Le lexique du temps
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L’arrivée. La rencontre. L’apprentissage. Puis…
Les mots ouvrent les portes du temps et l’introduction se mêle au final. Les ficelles temporelles se rejoignent pour ne former qu’un Tout, Unique, Distinct et la paix émergera à leur jointure.
Le dialogue, outil formidable du langage, s’immisce dans l’esprit de chaque espèce. Cette perle que l’Humanité tend à obscurcir brille d’une lumière éblouissante. La connaissance en jaillit lorsqu’on la met à profit. Difficile de croire que le premier réflexe de l’Humanité face au danger est un contraire : la rupture du dialogue. Celle-ci mène toujours à la catastrophe. Le langage est la clé de voûte du partage, de l’interaction et du savoir. Sans lui nous ne sommes plus des êtres de pensées. Il détermine ce que nous sommes, façonne notre mode de vie, nos habitudes, nos sentiments, en un mot notre être.
Le parcours de Louise (Amy Adams au charisme nacré) nous montre que le langage peut façonner notre esprit (l’hypothèse de Sapir-Whorf qui part du postulat que le langage en lui-même influence la manière dont une personne vit une situation, voit les choses, pense, voire même formalise des idées). Il est porteur de culture et peut parfois ouvrir sur un bouleversement intérieur vertigineux.
Le métrage joue habilement de nos sens et puisque nous ne pouvons utiliser le langage ; objet du film inopérant dans les salles obscures ; Denis Villeneuve nous offre d’autres outils. Notre corps est pris à partie : les vibrations extraterrestres envahissent notre peau, leur stature imposante envahisse notre champ visuel, quant à notre ouïe elle est accaparée par une alternance : le tumulte et le silence. Chaque séance avec nos hôtes est une expérience sensorielle. Chaque interlude un concentré d’émotion. Le puzzle se met alors en place et les souvenirs vont et viennes. La photographie est Malickéenne, le propos humaniste et c’est dans cette gestion de l’espace, de l’image, du temps et de l’encre que Villeneuve nous comble.
Le film est une dualité entre la quête scientifique et la quête humaniste. La froideur de l’image se heurte aux vastes souvenirs. Le réalisme préparatif laisse place à la quintessence onirique. Le fond prend le contre-pied de la forme. Ainsi, la confrontation est omniprésente. Seule la brume, brouilleuse brouillonne invoquera l’évidence.
Denis Villeneuve nous met face à notre obsession dévorante du contrôle absolu, et de la méfiance vis-à-vis de ce qui est étranger. Drôle de parallèle avec l’actualité en sommes. Surtout que, comme tout conte initiatique, le récit ouvre plusieurs pistes de lecture (sur notre rapport au monde, au langage, aux migrants, à la faune, à la mort, etc.).
Les vaisseaux ovoïdes, monolithe Kubrickien, ne sont qu’un concept qui amène l’esprit à s’élever. Lorsque nos pensées quittent la terre pour rejoindre l’édifice flottant, c’est pour s’ouvrir au Monde. Tandis que l’ultimatum est consumé, et que l’humanité s’apprête à convoquer les obsèques du langage, un seul cercle nous sépare du précipice.
Les grands yeux d’Ami Adams nous convient alors à la compassion. Il symbolise ce mélange entre joie et tristesse, déstabilise nos certitudes et nous happe. Les prémices du récit nous rendent indifférents, mais c’est dans leur conclusion que nous trouvons notre salut. Un sentiment indescriptible nous envahit. Alors nous prenons nos deux mains et nous les unissons dans un même appel au langage pour décrire l’impalpable.
Le film se ferme, et seules quelques notes flottent dans l’air. La musique elle-même échappe au cycle temporel. Composée d’une modulation de quintes parfaites (dites pures) elle forme un cercle, tout comme le langage, tout comme le temps.
Le cercle est la réponse, dans le passé, le présent et le futur.
« There are days that define your story beyond your life, like the day they arrived. »
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le 8 déc. 2016
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