J'écris la critique de ce film après un second visionnage et j'insiste sur le fait de le voir au moins deux fois pour saisir toute sa subtilité. Mais avant de commencer, il faut savoir une chose importante: Premier contact est une œuvre intimiste. Ce n'est pas un film de science-fiction, ni un film sur les aliens et leur rapport à l'homme; mais un film qui traite de l'humain. Les extras-terrestre ne sont ici qu'un prétexte pour dévoiler et pousser les hommes dans leurs retranchements, les forcer à se remettre en question: non par rapport au monde mais par rapport à eux-mêmes.


Qui dit film sur l'humain dit nécessité d'avoir de bon acteurs, Amy Adams est encore une fois frappante de justesse et de vulnérabilité, Jeremy Renner est lui aussi très touchant et m'a fait esquissé quelques sourires. Un autre bon point pour Forest Whitaker, qui ne tombe jamais dans la caricature du militaire agressif sans aucune réflexion mais qui nous montre un homme réfléchis qui fait son job dans une situation compliquée en essayant tant bien que mal d'inspirer l'ordre parmi le chaos.


Rentrons dans le vif du sujet avec le visuel du film, nous avons le droit à une photographie sublime qui n'hésite pas à s'attarder sur l'étrangeté des vaisseaux. OVNI au design ultra épuré, ici pas de lumières et de spots à la Rencontres du troisième type mais plutôt un style emprunté aux monolithes de 2001: l'odyssée de l'espace, dont l'inspiration est largement assumée (y compris -et surtout- niveau sonore) que ce soit dans la sobriété et la froideur de l'architecture, dans les plans jouant avec le clair obscur, dans la façon de se mouvoir et de disparaître du vaisseau, ou en jouant avec les différentes pesanteurs (plan la tête en bas, manière d'atteindre le point de rencontre). J'insiste sur la bonne idée d'avoir placer ces vaisseaux dans de grands espaces dénués de présence humaine (plaine, montagne, océan...) ce qui change du traditionnel "vaisseau qui se pose dans New York et qui détruit des grattes ciels" et qui permet de proposer de magnifiques plans aériens. Le design des heptapodes est somme toute assez original et très organique ce qui créé un contraste intéressant avec le vaisseau, mais la "star" est bien entendue le langage écrit des heptapodes, n'ayant vu aucune bande annonce avant de voir le film j'attendais avec impatience quelle forme il allait prendre et bien je n'ai pas été déçue, c'est original, ingénieux et joli.


Niveau sonore, nous sommes dans la même veine que le visuel: épuré, efficace et référencé. Tout commence par l'émouvant On the nature of daylight réservé aux visions de Louise, puis on découvre des morceaux aux sonorités sourdes, étranges et mystiques pour les heptapodes, et des compositions de chœurs tout aussi déroutantes et mystérieuses lors des moments de tension, ces derniers faisant référence évidente aux thèmes de 2001, comme celui du monolithe. Le montage son est aussi intéressant, notamment les passages de jeu sonore avec les casques et les respirations (encore du 2001...) mais aussi les effets sonores des heptapodes, leur "voix", le bruit de leur déplacement, celui du jet de leur encre... Le tout collant à une bande son qui se fait discrète quand il le faut et qui laisse place à de longs silences (comme dans 2001... Bon promis j'ai vu plus de deux films dans ma vie, et promis c'était la dernière fois qu'on parlait de Kubrick!)


Le film aborde plusieurs thèmes à la fois, celui du langage, de la communication -ou plutôt du manque de communication-, du temps, de la peur de l'inconnu -inconnu en tant que personne- et dans une moindre mesure, de la mort et de l'abandon. J'en oublie sûrement, mais le film est généreux en réflexions offertes au spectateur.


Le fil rouge du film et son dénouement repose sur le langage, plus précisément sur la théorie de Sapir-Whorf (je vous invite à vous documenter sur internet pour plus de professionnalisme) qui soutient que le langage des hommes influe sur leur façon de penser, de percevoir le monde. Ici l'idée est poussée à son paroxysme, ceux qui ont vu le film comprendront à quel point Louise voit sa vision du temps changer.
En effet, ici la vision du temps diffère de la perception occidentale et orientale qu'on en a: il n'est ni linéaire, ni circulaire. Le temps ici est un palindrome, tout comme le nom de la fille de Louise "Hannah". Cette vision du temps influe sur le rapport qu'à Louise à la mort et à l'abandon. Je trouve que le film aborde ces thématiques à l'orientale -lorsque qu'un être cher meurt on ne pleure pas sa disparition, mais on célèbre la vie qu'il a vécue-, j'extrapole en parlant de célébration mais on retrouve cette idée de profiter des bons moments même si l'on sait qu'ils auront une fin. -----(/SPOIL/ Louise sait que sa fille va décéder, qu'elle va lui en vouloir, que son mari va rejeter sa décision, les abandonner; elle a conscience de toute la souffrance qui l'attend mais pour elle les bons moments, l'amour de Ian et de sa fille en valent la peine /SPOIL/)-----


D'un film traitant du langage découle forcément un film sur la communication, point central du film: Premier contact (bon ce n'est que la VF mais si ce nom a été choisis ce n'est pas pour rien). Louise tente d'établir une communication entre les hommes et les heptapodes, tout commence par les bases, une présentation de personne à une autre, dans le calme et le respect et non dans la précipitation -ce qui va déplaire à certains militaires-. Les 12 vaisseaux répartis sur le globe forcent la communication entre tous les pays, outre la barrière de la langue. Les gouvernements veulent aller trop vite: ils veulent connaître les intentions des heptapodes avant même de les comprendre. À force d'incompréhension envers les aliens et le refus de communiquer entre eux leurs avancées, tout se précipite: les hommes prennent peur, décident de prendre une position agressive, coupent toute communication entre eux et avec les extras-terrestre; les conséquences risquent d'être désastreuses. Les aliens servent là de prétexte mais cet enchaînement s'applique dans bien d'autres cas, bien réels cette fois-ci, malheureusement.


J'avoue avoir du mal à critiquer un film qui m'a fait du bien aux yeux et aux oreilles comme il l'a fait, m'a touché, m'a fait réfléchir, m'a donné envie de me documenter.
Je n'ai pas pu le juger en temps qu'adaptation n'ayant pas lu le livre, mais je laisse les gens l'ayant lu me dire si ils ont été satisfaits et si ils avaient imaginés différemment les heptapodes et leur langage.

Stella580
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le 17 avr. 2017

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Stella580

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