Faces of a woman
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Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Emerald Fennell nous mène là où on ne l’attendait pas forcément. Showrunner sur la saison 2 de Killing Eve et surtout interprète de Camilla Parker Bowles dans les saisons 3 et 4 de The crown, Fennell déboule en tant que réalisatrice (et scénariste) de ce Promising young woman remaniant à sa sauce le genre rape & revenge avec plein de morceaux de #MeToo dedans, et transformant pour l’occasion une Carey Mulligan, qui s’était faite rare ces derniers temps, en redresseuse de torts féministe aiguisée par la vengeance. Car la nuit venue, Cassie "part en mission", écume les bars et feint l’ivresse, éveillant ainsi l’appétit sexuel des hommes qui voient en elle une proie facile avec laquelle ils pourraient "se défouler".
Sauf qu’une fois avachie sur le canapé ou étendue sur le lit, laissée là à leur merci (et à leurs envies, ou plutôt à leurs pulsions), Cassie reprend les choses en main pour mettre les choses au clair : pas touche. Deux évènements vont, soudain, venir bouleverser sa routine quotidienne et ses appétits chevaleresques : sa rencontre avec Ryan, pédiatre cool et gentil tout plein, et l’opportunité de rendre enfin justice à une amie d’enfance victime d’un viol lors d’une soirée étudiante. Masculinité toxique, objectivisation de la femme (voir la scène brillante avec les ouvriers résumant, à elle seule, l’attitude et le regard que peuvent avoir beaucoup d’hommes envers et sur les femmes), violences sexuelles, consentement et culture du viol : tout y passe et tout résonne évidemment, tragiquement, avec les remous et scandales que l’on sait de l’ère pré et post-Weinstein.
Fennell a pris le parti de ne réaliser ni un plaidoyer ni un drame sociologique. Plutôt une charge rentre-dedans, acidulée et pop en mode Gregg Araki qui, tout en ne s’embarrassant guère de subtilités, aborde mine de rien des thèmes et des questions plus que jamais d’actualité autour de l’oppression féminine à tout âge, à tous les niveaux et dans tous les domaines (et sa dissimulation/négation sociale et institutionnelle). Engagée, Fennell, mais pas démago. Certes, son film suit son programme de déboulonnage en règle du machisme le plus ordinaire et le plus crasse, voire meurtrier, mais il s’attache finalement à décrire davantage l’existence interrompue de Cassie, alors "jeune femme pleine d’avenir", rongée par la culpabilité et le souvenir d’une injustice qu’on aura préféré réduire à pas grand-chose, à une parole en l’air qui, il n’y a pas si longtemps encore, n’avait aucune valeur ni aucune importance.
Créée
le 24 févr. 2021
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