Denis Villeneuve est très clairement devenu le poulain favori d'Hollywood, prolifique sortant au moins un film par an depuis son Prisoners tout en enchaînant les succès critiques et commerciaux. Que ce soit dans l'industrie ou parmi les spectateurs, il se voit être acclamés et on commence à lui donner des projets d'envergures comme la suite de Blade Runner qui doit sortir l'année prochaine. Mais comme une année cinématographique serait fade sans un film de Villeneuve, il s'est occupé d'un projet entre ce dernier et son très réussi Sicario. C'est une adaptation de l'audacieuse et bouleversante nouvelle de Ted Chiang, Story of Your Life, qui voit le jour au cinéma sous le nom de Arrival et qui se voit accompagné de retours dithyrambiques. De quoi être enthousiaste à la découverte de ce film qui promet d'être un des plus importants de l'année.


Pour autant, il s'avère que l'on se retrouve face à un sérieux pas en arrière en ce qui concerne le cinéma de Villeneuve, lui qui plongeait l'humain dans une situation inextricable pour étudier sa psyché et le confronter face à son propre échec. Même si on retrouve tout cela en surface ici, le facteur n'est pas approfondi et demeure incroyablement superficiel. En dehors du personnage principal, aucun n'a la place d'exister ce qui enlève tout attachement émotionnel de la part du spectateur. Car même si l'on apprécie suivre la protagoniste, le fait qu'elle n'ait aucun matériaux concrets pour se rattacher ou trouver à s'épaissir en tant que personnage nous laisse très extérieur à ce qu'elle traverse. Et ce, malgré les efforts louables de Amy Adams qui fait tout ce qu'elle peut pour faire transparaître la dualité et les questionnements de son personnage. Questionnement qui sont d'ailleurs quasiment absent en ce qui concerne le vrai dilemme du film, ce qui entraîne un message assez naïf, loin de la prise de conscience poignante de la nouvelle alors qu'il résulte du même twist. Le problème n'étant au final pas l'idée, mais le traitement.


Dans la nouvelle de Chiang, la style même d'écriture alimente le twist et plus que ça il donne un poids à la présence extraterrestre, le livre étant écrit comme eux écrivent. Ici l'écriture est bien trop linaire pour que le twist ait un quelconque impact et il apparaît au final comme une grosse facilité pour régler la situation finale. Et c'est là que l'on se rend compte que ce qui marche à l'écrit ne marche pas forcément par l'image. Mais même si l'adaptation est maladroite, le film peut quand même être réussi sauf qu'ici il s'enferme beaucoup trop dans le récit de Chiang, qu'il en devient prisonnier. Surtout qu'il en change la substance sans en changer le propos, ici il s'intéresse plus aux rapports à l'image que celui que l'on a avec les mots, ce qui s'avère intéressant et ludique mais qui ne marche pas forcément avec ce qu'il essaye de raconter. En résulte des images qui finissent par perdre de leurs substances. Une approche plus terre à terre sur la rencontre avec les extraterrestres auraient été bénéfiques pour le film, surtout que c'est ce qu'il réussi le mieux. La première demi-heure est bluffante entre le frisson de découvrir l'inconnu, la peur et le chaos que cela entraîne. Tout est géré à la perfection jusqu'à ce que le récit se mettent à faire des ellipses et dilue ce que son film réussissait le mieux. S'affranchir du twist de Chiang pour se concentrer sur l'impact de l'arrivée d'une race extraterrestre aurait été plus approprié car c'est là où le film se montre vraiment vertigineux.


Après on retrouve les thèmes cher à Villeneuve, l'humain qui se doit d'affronter l'inéluctable, qui finit même par l'embrassé mais aussi la communication. Alors que ces précédents films était plus concentrés sur le secret, ses personnages ne jouant jamais franc jeu entre eux, ici il prend la démarche inverse pour décrypter la communication et pousser les gens à se comprendre malgré les difficultés. Il signe avec ça son oeuvre la plus optimiste mais c'est un optimisme qui ne lui va guère, il tombe souvent dans la pure naïveté et la lourdeur quand il s'agit d'exploiter certaines situations, notamment son happy end emplit de pathos. Pourtant, comme ses précédentes œuvres, c'est un film qui parle d'un échec même si il s'avère plus doux que dans ses œuvres antérieures, il reste terrible et trouver le contraste entre la beauté de cette transmission mais la dureté de l'égoïsme humain aurait eu un impact encore plus tragique. Mais pour contrebalancer la fragilité du récit, Denis Villeneuve offre une mise en scène chirurgicale et prodigieuse par son minimalisme. Il n'essaye pas de trop en faire mais arrive vraiment à prendre au tripes lors des premiers échanges avec les extraterrestres. Son style froid embrasse à merveille l'intrigue et lui donne une atmosphère particulière, très mélancolique et épurée comme si l'on se retrouvait nous aussi hors du temps. Il y a juste le montage qui est parfois maladroit dans l'insertion des flashbacks mais la sublime photographie et le score envoûtant de Jóhann Jóhannsson arrive à rendre le visuel enivrant.


Arrival est une oeuvre intimiste parfois admirable, parfois dissonante mais qui fait preuve d'un souffle de cinéma envoûtant. Pour autant, le film ne sonne pas comme une réussite car il ne parvient pas à faire les bons choix quand au matériau qu'il adapte. A vouloir faire son petit malin en exploitant le twist de la nouvelle de Ted Chiang, il finit par se brûler les ailes. Car ici, Villeneuve brille lorsqu'il se concentre sur les répercussions et ce qu'il en coûte lorsqu'une présence qui nous dépasse surgit sur Terre mais échoue à rendre vibrante la fable humaniste qui se cache derrière le brûlot géo-politique. Pourtant il avait par le passé réussi à merveille à exploiter l'Homme au sein d'un engrenage destructeur mais ici il délaisse l'humain pour ne voir que les rouages froids d'une structure narrative bien trop consciente de ses effets pour arriver à sonner juste. La première partie du film reste exceptionnelle, la mise en scène aboutie et le casting très bon, mais Arrival s'enferme trop dans son twist pour pouvoir transcender son concept.

Frédéric_Perrinot
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le 13 déc. 2016

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