin donc ça ne pouvait être qu'un bon film.


Pour son cinquième film ou sixième si on compte Nonfilm, Quentin Dupieux nous revient avec son projet le plus abouti selon lui, en effet il avait déclaré durant une interview qui date de 2012, lorsqu'il était en plein tournage, que c'était son scénario le plus travaillé. Et c'est plutôt vrai car ce projet il l'a dans les tuyaux depuis un sacré moment, il l'a depuis avant ses premiers films. Chabat était l'acteur voulu par Dupieux pour le rôle mais comme les dates ne correspondaient pas entre les deux le tournage a du être repoussé. Ce qui toujours d'après Dupieux fut une bonne chose car il a eu le temps de vraiment peaufiner son scénario, il trouve même que ça aurait été nul de tourner ce qu'il avait en tête au départ, ça devait même se passer dans un autre pays et n'être tourné que dans une seule langue.
Il a donc bien retravaillé le tout et comme le budget n'était pas volumineux à l'époque et d'ailleurs il ne l'est toujours pas Quentin a laissé son projet de coté sans l'abandonner et a bossé sur d'autres en attendant, à savoir : Steak, Rubber, Wrong et Wrong Cops. En parlant de Rubber, la comparaison avec celui ci est facile, le projet de film du personnage d'Alain Chabat dans le film ressemble fortement à celui de Rubber, sauf que ici ce n'est pas un pneu qui tue des gens mais les postes de télés. D'ailleurs pour la scène au début où Jason Tantra (Chabat) présente son projet à son producteur, Quentin s'est inspiré de sa propre expérience avec Rubber à l'époque.


le résumé du film est simple, nous suivons Jason Tantra, un cameraman inconnu qui veut se lancer au cinéma, son producteur est complètement ok pour produire son film mais à une seule condition, qu'il trouve le gémissement parfait. Tellement obsédé à l'idée de vouloir faire son film qu'il tente désespérément de trouver ce bruit horrible grâce auquel il pourra lancer son projet qu'il finira par se retrouver plongé entre cauchemars, réalité et les deux mélangés.
Il n'est pas le seul, puisqu'un présentateur vêtu d'un costume de rat est atteint d'une maladie imaginaire, un directeur d'école s'habille en femme, un réalisateur très bizarre gâche beaucoup de pellicule et roule en buggy (qui devait être à la base un hélicoptère mais faute de moyens...), et bien sur la petite fille prénommée Réalité qui est fascinée par une cassette vidéo retrouvée intacte dans les entrailles d'un sanglier. Toutes leurs histoires s'entremêlent et nous sommes propulsé dans une spirale qui monte crescendo dont on ne peut s'extraire avant l'écran noir de fin.


J'attendais tellement ce film que je ne m'attendais pas à ce que j'allais voir en fait, c'est ça qui est fabuleux avec un tel réalisateur, on ne sait jamais où il va nous emmener, et je ne m'attendais vraiment pas à ça. D'un coté j'me dis que j'aurais aimé encore plus de folie et d'un autre comment aurais-je pu en avoir plus, c'est tellement captivant et ingénieux, c'est un genre d'Inception à la Dupieux, le rapprochement est rapide certes mais il n'est pas invisible. On ressent même un peu du Vidéodrome de Cronenberg, enfin même si on peut trouver quelques influences cela ne change rien au génie et à l'inventivité de Dupieux qui reste intacte.
Je l'attendais tellement que j'ai revu les extraits plusieurs fois, tout comme la bande annonce, il dévoile tellement peu de choses sur ses films à chaque fois, ce qui est bien, évidemment, mais qui me rend clairement dingue. Rare sont les cinéastes aussi intrigants et imprévisibles, Dupieux est surement le réalisateur le plus intrigant que je connaisse, un réalisateur français en plus, ce qui est d'autant plus rare de nos jours, la plupart se contentent de faire des films à gros budget qu'on a vu cent fois, heureusement des Dupieux, Noé, Audiard et quelques autres sont là.


Et cette fin bon sang, je ne dévoilerais rien mais ce film est une crise d’eczéma de l'intérieur comme dit un des personnages, un truc qui retourne le cerveau et nous fait réfléchir pour rien au final, car il ne faut pas chercher le pourquoi du comment. Tellement habitué à Dupieux que je n'ai rien cherché à comprendre, j'ai juste pris le film comme lui le souhaite, comme un simple divertissement drôle et délirant qui ne se cherche aucune logique. Essayer de comprendre, de replacer les éléments, de chercher un sens, c'est purement inutile, et rien d'extravagant quand ça vient du maître du non sens.


On ressent vraiment une évolution et un aboutissement avec ce film, Dupieux envoi tout ce qu'il a appris durant ces quelques années derrière la caméra, il a atteint un nouveau niveau, non pas que ses précédents soient moins bons sur certains plans, du tout, j'adore toujours autant les autres, mais celui ci à quelque chose en plus. Je ne sais pas si c'est visuel ou autre, mais il est très différent sur la forme, surement qu'il a eu plus de budget même s'il n'est toujours pas aussi impressionnant qu'un film comme ceux qu'un Dany Boon nous pond mais il a déjà eu plus de liberté et de moyens qu'avec ses précédents, ce qui se ressent.
Toujours tourné à Los Angeles même si on ne reconnait pas vraiment la ville, ce qui est voulu évidement, les décors sont bien plus nombreux et variés, et cette réalisation calme et posée est elle aussi plus propre et plus soignée même si je le rappelle j'adore celle des autres. Et puis Dupieux laisse les couleurs un peu pimpante et bleutées pour passer à un thème plus boisé, des couleurs d'automne, beaucoup de gris, de beige, de marron, c'est vraiment un choix artistique qui colle magnifiquement avec le tout. Pour ce qui est de la bande son, Dupieux ne compose pas et ne reprend aucun de ses morceaux à lui, il décide de piquer les cinq premières minutes de Music With Changing Parts composé par Philip Glass, un morceau qui tourne en boucle et qui prend la tête, parfait pour le film qui comme la musique se perd dans une boucle.
Ce film marque la fin d'un cycle d'après son réalisateur, il ne sait pas vraiment sur quoi il va aller ensuite mais il sait que celui ci marque un point dans sa carrière, ou plutôt une virgule, il ne délaissera pas le non sens mais partira sur autre chose apparemment, et j'ai hâte de savoir quelle sera cette chose.


Je parlais d'Alain Chabat plus haut, c'est un acteur que personnellement j'adore mais que Dupieux adore également, il en est fan depuis les Nuls et rêvait de le faire jouer, il porte son film avec simplicité et légèreté, c'était le mec parfait pour ce rôle. Jonathan Lambert déjà présent dans Steak se glisse dans la chemise du producteur Bob Marshal qu'il prend plaisir à posséder. Pour accompagner conjugalement Jason Tantra à savoir Chabat c'est Élodie Bouchez qui porte ce rôle, surement le personnage le plus rationnel et terre à terre dans tout le film. Kyla Kenedy, la petite qui incarne la fameuse Réalité est très impressionnante, d'ailleurs quel culot de nommer un film Réalité alors que tout le film ne cesse de nous déglinguer la tronche avec ses réalités mélangées. Les fidèles Eric Wareheim qui a récemment réalisé le clip pour le morceau Ham de Mr Oizo, Mark Burnham et Roxane Mesquida sont également de la partie, John Glover, Jon Heder ou encore Michel Hazanavicius rejoignent eux aussi tout ce joli petit monde.


En bref, Quentin Dupieux met fin à son premier cycle avec un nouveau bijou qui n'oublie pas de se faire quelques clins d’œil très sympathiques, je retiens surtout le Rubber 2 inscrit sur la pancarte du cinéma quand Tantra découvre...... non, je ne dirais rien. Le film renferme tellement de moments jouissifs et fascinants que je ne peux gâcher ça, un grand bravo donc à ce génie qui réalise ici une comédie brillante.

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le 15 mars 2015

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