Il existe beaucoup de raisons d'hurler.


On peut hurler d'énervement après quelqu'un. D'exaspération parce que les joueurs de l'Equipe de France de foot sont presque tous pourvus de deux pieds gauches carrés. De douleur, lorsqu'on se coince les doigts dans la portière de sa voiture. De plaisir, parce qu'un peu d'amour dans ce monde de brutes ça ne fait pas de mal. Par nécessité, lorsqu'on se transforme en loup-garou les soirs de pleine lune. Par erreur, lorsqu'on est bourré et qu'on se prend pour un loup-garou un soir de...semaine. De rire. De peur. Voire hurler par vocation lorsqu'on chante dans un groupe de death metal.


Ou, comme c'est le cas ici, de frustration quand on découvre qu'une formidable nouvelle de P. K. Dick est totalement sabotée par une fin indigente...


Adapté de Nouveau Modèle ( Second Variety ), Planète Hurlante ( Screamers ) plonge le spectateur dans un monde ravagé par la guerre atomique où deux camps retranchés s'opposent; le Nouveau Bloc Economique (NBE) et l'Alliance, composée de mineurs et de scientifiques. Ces derniers étaient chargés d'extraire un minerai révolutionnaire des entrailles de la planète Sirius 6B pour le compte du NBE mais devant la dangerosité de la ressource minière, ils décidèrent de se révolter contre leur employeur qui, en guise de représailles, leur déclara une guerre thermonucléaire. Oui, le syndicalisme était mal vu sur Sirius 6B...


Revanchards, les scientifiques de l'Alliance conçurent de petits robots meurtriers totalement autonomes chargés de traquer sans relâche les partisans du NBE terrés dans leurs bunkers pour les exterminer. Cela fonctionna. Durant un temps. Puis les robots évoluèrent d'eux même et se retournèrent contre leurs créateurs. Ainsi, tout ce qui était humain était voué à être déchiqueté par de petits robots se déplaçant sous terre, constitués de lames affutées et poussant des cris stridents pour déstabiliser leurs victimes. Eh oui, fallait pas déconner avec une technologie qu'on ne maîtrisait pas. Et particulièrement avec une technologie évolutive qui réserve à l'humanité une surprise de taille...


Planète Hurlante a tout d'un bon film de SF. Un background intéressant, des robots bien vicelards et un concept singulier et astucieux. Normal après tout puisque c'est à Philip K. Dick qu'on doit tout ça. Honnêtement, l'adaptation est vraiment réussie jusqu'à ce qu'arrive la fin du film. Certes, il y avait des modifications mais ces retouches ne dénaturaient en rien l'oeuvre originale. Le plus gros changement concerne l'univers puisque dans Nouveau Modèle ce ne sont pas le NBE et l'Alliance qui s'écharpent sur Sirius 6B à propos d'un minerai mais le Bloc de l'Est et de l'Ouest qui se mettent sur la gueule en Normandie car l'auteur, profondément marqué par la Guerre Froide, avait choisi cette dernière comme contexte. A part ça, les quelques ajouts scénaristiques insufflent un peu de suspens pour les lecteurs et densifient le rythme du film.


Mais il y a la fin et là c'est la douche froide. La stupéfaction, la colère, la déception, l'incompréhension; tous les motifs pouvant nous pousser à hurler sacralisés en 15 minutes, les ultimes du film.


Lorsqu'on réalise une adaptation, il est normal de s'approprier le matériau d'origine en y apportant des modifications, voire des changements majeurs. Mais si là je ne l'accepte pas, c'est que j'ai l'impression d'avoir été trahi. Christian Duguay s'est approprié Nouveau Modèle comme un chef MAIS en changeant ainsi la fin, il chie à anus déployé sur l'oeuvre de Dick. Et sur le spectateur. Certes, en tant que lecteur ayant adoré le papier du papa d'UBIK il se peut que je sois (un peu ?) influencé par l'écrit d'un de mes auteurs favoris mais, même en faisant abstraction de mon attachement pour ce Père Fondateur de la SF, je ne peux pas cautionner cette fin.


Attention,
ce qui suit dévoile la fin de Planète Hurlante ET celle de Nouveau Modèle.


Déjà, la présence d'un autre modèle d’androïde est inutile. Elle ne gêne en rien le bon déroulement du bon film mais elle n'apporte rien. Si ce n'était que cela qui posait problème, je signerai immédiatement. Non, là où j'ai commencé à pester c'est au niveau de l'histoire d'amour. Pour rappel, dans la nouvelle, la jeune femme qui est en fait un robot, berne le commandant Henderson et s'envole vers la station où est réfugiée l'humanité. Ainsi, chez Dick, l’humanité est condamnée. Les robots gagnent. Les Hommes se sont fait abuser et le paieront de leur vie. Dans le film, l'amour, SORTI DE NULLE PART, triomphe et la fin, bien qu'ouverte en mode teasing au rabais, ne prend pas parti.


C'est vraiment l'histoire d'amour qui me pose problème. Rien ne la légitime. Elle est non seulement dispensable mais a fortiori est à très, très faible valeur ajoutée au niveau du potentiel narratif. Elle est non seulement mal amenée mais en plus elle change radicalement la conclusion de l'histoire. Et ça, je ne le digère pas. Pas après tant d'efforts pour adapter le plus fidèlement possible l'oeuvre originale....


Comme je l'écris à la fin de mon spoiler, ce que je ne digère pas c'est ce revirement, qui plus est mal amené, qui change radicalement la conclusion de l'histoire originale alors que le réalisateur avait oeuvré pour respecter la nouvelle d'origine. Si encore ce changement était plus surprenant et/ou bien fait, pourquoi pas ! Mais là ce n'est pas le cas. Je pense que même ceux qui n'ont pas lu la nouvelle de Dick ont du tilter à propos de la fin. A propos du fait qu'elle ne soit pas naturelle. Que la greffe ne prend pas.


C'est dommage car le film se laisse pourtant regarder. Sortie en 96, cette adaptation suédoise nous offre certes des effets spéciaux un peu datés mais propose malgré tout de jolis environnements, des acteurs qui s'en sortent bien et de solides fondamentaux pour les amoureux de SF. Dick était un parano obsédé par la manipulation, le mensonge et les apparences trompeuses et tout cela est parfaitement retranscrit dans le film. Toute sa patte est bien retranscrite...sauf la fin.


Arfff, j'arrête de hurler ma déception.
Si vous êtes fan de SF, regardez-le et faîtes-vous vos propre avis.
L'univers et le concept valent malgré tout vraiment le coup.
Mais si vous en avez l'occasion, lisez la nouvelle. Elle fait une soixantaine de pages et sa fin, elle, est vraiment bien. Du genre à hurler de satisfaction !

MarlBourreau
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le 8 juil. 2015

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MarlBourreau

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