Le second volet de l’apocalypse de Carpenter aboutit, cinq ans après son premier volet et près d’une décennie après son monumental « Halloween ». Entre-temps, il aura eu le temps de se faire les griffes sur le pare-chocs de « Christine » et de s’égarer dans le musclé, burlesque et injustement mal-aimé « Big Trouble in Little China ». Il vient de nouveau sonder notre esprit et notre point de vue sur la fin du monde, celui qu’il a conçu et celui que l’on devra interpréter par les sensations. Son allusion au chat d’Erwin Schrödinger n’est pas anodine, car sa démarche consiste bel et bien à développer ses intrigues en préservant ce mystère, depuis l’extérieur de la boîte. Et pourtant, la subtilité viendra combler cette observation, dès lors qu’il place ses propres personnages dans une cage, fermée et étouffée par une abomination surnaturelle. Le huis clos s’installe alors rapidement, pour qu’enfin puisse infuser les diableries d’une force invisible et omniprésente.
Cela fait sans doute partie d’une de ses rares réalisations, où le metteur en scène enferme rapidement ses protagonistes dans une enceinte où tout s’entrechoque. La foi et la science sont discutables séparément, mais une fois réunis, la fatalité les rapproche car les résultats sont les mêmes. D’un côté le scientifique se doit de prendre du recul sur ses connaissances, tandis que l’homme de foi tente de compenser sa passivité. Tous ces partis demeurent ainsi impuissants face à l’ascension du mal et le retour de Satan sur Terre. La détresse du père Loomis (Donald Pleasence) ne laisse pas de place à l’hésitation chez le spectateur qui cherche à entretenir l’espoir. Cependant, il s’agit d’un risque en essayant d’épouser et d’apprécier les codes auxquels on nous habitue. Carpenter prend ainsi plusieurs détails à revers, tout comme le sens profond d’un monde qui s’effondre, peuplé d’individus qui ne meurent pas vraiment et qui ne vivent pas pour autant.
Là où la divinité vient souvent délivrer les hommes de leurs soucis, cette fois-ci, c’est l’Antéchrist qui intervient, avec toute la même puissance, mais pas la même bienfaisance. Ce que le professeur Birack (Victor Wong) et ses étudiants observent, c’est bien une déchirure dans les relations humaines, chose que la science ou la foi ne pourront expliquer. L’Eglise se transforme donc peu à peu au sanctuaire d’une renaissance, que l’on peut lire à travers divers types de miroirs. Dans cet élan lyrique, il s’agit avant tout d’accepter le constat navrant des marginaux, voire même des sans-abris, que l’on oublie et dont on ne prend plus le temps de les regarder en face. Et si l’on poussait l’analyse, il pourrait s’agir de remettre l’humanité à la place, à l’échelle des particules et des atomes qu’il étudie. Elle est insignifiante dans le monde qu’il cherche à bâtir et qu’elle ne pourra pas toujours contrôler. De même, les sentiments et les émotions, qui constituent la dernière ressource authentique des hommes, démontrent qu’ils peuvent les trahir.
« Prince des Ténèbres » (Prince of Darkness) élève ainsi constamment le niveau de complexité de ses interprétations. L’horreur sert alors à mieux induire les possibilités les plus crues et réalistes pour l’Homme, pour ne pas dire pessimistes. L’aventure fantastique convoque par la suite les carcans de la société, qui a longtemps conditionné ses membres à agir par orgueil que dans le sens du collectif. Les possessions ont pris plusieurs formes dans cette œuvre, qui ne mâche pas ses mots, ni sa définition de l’apocalypse et sa finalité. Il restera toujours une problématique non résolue et ambiguë pour renouveler et enjeux et fissurer un peu plus la boîte de Pandore.