Un matin, l'humanité se réveille et découvre 12 immenses vaisseaux en suspension tout autour de la terre. L'armée, qui tente de gérer la situation, et la crise d'angoisse qu'elle entraîne chez la population, fait appel à une linguiste pour tenter d'établir un contact avec les occupants des vaisseaux et de définir les raisons de leur présence. Je n'en dirai pas plus concernant le scénario de Premier Contact et je vous garantis une critique sans spoiler. Le film est ce qu'on appelle un récit à « twist », c'est à dire une œuvre reposant principalement sur les révélations et retournements de situations. Je vous invite donc à le découvrir le plus « vierge » possible, ce qui fut mon cas, car il s'agit de la meilleure technique possible pour l'apprécier.
Il faut quand même reconnaître que dans la majorité des cas, quand un film décide de nous faire changer notre perspective sur l'intrigue, via une grosse révélation finale, il prend un risque. Si le spectateur attentif décèle rapidement l'astuce, il va perdre une grande partie de son intérêt et susciter l'ennui. Dans mon cas, c'est exactement ce qui s'est passé avec Premier Contact. Je pense que vers la moitié du métrage, j'ai deviné la révélation finale et, suite à cela, la deuxième heure du récit m'a semblé bien longue ... Certes, le film reste intéressant à bien des égards et son discours sur l'importance et la subtilité du langage est passionnant, mais le développement narratif devient laborieux. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'un film qui est vendu sur la force de son scénario y trouve pour moi sa plus grande faiblesse. L'on a souvent tendance à croire, à tort, qu'une bonne idée fait un bon scénario. C'est malheureusement faux, car cette bonne idée doit être transcendée, placée au sein d'un récit plus complexe recelant de multiples péripéties, des personnages attachants et bien construits, et surtout une bonne dose de subtilité dans la révélation des éléments de l'intrigue. Si Premier Contact possède incontestablement cette bonne idée, elle n'est malheureusement pas mise en valeur. La construction du récit est assez lourde et rend la « révélation » facile à deviner. Le souci, c'est que vu que le scénario ne propose pas vraiment d'autres péripéties et qu'hormis le personnage d'Amy Addams, les autres ne sont quasiment pas écrits, le film se retrouve piégé par sa propre intelligence ...
Malgré cela, Premier Contact est un bon film, mais il aurait pu être un grand film ! Il est visuellement léché, mais sans esbroufe, et traité de manière très adulte. Des qualités qui sont devenues une constante chez Villeneuve. Mais en l'état, il s'agit juste d'un film de science-fiction moins spectaculaire, le film ne comporte aucune scène d'action, mais est plus intelligent que la moyenne. En ça, le film a été quand même un peu survendu. L'on sent d'ailleurs que Villeneuve n'est pas forcément à l'aise avec l'outil de la S.F. et que ce qui le passionne véritablement, c'est de disserter sur l'importance du langage et de notre vision extrêmement réductrice de ses subtilités. Quand il aborde ce thème, rarement traité au cinéma, le film devient vraiment passionnant. Il est juste dommage qu'on ait parfois plus l'impression d'assister à une conférence qu'à un récit qui nous est conté. Car si un film comme Interstellar était tellement puissant, c'est parce qu'il plaçait ces théories scientifiques au sein d'une histoire laissant une place majeure à l'émotionnel et à une magnifique relation père/fille. Ici, le souci est justement que même si l'émotionnel devrait être un des points essentiels des enjeux, le film est froid. Villeneuve est un cinéaste bourré de qualités, il a une maturité bluffante dans sa mise en scène et une maîtrise technique qui semble innée, mais ce n'est pas le meilleur quand il s'agit de jouer sur la sensibilité. Un peu comme un Stanley Kubrick, une des critiques récurrentes qui revient quand on parle de son œuvre, c'est le peu d'empathie que l'on ressent pour ses personnages. Que ce soit au travers d’Emily Blunt dans Sicario, Jake Gyllenhaal dans Enemy ou Amy Addams ici, le problème se répète dans ses films. L'exception étant probablement Hugh Jackman dans Prisoners, mais les enjeux et drames vécus par le personnage étaient tellement puissants que l'empathie du spectateur était inévitable. Cet équilibre entre l'émotionnel et la maîtrise technique fait d'ailleurs de Prisoners le meilleur film de Villeneuve à mes yeux. C'est la seule fois où le grand cinéaste qu'il est s'est muté en merveilleux conteur.
Ne vous méprenez pas pour autant, j'aime énormément le cinéma de Denis Villeneuve et si j'ai été légèrement déçu par Premier Contact, c'est principalement car il s'agit d'un film qui ne convient pas forcément à son style. Le fait de ne pas jouer l'émotionnel dans des films comme Sicario ou Enemy tenait de la qualité et se plaçait comme des choix narratifs cohérents vu les sujets traités, mais ce n'est malheureusement pas le cas ici. De par son sujet atypique et l'intelligence de son propos, Premier Contact doit être vu et se place clairement dans le haut du panier des films du genre. Je pense cependant qu'il aurait pu être bien meilleur dans les mains d'un autre cinéaste. Ceci étant dit, le film m'a quand même laissé l'impression de contempler un diamant bien mal taillé.


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le 5 janv. 2017

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