En cette fin d'année 2016, il pourrait paraître saugrenu de n'avoir jamais entendu parler du canadien, Denis VILLENEUVE. Bien que ses long-métrages Enemy (2013) et Sicario (2015) aient connu des succès conséquents, c'est en février 2015 qu'il fît le plus parler de lui, lorsqu'il fût annoncé comme réalisateur sur le projet de suite à l'iconique Blade Runner (1982) de Ridley SCOTT. S'il avait d'ores et déjà fait ses preuves dans les genres du thriller et du drame, il pouvait cependant sembler surprenant de nommer Denis VILLENEUVE à la tête de Blade Runner 2049 (2017), puisque celui-ci n'avait alors jamais réalisé de long-métrage de science-fiction.


Dès lors, c'est en toute logique que Denis VILLENEUVE s'essaye dans un premier temps à ce genre en adaptant la nouvelle L'Histoire de ta vie (Story of Your Life, 1998) de Ted CHIANG dans son dernier long-métrage, Premier Contact (Arrival, 2016). Lauréate du Prix Nebula du meilleur roman court et du Prix Theodore Sturgeon, la nouvelle de l'auteur américain, qui traite du sujet complexe des tentatives de communication d'une linguiste avec des extraterrestres fraîchement arrivée sur Terre afin de déterminer leurs intentions, avait de quoi nous évoquer l'OVNI cinématographique de Michael MADSEN, The Visit (Ziyaret, 2015).


Hélas, si Premier Contact reste dans sa globalité plutôt correct, il est triste de constater que Denis VILLENEUVE parsème son film de nombreux petits défauts et que ces derniers relèvent pour la majorité d'entre eux, des différents écueils qui peuvent exister dans les blockbusters destinés au grand public. Non seulement de se complaire par moment dans certaines facilités sans chercher à traiter en profondeur son sujet, Denis VILLENEUVE parle d'une humanité qui sombre dans les méandres de l'incompréhension sans jamais essayer réellement de la représenter ou de la symboliser. De plus, le réalisateur canadien n'hésite aucunement à emprunter des raccourcis scénaristiques, à l'instar des nombreux mois de communication entre l'humanité et les extraterrestres qui sont occultés au travers d'une ellipse grossière accompagnée d'une voix-off venant raconter ce qu'il n'a pas osé représenter à l'écran.


De même, Denis VILLENEUVE semble avoir composé son casting avec l'objectif d'offrir à Premier Contact de bons résultats au box-office, et cela sans juger au préalable que Jeremy RENNER, l'archer mono-expressif du Marvel Cinematic Universe – la franchise super-héroïque de Marvel Studios –, s'avérerait, en toute logique, être bien peu convainquant dans le rôle d'un grand physicien théoricien. Et si d'un côté Jonathan GLAZER avait eu l'intelligence de casser l'image de Scarlett JOHANSSON en lui offrant un rôle à contre-emploi dans Under The Skin (2013), de l'autre côté, Denis VILLENEUVE ne tente à aucun moment d'exploiter pleinement les talents de comédien de Amy ADAMS et de Forest WHITAKER.


Cependant, s'il est aisé de fustiger le long-métrage de Denis VILLENEUVE sur ses nombreux défauts, Premier Contact reste néanmoins un film au propos intéressant dans sa globalité, et ce malgré ses facilités susmentionnés, qui laisse penser pendant ses trente premières minutes que l'on se trouve face à l'un des meilleurs films de science-fiction de ces dernières années. Bien que comparable en de nombreux points à l'orgueilleux Interstellar (2014) de Christopher NOLAN, Premier Contact a le mérite d'être un film humble cherchant simplement à transmettre un message sans se livrer à quelconque forme de complaisance hautaine.


De plus, Denis VILLENEUVE, ou du moins Ted CHIANG, renoue dans Premier Contact avec l'un des letmotiv principaux de la science-fiction, et que le cinéma hollywoodien semble avoir oublié ces dernières années, qui consiste à utiliser l'anticipation pour émettre une critique sur le présent ou du moins apporter une piste de réflexion. Ainsi, sans s'enliser dans une niaiserie inutile, Premier Contact livre un message pacifique invitant à la population terrienne à la communication et au vivre-ensemble.


Cependant, si le message est aisément compréhensible, Denis VILLENEUVE le ternit quelque peu en proposant pendant un court instant des antagonistes humains – à savoir la République Populaire de Chine et la Fédération de Russie – et retombe ainsi dans les codes du blockbuster hollywoodien en clivant les personnages, les organisations ou les entités dans un système relationnel binaire, ce qui lui permet ainsi d'offrir un rythme capable de conserver l'attention du grand public aisément.


En somme, Premier Contact peut prétendre à un statut de bon divertissement qui s'aventure sur les sentiers de réflexions intéressantes mais s’avérera être immanquablement un parfait fiasco si l'on en attend plus de sa part. Cependant, il est nécessaire de souligner que Premier Contact donne un semblant d'espoir à propos de la qualité cinématographique à laquelle Blade Runner 2049 peut prétendre, malgré une première bande annonce qui relève plus du fan-made que de cinéma, et nous amène à penser que si Denis VILLENEUVE apprend de ses erreurs, il aura alors les cartes pour ne pas ternir le nom d'un monument de la science-fiction.

MrYerp
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le 18 janv. 2017

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Yerp Ono

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