Une vision assez difficile de ce troisième long-métrage de Denis Villeneuve. Je ne cache pas que j'ai mis deux ou trois fois sur pause. La violence est tout à fait supportable, aussi horrible soit-elle, dans un cadre purement fictionnel, mais quand elle est inspirée d'une tragédie ayant réellement eu lieu, qu'elle a touché de véritables personnes, des êtres comme vous et moi, là, c'est totalement autre chose.


6 décembre 1989, un gros tas de merde (le film ne le nomme pas, je ne le ferai pas non plus !), haineux misogyne obsessionnel, va assassiner 14 femmes à Polytechnique Montréal, avant de se donner la mort, lâche jusqu'au bout...


Si j'ai des réserves (sur lesquelles je vais revenir !) sur la narration, je suis d'accord pour ce qui est de l'introduction en flashforward qui montre de la manière la plus brutale et la plus atroce qui soit que la violence peut toucher n'importe qui à n'importe quel moment. Cette scène placée ainsi permet d'encore mieux comprendre les réactions des victimes et de s'identifier à elles.


Techniquement, notamment par la sobriété du noir et blanc, c'est maîtrisé de bout en bout. Denis Villeneuve est un cinéaste qui sait utiliser sa caméra. Avec elle, il filme une horreur réaliste, telle qu'elle est, donc agissant d'une façon sèche et rapide. Pas de ralentis, pas d’esbroufes poétiques, pas de tape-à-l’œil. L'horreur, juste l'horreur dans le quotidien le plus banal et le cadre le plus familier, où être dans une telle pièce à telle minute précise peut arbitrairement signifier la mort ou la vie.


L'humain dans le film va venir de deux points de vue, une étudiante et un étudiant, deux êtres normaux. Il y a en a un troisième, cette fois glacial, celui de quelqu'un qui est malheureusement un être humain. C'est à travers les deux premiers et quelques autres secondaires que l'ensemble trouve sa chair.


Il n'y a rien qui manque et il n'y a rien en trop.


Le problème réside en fait dans l'ordre dans lequel les séquences sont mises. Déjà, le réalisateur ne parvient pas à bien signifier dès le début qu'il y aura une séparation en trois points de vue. Et ensuite, il a tendance à trop partir complètement sur un pour ne revenir que tardivement sur un autre.


Là, où c'est le plus visible et le plus gênant selon moi, c'est lorsqu'on suit l'étudiant se sentant coupable de n'avoir pu rien faire, les événements finis, psychologiquement anéanti évidemment, avant de revenir en arrière, à la fusillade. Je pense que l'impact émotionnel du sort de ce personnage aurait été plus fort s'il avait été placé après, car ça apparaît trop, placé là où c'est, comme une respiration par rapport à l'intensité de ce qui se passe dans l'établissement d'enseignement supérieur ; alors qu'il ne s'agit pas du tout d'une respiration, mais au contraire d'une chose elle aussi terrible. Cela aurait mieux souligné que tout ne s'est pas conclu au dernier coup de feu du tueur, c'est-à-dire celui qu'il s'est tiré sur lui-même.


Mais, dans sa globalité, le tout aurait gagné à être (ouverture mise à part !) entièrement dans l'ordre chronologique, en alternant en conséquence beaucoup plus souvent entre les trois perspectives.


Reste qu'inévitablement Polytechnique est une œuvre aussi puissante qu'étouffante, ayant, en outre, le mérite de rester digne en ce qui concerne la mémoire des victimes et par rapport au traumatisme de leurs proches.

Plume231
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le 12 août 2021

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