Avec les voyages dans le temps, mieux vaut ne pas se Looper...

A partir du moment où on décide de parler de voyage et de boucle temporels, il est impératif de garder sous contrôle les potentiels paradoxes qui peuvent être engendrés. Surtout dans un film intimiste et posé dont la force repose sur les twists scénaristiques. Or les deux frangins derrière Predestination se sont un peu emmêlés avec les commandes de la DeLorean. Non pas que l'histoire tirée de la nouvelle "Vous les zombies" de R. Heinlein soit bancale, mais le déroulé du scénario est malheureusement mité et les spectateurs attentifs le désamorceront aisément et bien trop rapidement.

Sans trop en dire - car malgré ses défauts le scénario est tout de même au coeur du film - Predestination raconte pourquoi Jane a été amenée à changer de sexe et comment, plus tard, elle - enfin, il - va voyager dans le temps en tant qu'agent temporel chargé d'anticiper des drames. Si mon sommaire résumé vous parait décousu il faut toutefois comprendre que c'est non seulement voulu pour ne pas spoiler mais qu'a fortiori l'intrigue est réellement décousue et que le film se scinde en deux parties : l'histoire de Jane puis les voyages temporels.

Si la première partie se veut intimiste, elle a le mérite de mettre en valeur une Sarah Snook qui crève littéralement l'écran. Le fait qu'elle évolue dans des décors variés, soignés et cohérents vis-à-vis des époques qu'ils représentent ne gâche rien. D'ailleurs d'une manière générale le film est bien réalisé. Certes c'est académique mais c'est très propre et surtout une réelle ambiance est crée et arrive à s'installer durablement. Et il en va de même lorsque le personnage d'Ethan Hawke prend de l'épaisseur et entraîne le jeune homme - joué par une femme - dans les couloirs du temps.

Mais à partir de ce moment, les twists s'enchaînent et dès les premiers on peut dors et déjà remettre toutes les pièces du puzzle scénaristique en place. Tout est trop vite désamorcé et les retournements de situation devant faire le sel de l'oeuvre se révèlent creux car déjà anticipés. Reste qu'on veut voir la fin parce qu'au fond le film n'est franchement pas désagréable et qu'on garde l'espoir d'être peut-être face à une très grande oeuvre de SF. Malheureusement il n'en est rien.

Predestination n'est ni une grande oeuvre de SF, ni un grand film. C'est juste un beau gâchis qui aurait pu marquer durablement les esprits s'il avait été mieux construit et surtout s'il avait su mieux camoufler ses artifices. Reste donc un film un peu frustrant mais malgré tout divertissant et doté d'un scénario qui, pris dans son ensemble et avec un peu de recul, est vraiment original. Dommage.