Film d’une durée réduite (80 min), tourné en 40 jours (est-ce un clin d’œil ?), on pourrait s’attendre à un classique western de série B ; il n’en est rien tant le film surprend par son ton novateur pour l’époque, loin des classiques du genre, réalisés dans les années 50.


Tourné dans un noir et blanc de toute beauté, le film débute par une superbe séquence d’ouverture où une femme vêtue de noir sur un cheval blanc galope à vive allure à travers la prairie, suivie par 40 cavaliers, en colonne par deux. Un chariot se trouve sur leur passage, mais alors que l’on s’attend à tout instant à une catastrophe, la file s’ouvre en deux pour passer de part et d’autre. L’ensemble est d’abord filmé de très haut, puis se rapproche pour partager l’inquiétude des occupants du chariot que l’on ne distingue d’abord pas précisément. Cette étonnante ouverture donne le ton du film qui se caractérise par son originalité.


On fera alors connaissance avec les occupants du chariot , trois frères dont l’aîné, Griff Bonnell, est un agent fédéral travaillant pour le bureau du Procureur Général. Ils se rendent à Tombstone pour arrêter un individu soupçonné d’avoir attaqué la malle poste. Or, celui-ci fait partie des hommes de la riche Jessica Drummond, qui dirige la région d’une main de fer. Lorsque son frère Brockie est arrêté, Jessica se retrouve face à Griff.


Le film est avant tout un western psychologique ; alors que l’on attend tout au long de l’histoire un affrontement avec les 40 tueurs, celui-ci n’aura pas lieu. Ceux-ci sont un groupe muet et soumis que l’on ne verra pas commettre d’acte répréhensible, le titre anglais Forty guns ne désignant pas ceux-ci comme des bandits. Le film comporte à cet égard une part de mystère, les plus réfractaires diront de nébulosité, sur l’activité exacte de l’héroïne et de ses hommes. Un seul est désigné comme bandit, faisant l’objet de l’arrivée des trois frères tandis que Brockie se révèle comme un dangereux névrosé tueur.


L’histoire est surtout basée sur les personnages de Jessica et de Griff, de leur affrontement qui se transforme rapidement en histoire d’amour désespérée tandis que la rencontre de Wess, frère de Griff et de Louvenie, fille de l’armurier, se déroule de façon plus classique. Là aussi, le scénario prendra de court le spectateur en offrant des dénouements inattendus.


Les personnages ont des réactions parfois imprévisibles, ce qui permet de nombreux moments surprenants, rendant l’ensemble passionnant à suivre : l’amoureux éconduit, l’embuscade et son dénouement sans compter l’étonnant face-à-face final …autant de moments qui dégagent un réel suspense (que je ne dévoile pas, à dessein).


Certaines scènes sont étonnantes comme celle où Jessica, en magnifique robe du soir préside le repas où les 40 cavaliers, silencieux et respectueux, dînent dans une belle vaisselle. Venu arrêter le bandit qu’il poursuit, Griff découvre stupéfait la scène, sentiment que partage le spectateur.


Le film comporte enfin par son ton et certains plans séquences une introduction inattendue aux westerns italiens, principalement dans la première scène de duel où un long gros plan sur les yeux de Griff puis sur le visage de son adversaire et la lenteur de la scène préfigurent Sergio Leone.


Dans le rôle de Griff, on reconnait Barry Sullivan, dont la carrière s’étend sur cinquante ans et qui constitue une figure familière du grand comme du petit écran, souvent comme second rôle, comme dans Les ensorcelés.
Gene Barry (qui incarne Wess) est quant à lui bien connu des amateurs de séries des années 60-70 ; il sera notamment le héros de deux séries, L’homme à la Rolls puis L’aventurier.


Terminons par Miss Barbara Stanwyck grande figure du cinéma, qui incarnera tout au long d’une carrière de près de soixante ans (de 1927 à 1985) des rôles de femme fortes, parfois fatales et manipulatrices (comme dans Assurance sur la mort), plus souvent celui de femme aventurière (La reine de la prairie).
Elle joue ici elle-même ses scènes d’action et cascades comme le moment où, le pied coincé dans un étrier, elle se fait tirer sur le sol par son cheval affolé pendant une longue distance.


A 60 ans, elle interprètera le rôle principal de l’excellente série western La grande vallée, où elle dirige une grande propriété, aidée par ses trois fils et sa fille. Elle délaisse souvent au fil des épisodes sa somptueuse maison et ses belles robes pour chevaucher encore, tout de noir vêtue (reprenant son image de chef des 40 tueurs) et se dépensant toujours sans compter, refusant la plupart du temps d’être doublée (pour patauger dans l’eau, sauter d’un chariot tiré par des chevaux emballés, ramper dans la boue…..notamment !).


Les quarante tueurs sont donc un excellent western à découvrir, qui peut surprendre par son ton mais dont la belle réalisation et les multiples rebondissements maintiennent l’intérêt jusqu’à l’étonnante scène finale.

m-claudine1
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films avec Barbara Stanwyck

Créée

le 26 juin 2018

Critique lue 413 fois

14 j'aime

10 commentaires

m-claudine1

Écrit par

Critique lue 413 fois

14
10

D'autres avis sur Quarante tueurs

Quarante tueurs
drélium
6

Critique de Quarante tueurs par drélium

Ce western ne manque pas d'intérêt. Il est dense et court à la fois, atypique, relativement noir, presque anti-manichéen, psychologique et romantique, l'image est belle, les thèmes nombreux. Mais je...

le 5 sept. 2012

24 j'aime

9

Quarante tueurs
Kalian
8

La Fuller de vivre.

Un shériff fédéral, accompagné de ses deux frères, se rend à Tombstone pour enquêter sur les agissements d'une bande douteuse menée par une grande propriétaire, qui dirige officieusement le...

le 25 nov. 2010

23 j'aime

2

Quarante tueurs
m-claudine1
8

Un western original au ton novateur

Film d’une durée réduite (80 min), tourné en 40 jours (est-ce un clin d’œil ?), on pourrait s’attendre à un classique western de série B ; il n’en est rien tant le film surprend par son ton novateur...

le 26 juin 2018

14 j'aime

10

Du même critique

Rebecca
m-claudine1
10

Romantisme et suspense

La rencontre de Daphné du Maurier, spécialiste des grandes histoires romantiques et d'aventures de l'Angleterre du 19ème siècle, et du maître du suspense Alfred Hitchcock peut sembler surprenante. De...

le 3 oct. 2020

43 j'aime

37

Les Mystères de l'ouest
m-claudine1
8

La grande série classique la plus mal comprise de l'histoire de la télévision

Nous voici avec Les mystères de l'Ouest face à une des séries les plus originales des années 60-70 - réalisée de 65 à 69 et diffusée en France à partir de 1967 - . Etonnant mélange de western, de...

le 25 août 2019

42 j'aime

85

Amicalement vôtre
m-claudine1
10

So long Sir Roger Moore

Série culte des années 70, Amicalement Vôtre présente deux riches hommes, qui une fois fortune faite, Danny dans le monde des affaires et Brett par héritage de sa noble famille, semblent mener une...

le 24 mai 2017

37 j'aime

56