De la branlette des cymes au mélo as usual (fourchette basse et grasse pour les deux)

Les extraterrestres de Premier contact (sortes d'araignées [géantes] comparables à la créature d'Enemy, avec un tronc plus massif) sont loin des brutes habituelles ou des vieux archétypes et le film démarre très fort. Les qualités plastiques et les promesses du scénario sont remarquables. L'approche est rigoureuse, un peu documentaire, un suspense de longue haleine s'installe. Cette manie de Villeneuve (Sicario, Incendies, Prisoners) à faire du mystère s'applique à un programme apparemment concret malgré son caractère extraordinaire ; on ne pourra pas y couper et on empruntera le chemin de forces réelles, on verra les contingences envisageables hors-spectacle et hors-méditation.


Arrival est donc appréciable lorsqu'il s'agit d'introduire ou de cultiver l'attente ; mais il use le fil, puis donne le relais à deux options stériles. D'un côté, le mélodrame minimaliste en tout, narcissique et fait de peu d'événements, peu de sentiments, peu d'enjeux – et tous apportent un petit focus personnel et presque éthéré à des questions engageant pourtant l'Univers entier, son actualité, son futur et ses données permanentes. Autour de ce trou noir décevant sont dressées de grandes lignes politiques et spirituelles – c'était l'affaire d'un faux Christ unificateur et pacifiste, encore un, gentil et fascinant celui-là on nous le garanti.


Villeneuve nous a encore bien eu et ses sponsors avec. De l'épate en sourdine, avec grands desseins a-priori ; et au lieu de secouer la SF, c'est comme d'habitude en plus cynique. La pédagogie bas-de-plafond alertait déjà, les illustrations médiatiques (très laides et faussement naïves) et politiciennes viendront couvrir les courbettes. Les visions de sa fille par Louise Banks trouveront un éclairage trivial et pimpant à la fois. Ce pouvait être les visions d'une défunte dont Louise imaginait la suite au présent, comme si elle vivait toujours ; celle de réalités alternatives ou autres, à créer, à saisir, sur lesquelles on pourrait agir ou non.


La solution choisie est la plus plate : une faculté de voir des scènes du futur, envisagée avec une 'vibe' religieuse. Il pourrait y avoir là une sorte de réservoir sur les données de l'existence ; comment la comprendre et comment l'optimiser, comment échapper aux angoisses (à défaut, toujours, de trouver 'du sens'). Il n'y a qu'une désolation satisfaite. Le film s'arrête au moment d'aborder d'immenses questionnements, qu'il semble abandonner ou confier à une espèce de confiance irrationnelle matinée de régression. Une forme de conscience nouvelle pourrait être là à portée, dans le monde d'Arrival on en tire un flou sûr de lui et apaisant pour l'ego – qui bien sûr est en passe de se transcender.


Le film suit le même chemin de l'humilité heureuse en fonçant vers les formules obligées, trouvant la romance accomplie de service, se ralliant à la loi du twist, etc. Ce cousin d'Interstellar corrigé par Shyamalan porte également un enseignement bien terrien, en rappelant l'inéluctable coopération de toute l'Humanité face à un adversaire ou un supérieur commun. Elle aussi doit avoir lieu dans un autre temps, mais puisque les frontières du temps sont relatives, il suffit de récupérer les rares indices disséminés et attendre de voir ce qui ne se voit pas – faute de destination, nous aurons des visions. Il y a surtout celle d'extraterrestres aux apparitions embuées et aux délais franchement cool.


https://zogarok.wordpress.com/2017/02/11/premier-contact/

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le 10 févr. 2017

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