Speaking in tongues (ou "Ode à la glossolalie")

Très belle découverte que ce film de Denis Villeneuve, qui prend un parti pris bien différent que la plupart des "films d'extraterrestres" qu'a pu nous proposer l'industrie du cinéma jusqu'à présent.


Il m'a fait penser à Rencontres du troisième type dans son approche fondamentalement pacifiste du sujet de l'arrivée sur Terre des extraterrestres, et en même temps, emprunte une toute autre direction qui se voudrait davantage "hard science", en se focalisant sur notre communication avec ces visiteurs venus d'ailleurs.


Tout le film repose sur la tentative de deux scientifiques, Louise et Ian, de comprendre ce que souhaitent douze vaisseaux spatiaux répartis sur toute la surface du globe, habités par de mystérieuses pieuvres noires semblant contrôler la gravité (à défaut d'une meilleure description), et dont le principal moyen de communication repose sur le dessin dans l'air de symboles calligraphiés, évidemment incompréhensible par les humains de prime abord. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ?


Les aliens semblant d'abord pacifiques, le film prend une grande partie de son temps à démontrer qu'en pareille situation de communication d'abord infructueuse, la nature belliqueuse de l'humain prendrait rapidement le dessus et nous serions, dans le doute, les premiers à tirer. En bon film américain, il ne se gêne pas pour faire porter le chapeau aux Chinois et aux Russes, les premiers prêts à frapper dur et fort pour montrer à ces soi-disant envahisseurs de l'espace "qui est le patron" ici.


C'est peut-être là que le bât blesse, étant donné que le film poursuit globalement trois fils narratifs distincts :



  • L'évolution psychologique de Louise, la linguiste en charge de la mission scientifique
    • L'évolution de la mission, et les progrès obtenus pas à pas vers la compréhension mutuelle entre les deux espèces

    • L'évolution de la situation globale, et comment la peur s'empare peu à peu de la communauté internationale au point de faire naître une crise annonciatrice de la Troisième guerre mondiale


On regrettera que les deux premiers souffrent de la place démesurée accordée au troisième dans l'intrigue. Les relations entre les deux protagonistes, Louise et Ian, restent superficielles et anecdotiques tout le long du film alors qu'il s'agit, on le verra, d'un élément central à la résolution de l'intrigue dans le dernier acte du film (spoiler :


Les fréquentes scènes de Louise interagissant avec sa fille, qu'on suppose être des flashbacks de sa vie antérieure, sont en réalité des flashforwards de sa vie future, mariée avec Ian. En apprenant le langage des aliens, elle acquiert le don de voir le futur.


).


Idem pour tout le versant "analyse scientifique" du film, qui avance à vitesse grand V et dont on aurait finalement aimé apercevoir plus de détails. Les personnages semblent, du jour au lendemain, devenir parfaitement bilingues avec les aliens, de même qu'il semblerait (mais ce n'est jamais clairement établi) que ces derniers comprennent parfaitement l'anglais. Peut-être le réalisateur a-t-il eu peur d'ennuyer le public avec du blabla scientifique, se focalisant à partir de la deuxième moitié du film sur le thème de la sécurité et de la menace militaire. C'est à mon sens tout l'inverse qu'il aurait fallu faire, on reste un peu sur sa faim.


Véritable film à twist, on ne peut que regretter que la réponse donnée à la toute fin soit un peu téléphonée pour quiconque est un peu habitué-e à l'imaginaire. On aurait aimé que le film s'attarde moins sur l'aspect militaire et davantage sur l' "après", qui ne nous est montré que par bribes raccourcies.


De plus, la mise en scène se voulant très rigoureuse sur le plan scientifique, se retrouve battue en brèche par certains raccourcis scénaristiques qui annihilent cette volonté d'être crédible.


Un très bon film néanmoins, traitant du sujet extraterrestre sous un angle intéressant et original qui, malgré ses défauts, mériterait d'être connu davantage.

Scylardor
8
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le 18 mai 2021

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