Denis Villeneuve est décidément un réalisateur intéressant.
Qu'il hérisse le poil ou fasse naître des frissons d'extase, il explore à chaque nouveau film une facette totalement différente de ses capacités ou de son talent. Cette fois, il réussit le petit exploit d'étoffer le cœur de ce qui ressemble à un réel élan artistique avec un enrobage parfaitement digeste. Ça à l'air de rien, mais tous les réalisateurs et scénaristes n'y parviennent pas si facilement.


Loving the alien


Parce qu'en vrai, on se fout pas mal de la présence de militaires autour de Louise et Ian. Le sujet est donc traité sobrement, mais sérieusement.
On se branle un peu de la réaction des différents pays autour de l'arrivée de vaisseaux extraterrestres aux douze coins du globe. L'affaire est donc rondement menée, de manière plutôt plausible, et avec même une petite pirouette sympathique.
Enfin, on pourrait se montrer irrité par le sempiternel trauma de l'enfant perdu. Mais c'est là une des réussites du projet: plutôt qu'être déploré comme un cliché éculé habituel dans ce genre de production, ce sous-thème va se mêler efficacement au principal, en laissant à chacun le soin d'interpréter selon sa sensibilité propre si le talent de Louise était antérieur ou lié à l'arrivée des aliens.


Illegal alien


Reste donc l'idée principale, dont il n'était pas évident de faire un film. L'exploit de Villeneuve est donc ici de faire passer un thème de réflexion que ne renierait pas Godard en un faux thriller SF assez malin pour que des producteurs acceptent de le financer, et -encore mieux- pour que des spectateurs aient envie de se déplacer pour le voir.
Songez donc que pendant le plus clair de ces 116 minutes, le film ne propose pas grand chose d'autre que deux scientifiques tentant de déchiffrer un langage d'abord parfaitement abscons (d'ailleurs brillamment imaginé par le réalisateur et son scénariste Eric Heisserer) proposé par Abbot et Costello, deux heptapode laconiques mais coopératifs.


Subterranean Homesick Alien


Drame familial, thriller psychologique, anticipation arachnide, polar frontalier et désormais SF atypique, le québécois semble donc capable d'aborder tous les genres avec un certain bonheur, et si parfois ici la copie pourrait évoquer un mix dangereux entre Nolan et Malick, le résultat est suffisamment convainquant pour le voir s'attaquer à un des piliers du cinéma SF du 20ème siècle avec bien plus de confiance que s'il s'agissait du créateur de la dite-œuvre elle-même.
Il y a encore peu, ce genre de réflexion pouvait passer pour parfaitement sacrilège, ce qui donne une idée du chemin parcouru par le réalisateur en huit ans.

guyness

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