Fruit d'une intense réflexion, la conclusion qui s'impose concernant la lente décadence de notre jeunesse, dont l'évidence m'avait jusqu'alors échappé, est qu'elle ne peut être due qu'à une seule chose : ils n'ont pas connu pas la VHS.
"La VHkoi ?" me répondraient probablement ces insolents lobotomisés par la largeur de leur bande passante, ce qui ne manquerait pas de me faire bondir, hurler, avant de me dévisser la tête en baragouinant des choses incompréhensibles sur l'enfer et ta mère qui y suce des bites. Mais revenue à la raison, l'unique constatation qui s'impose est que je suis une vieille conne. Amen.
La VHS donc. Elle m'a bercée de longues nuits durant, rendue dingue quand l'enregistrement s'arrêtait systématiquement avant la fin du film, m'a permis de développer des capacités manuelles hors normes alors qu'il fallait la rembobiner avec un crayon sans que la bande se retourne, m'a agréablement surprise lorsque l'employé du vidéoclub du coin avait rangé "La grande Mouille" dans le boîtier de "La guerre des boutons". Bref. Elle a surtout appâté et aiguisé ma faim insatiable de films.
Un de mes premiers chocs rétiniens fut le "Prince des Ténèbres" de John Carpenter. Donald Pleasence (que je recroiserai bien souvent dans mes pérégrinations magnétiques) incarne un prêtre qui découvre au fond d'une vieille église un cylindre vert fluo. Il appelle donc à la rescousse un scientifique et ses étudiants pour analyser ledit cylindre, censé renfermer l'Antéchrist. Rien que ça.
Mais ne vous y trompez pas, nous sommes bien loin du grandguignolesque ou du second degré rigolard propres à certaines séries B. Même si évidemment, au départ, les scientifiques ne prennent pas très au sérieux cette histoire, ils vont vite déchanter. Contaminés les uns après les autres, ils sont transformés en goules dociles prêtes à tout pour servir leur nouveau maître. Ouais, on ne déconne pas avec Satan.
La force du film réside justement dans sa capacité à faire vaciller notre pensée cartésienne, à l'instar de celle des universitaires, par un rythme assez lent qui propage cette menace diffuse et insidieuse.
Carpenter dose habillement les séquences d'angoisse impalpable où on ressent la panique communicative, panique qui gagne progressivement les protagonistes alors qu'ils réalisent leur impuissance et les moments d'horreur purs, avec des gros plans bien crades sur des visages ensanglantés, des insectes grouillants et des SDF zombifiés vraiment flippants, menés par le très maquillé Alice Cooper.
Mais on ne peut décemment pas parler de Carpenter sans parler musique. Il a composé celle de quasi tous ces films et si le thème de "Halloween" hante encore vos esprits, dites merci au monsieur. Là encore, le synthé du "Prince des Ténèbres" est terriblement efficace, envoûtant et inquiétant par son omniprésence.
Sombre jusqu'au bout, le final du film est halluciné, rendant parfaitement ce chaos apocalyptique redouté. Ça fuse dans tout les sens, ça hurle, ça se bastonne pour un retour à la normale... pas si normal que ça. On entrevoit déjà la thématique de la folie et du rêve que le réalisateur explorera dans "L'antre de la folie" quelques années plus tard mais c'est une autre histoire.
Les fans du genre s'étripent encore sur la toile pour savoir si le "Prince des Ténèbres" est un chef-d'œuvre ou le summum du kitsch. Moi tout ce que je sais, c'est que VHS ou Blu-ray, je me fais encore pipi dessus en le revoyant.
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