Je ne vois aucun réalisateur, là, tout de suite, capable de combiner le kitsch et le classicisme avec autant de maestria que monsieur Carpenter.


Le kitsch: une bande d' universitaires, composés de pleins de Chinois, du black réglementaire et d'un héros blond à la charismatique moustache vont tenter de dévoiler le mystère d'un bouillon verdâtre qui tourne depuis plusieurs millions d'années dans une cuve protectrice. Cette dernière est actuellement enfermée dans les tréfonds d'une église, une sorte de crypte éclairée par des centaines de bougies (à chaque fois que je vois ça, je rigole en imaginant un mec passer des heures, chaque jour, à allumer et remplacer ces bougies. Un job de merde quand d'autres s'amusent à vouloir détruire le monde ou le sauver). Heureusement, un bouquin écrit en latin, en grec, en allemand et en zulu dévoile la vérité: le liquide, en fait, c'est Satan qui veut se réveiller pour... appeler son père. Jésus, un extraterrestre dans le plus pur style de Raël, a tenté de prévenir l'humanité deux mille ans auparavant. Maintenant, l'avenir de l'humanité repose sur notre bande de bras cassés au comportement parfois incohérent...


Avouez qu'au niveau délire, ce petit résumé fait très fort. Après l'échec de son précédent film, Les aventures de Jack Burton, Carpenter décide de revenir à un cinéma de série B, où les budgets sont inversement proportionnels à la passion et aux idées des créateurs. Le casting suit le mouvement: des petits acteurs à la carrière riquiqui, pour la plupart, mais qui savent tous tirer leur épingle du jeu, malgré des caractérisations au ras des pâquerettes (le jeune Chinois balance de mauvaises vannes, le héros est aussi fade que sa moustache est virile, les personnages féminins..., pff, y'a rien à en dire en fait). Mention spéciale à l'acteur noir, quand même, qui finit par proposer une interprétation assez imprévisible, voire malsaine.


Imprévisible, le film l'est donc par ce scénario halluciné qui est toutefois contrebalancé par une certaine maestria de la mise en scène qui vient équilibrer le tout.


Le classicisme: le film vire rapidement au huis-clos, genre qui sied bien à un faible budget. Le décor, d'une froide désuétude, se teint par la grâce d'éclairages avares d'une atmosphère de plus en plus inquiétante. Le concept d'une contamination progressive du Mal, dans la droite lignée de La Chose, instille un véritable suspens que le comportement parfois incohérent des personnages ne parvient pas à enrayer. Cette sombre sobriété se pare enfin d'effets gore discrets aux antipodes du grotesque d'un Fulci. Par moment, on atteint même à une véritable beauté gothique, comme lors du final concernant un passage à travers un miroir... Et évidemment, la musique, de Carpenter himself, propose toujours ce minimalisme obsédant qui donne juste le surplus de vie qu'il fallait au film.


Une agréable surprise en définitive, alors que les premières minutes me faisaient craindre un film un peu emmerdant. Il n'en est rien. Même si Prince des Ténèbres n'est pas d'une ambition démesurée, il s'appuie sur un travail solide et des plans millimétrés dignes d'une grande production, tandis que la tension bizarre qui émane du déroulement de l'intrigue tire le meilleur du cinéma bis. Pas vraiment effrayant mais assez fascinant pour les amateurs du genre.

Amrit
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le 8 oct. 2016

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