Sorti en 2014, ce film relate - de façon sans doute un peu romancée - un épisode de la grande grève des mineurs anglais, intervenue une trentaine d'années auparavant. Et il faut souligner en premier lieu que la reconstitution des eighties en Grande-Bretagne est très soignée, de Jimmy Somerville aux coiffures-choucroutes des bourgeoises anglaises.


Mais le propos central du film est la convergence (improbable) de deux luttes : celles des mineurs gallois pour leur emploi et celle de la communauté homosexuelle pour ses droits. En fait, un petit groupe d'homos, politisés, va collecter des fonds pour soutenir les mineurs en grève, et de fil en aiguille, être amené à se rendre au Pays de Galles, puis à sympathiser avec la communauté locale. A cet égard, le film est un plaidoyer pour la tolérance et le respect des différences.


"Pride" est intéressant car situé à un point d'inflexion de notre histoire récente. Dans les décennies qui suivront, la communauté homosexuelle va en effet voir ses droits renforcés, alors que la classe ouvrière va peu à peu voir les siens s'éroder. Situé chronologiquement au commencement de la vague néolibérale qui va submerger le monde et l'Europe, le film illustre comme une sorte de passage de témoin entre les luttes du passé et celles à venir, qui prend tout son sens à la fin du film lors de la scène (particulièrement émouvante) où l'on voit les mineurs arriver en masse pour défiler lors de la Gay Pride de 1985.


Car la décennie des eighties est bien celle du passage à une logique du tout économique, dont nous subissons aujourd'hui les tourments. La notion de classe sociale (et bien sur de lutte des classes) s'estompe au profit de celle de communauté. Ainsi, accorder des droits (légitimes, cela va de soi) à la communauté homosexuelle n'est pas contradictoire d'avec le tout économique, cela peut même au contraire créer des opportunités de marché : on vit ainsi l'émergence, dans les années 90, d'un marketing gay. Mais, dans cette logique, il est par contre essentiel de restreindre les avantages, notamment économiques, accordés aux travailleurs, cela dans une logique de maximisation des profits.


Un film donc qui permet une réflexion intéressante sur notre société actuelle et son système économique qui absorbe tout ce qui peut l'être et marginalise le restant.

Marcus31
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le 31 déc. 2016

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