Language is the first weapon drawn in a conflict.

Denis Villeneuve continue sur sa lancée en s’attaquant cette fois-ci à de la SF (histoire de préparer le terrain pour Blade Runner 2049). Et il en ressort qu’une fois encore, le réalisateur canadien nous donne un film super.


Arrival fait partie de ces films mêlant à merveille la SF, l’énigme et le thriller et qui nous fond adorer respectivement ces genres. Le rythme, tout d’abord, est incroyable : loin de partir dans des délires d’invasions apocalyptiques rasant des villes entières, le film se propose d’aborder le concept simple du premier contact, en tentant d’aborder une approche la plus réaliste possible. Et pour cela, quoi de mieux que de mettre un scientifique comme personnage principal ? Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas prendre le domaine le plus logique (quand on y pense), à savoir la linguistique ? C’est en ça où le film est une merveille, réussir à nous plonger dans une histoire extraordinaire à travers un regard extrêmement réaliste. L’importance donner au langage dans un premier contact prend ici tout son sens, et on finit par se prendre au jeu d’essayer de communiquer avec les heptapodes.


La construction même du film va dans ce sens, avec quatre parties bien distinctes et approximativement de même importance. La phase introductive, purement géniale, qui pose tranquillement les bases de ce qui est à venir, du contexte, faisant monter peu à peu le mystère autour de ces nouveaux arrivants, tout en mettant en œuvre l’impact sur le monde d’un tel évènement. Puis on a la seconde partie, la phase découverte, où l’émerveillement commence à prendre son envol, où on est (à l’image des personnages) complètement subjugués et emballés par cette découverte. Arrive alors la phase où l’humanité retombe dans ses travers, dans sa peur de l’inconnu. Le tout pour finalement ce conclure de façon magistrale. Un conclusion qui, en plus, donnera toute son importance au langage, prouvant ici que la linguistique n’est pas ici juste pour rendre l’histoire réaliste, mais vraiment pour servir l’histoire elle-même.


Cependant, Villeneuve a toujours à cœur de nous faire passer un message dans ces films, des messages sur la nature humaine. Prisoners, c’était sur la détermination d’un père à découvrir la réalité ; Enemy se portait sur l’identité de son personnage ; Sicario sur la fausse impression manichéenne du monde. Arrival s’inscrit dans la même lignée, portant ici un regard sur la transcendance par-delà le temps de notre propre vie et, d’une certaine façon, de notre libre-arbitre. C’est un message puissant et qui n’est pas forcément évident dès le départ du film, qui s’amuse à dévoiler des pistes sans nous donner la carte pour les suivre. Mais la conclusion l’apportera, et tout se fera alors clair (encore que). Sans oublier qu’il s’agit là d’une méthode plutôt originale et, a priori, plausible de voyage dans le temps.


Une histoire fantastique donc, qui s’accompagne d’un casting très largement à la hauteur. Amy Adams survole bien sûr l’ensemble, dans un rôle qu’elle incarne parfaitement et dans lequel elle réussit à nous transmettre à merveille les émotions de son personnage qui découvre peu à peu une réalité plus vaste. Jeremy Renner apporte également un soutien remarquable, dans un second rôle parfaitement maîtrisé. Forest Whitaker et Michael Stuhlbarg joueront quant à eux très bien le rôle de l’entité autoritaire contre laquelle l’héroïne est amenée à lutter. Un casting globalement très juste donc, mais surtout parfaitement adapté à ces rôles, dans le but de servir l’histoire et d’apporter un soutien à Adams, qui ne peut donc que briller (qu’elle n’est pas manchot).


Techniquement, Villeneuve nous montre une fois de plus que non seulement c’est un magnifique conteur d’histoire, mais que ces films sont toujours magnifiques à regarder. Nouvelle collaboration musicale avec Jóhann Jóhannsson, on retrouvera très rapidement les mêmes sonorités que celles qu’on avait eues pour Prisoners mais surtout Sicario et Enemy (que Jóhannsson n’avait pas composé), tout en gardant une âme propre illustrant parfaitement l’histoire (au point qu’on ne fera plus la différence entre la musique et le « parler » des heptapodes). Les décors seront sublimes tout en étant d’une simplicité extrême, voire complètement épurés ; donnant au film une ambiance visuelle particulière qui fera penser à 2001 ou le récent Interstellar par moment.


Je voudrais également tirer mon chapeau à l’équipe créative derrière le langage des heptatpodes : auditivement, c’est assez classique (des bruits électroniques) ; mais l’écriture est tout simplement superbe, d’autant plus qu’on a vraiment l’impression qu’ils ont créé tout un vocabulaire spécifiquement pour le film. C’est peut-être l’une des parties que j’ai le plus aimée du film, accentuant ce caractère réaliste et le poids de la linguistique (d’autant plus, que là aussi, ce n’est pas fait que pour faire joli, ça suit un but particulier).


Enfin, question mise en scène, Villeneuve nous prouve une nouvelle fois sa maîtrise de son sujet, avec des plans fabuleux et soignés (sans oublier le petit clin d’œil à Enemy), un montage qui peut déstabiliser un peu (notamment dans la seconde partie ou dans l’insertion des « visions » de Louise) mais qui renforce vraiment le rythme et la structure du récit. Et puis il y a une nouvelle fois la photographie qui est fantastiques, avec un jeu des lumières vraiment hypnotique, et des images tout simplement sublimes (l’arrivée sur le site au début de la seconde phase, un bijou visuel).


Arrival s’avère donc une réussite. Ayant appris relativement tard la sortie de ce film, j’en avais cependant de grandes attentes (le réalisateur, le casting, le concept), et Villeneuve ne m’a absolument pas déçu. C’est non seulement un des meilleurs films de l’année, mais aussi un des meilleurs films du genre traitant du thème. À voir absolument !

vive_le_ciné
8

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le 13 nov. 2016

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vive_le_ciné

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