Pas vraiment fan de Villeneuve. Il a des idées intéressantes mais pour l'instant, de ce que j'ai vu, il n'y a qu'avec "Prisoners" que j'ai passé un bon moment (6/10). Son problème, c'est qu'il échoue à exploiter ses idées, à les traiter en profondeur. Il suffit pas d'avoir une idée pour faire une bonne histoire, il faut aussi savoir quoi en faire.


La mise en place est ce qu'il y a de plus intéressant. C'est long, beaucoup trop long, mais il y a du mystère et on se laisse prendre au jeu sans problème. Et puis, quand on s'attend à ce que ça démarre, à ce que les personnages se révèlent, à ce que les situations deviennent plus intéressantes, il ne se passe rien.


Que l'on passe à côté du premier contact entre ces vieilles branches de l'espace et nos copains les terriens, ça passe, en revanche, que l'on ellipse le premier contact entre la team Louise-Ian et la team Abbott-Costello, ça, ça fait nettement moins plaisir. Je ne saurais même pas restituer la frustration ressentie : c'est le moment où le spectateur est censé découvrir les aliens, c'est censé être un des moments les plus importants du film, puisque l'auteur a décidé de nous faire suivre le point de vue de Louise et que c'est son moment à elle, que l'on était censé partager cette découverte avec elle... et ben non, VIlleneuve nous laisse de côté, cette expérience n'appartiendra qu'à Louise seule. En fait, tout au long du film, on dirait que l'auteur a choisi de limiter ses effets spectaculaires, ainsi donc à aucun moment le spectateur n'est émerveillé de ce qu'il se passe.


Il est tout de même un peu hypocrite parce que bon, les vaisseaux sont impressionnants et filmés de manière à impressionner, de même que les effets utilisés pour que les créatures écrivent sont particuliers. C'est donc faux de prétendre que l'auteur refuse totalement les effets spectaculaires... et du coup on se retrouve le cul entre deux chaises constamment. Une des scènes les plus agaçantes, c'est à la fin, lorsque Louise se la joue solo et que l'on voit plus son visage en gros plans que son pote l'arbre qui lui tourne autour façon dragueur de cité.


Pour en revenir au scénario, j'ai trouvé le temps long et pénible parce qu'il ne se passe pas grand chose : les conflits n'offrent que peu de tension. Au début, on y croit, parce que les enjeux sont intéressants : trouver un moyen de communiquer. Mais très vite, on comprend que les auteurs s'en foutent de ces enjeux, d'ailleurs les scientifiques, ou plutôt Louise, trouvent des significations comme ça, sans qu'on sache comment ils ont fait : à force d'étudier, ben voilà, ils ont trouvé des éléments. Si bien qu'ils arrivent à communiquer avec leur écriture... ils ne savent toujours pas comprendre certaines subtilités mais en gros ils communiquent. Mais tout cela se fait à notre insu. Ou alors j'ai vu une version sérieusement amputée... en tous cas je n'ai pas vu une scène où les deux espèces parviendraient à trouver ce terrain d'entente, le spectateur n'accompagne pas l'héroïne dans son travail, ni dans ce processus intéressant.


Les personnages ne sont jamais vraiment développés non plus. Même le side-kick des Avengers ne sert à rien ici, sauf à la toute fin, fier qu'il est d'avoir trouvé un élément de réponse. Seule Louise compte. Mais Louise n'est pas non plus développée. On ne la suit que pour le concept temps du film. On insiste énormément avec les flash, c'est déjà lourd quand on croit comprendre mais lorsque la révélation tombe, c'est encore plus lourd (revoir le film doit d'ailleurs être assez horrible). Le truc, c'est que Villeneuve ne nourrit absolument pas son récit, qu'il tourne autour du pot tout du long avant de révéler sa carte maîtresse.


Une carte maîtresse qu'il exploite maigrement par la suite et surtout un peu n'importe comment. Cette manière d'envisager le temps n'est pas inintéressante, mais pour l'exploiter de la sorte, c'est vraiment facile d'un point de vue narratif et c'est complètement idiot. En fait, les auteurs se sont fait piéger à leur propre jeu : s'ils avaient amené cette révélation plus tôt, ils auraient pu en faire autre chose que ce dernier sursaut de suspense (qui ne fonctionne pas du tout parce qu'on comprend bien que cette arme permet de tout faire et donc la tension est à son point le plus bas du film).


La mise en scène est correcte. Je ne suis pas particulièrement emballé par cette retenue bien trop appuyée (paradoxalement parlant) de ne pas vouloir en foutre trop plein les yeux. Si ça tenait la route au niveau de la narration, ce choix aurait été honorable, mais comme il ne se passe rien, je ne comprends vraiment pas pourquoi n'avoir pas opté pour un visuel plus franc ? Surtout que l'image est un moyen de communication, alors l'exploiter pour juste montrer le visage de l'héroïne c'est couper la communication.


Les créatures n'ont pas un design très intéressant. Les tentacules sont encore sympas, ça m'a rappelé l'araignée dans "Enemy", mais le reste du corps est très bof (et puis les tentacules ne sont que très peu exploitées). Les effets spéciaux n'ont pas trop fonctionné sur moi : on sent trop que c'est de l'image de synthèse et quitte à faire faux, autant que ce soit assumé avec des animatronics qui auraient permis de rendre les mouvements plus réels et les créatures plus touchantes.


Les acteurs sont bons. Ce ne sont pas des prestations que je défendrais corps et âmes parce que je pense juste que chacun fait son boulot sans plus : Amy doit jouer l'émotion constamment tandis que Jeremy joue le scientifique relax. Les autres sont en faisant le minimum syndical.


Bref, c'est très bof, très frustrant. Mais ça se laisse regarder grâce au mystère qui entoure le film. Villeneuve n'est doué que pour ça en fait, faire du mystère... sauf qu'en conservant une narration toujours trop classique, faire du mystère ne suffit pas, à un moment il faut se lancer et raconter quelque chose d'un peu plus consistant (et éviter les petites entourloupes narratives qui font croire qu'on touche au génie alors qu'on ne touche à rien du tout). Dommage.

Fatpooper
5
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2017

Critique lue 1.9K fois

28 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

28

D'autres avis sur Premier Contact

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Premier Contact
Sergent_Pepper
8

Mission : indicible.

La science-fiction est avant tout affaire de promesse : c’est un élan vers l’ailleurs, vers l’au-delà de ce que les limites de notre connaissance actuelle nous impose. Lorsqu’un auteur s’empare du...

le 10 déc. 2016

192 j'aime

16

Premier Contact
trineor
5

Breaking news : t'es à court sur la drogue bleue de Lucy ? Apprends l'heptapode !

Bon, bon, bon. Faut que je réémerge d'une apnée boulot déraisonnable, rien que le temps d'un petit commentaire... parce que c'est que je l'ai attendu, celui-ci. Et fichtre, je suis tout déçu ...

le 7 déc. 2016

153 j'aime

61

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

103 j'aime

55