Une lente visite guidée des Caraïbes, sans pirates.

Après une trilogie haute en émotion autour d'une malédiction avec des pirates et des monstres du folklore marin, nous voici au début d'une nouvelle ère avec La Fontaine de Jouvence. Mais tout ce que je peux dire de ce film, c'est qu'il fait tache au milieu de la franchise.

Mettant plus d'une demi-heure à se mettre en route, le film se dote de scènes enchaînant les gags qui ne font pas avancer l'histoire. Avec un Jack qui essaie, comme dans le tout le premier film, d'échapper aux soldats de la couronne. C'est au bout d'une demi-heure, pleine de rebondissements inutiles, qui auraient du être bien agencée pour économiser du temps, que l'on rencontre Angelica, le personnage campé par Pénélope Cruz. Son personnage donne un peu de vie au film, du piquant et de l'inattendu. Sa première scène est une reproduction presque identique dans les lieux et la chorégraphie, que celle du premier film entre Jack et Will. C'est lors de cette scène où ils se battent dans une forge, et sur les fondations du toit. Dans ce quatrième volet, Jack et Angelica refont la même chose, remontant eux aussi sur les fondations, pendant que l'armée de la couronne traque Jack. Le capitaine Jack Sparrow ne fait pas son grand retour. Personnage important, vital, aux connaissances incroyables sur les océans, il n'est plus rien de tout cela. On joue sur sa personnalité fantasque et étrange, ainsi que les mouvements bizarres dont Johnny Depp nous a habitué. Mais ce n'est pas simplement ça qui fait le personnage de Jack. Dans ce quatrième volet, Jack perd sa splendeur, son génie, son cran, pour se faire trimballer comme un personnage quelconque dans l'intrigue.
Après avoir rencontré Angelica, le film perd encore du temps en nous faisant balloter sur les mers entre un Barbosa devenu corsaire pour le roi, ce qui est je l'avoue très comique et qui rajoute un petit plus au film, et un Jack qui met en place une mutinerie pour reprendre le contrôle du bateau Queen Anne's Revenge. Un bateau qui soit-disant passant est contrôlé par Barbe-Noir qui grâce à son sabre peut lui faire prendre de la vitesse, peut contrôler les cordages et peut faire cracher du feu grégeois par la partie avant du navire. Un bateau du tonnerre, reprenant un peu l'esthétique du Hollandais Vollant de Davy Jones. Ce qui est extrêmement dommage, c'est le peu d'utilité de ce navire. A part l'utiliser pour traquer des sirènes et brûler un pauvre cuistot, le bateau de Barbe Noir ne sert à rien du tout.
Ensuite parlons de Barbe-Noir, il est le nouveau "méchant" de l'histoire. Il suit la lignée de Barbosa et Davy Jones. On va pas se mentir, après Davy Jones, il y a un long chemin à faire. Seulement, Ian MacShane choisit pour le rôle, n'est habillé que de noir, maquillé avec un peu de noir, avec une petite barbe noire, ne donne pas l'impression de faire un grand méchant terrifiant. Le film s'est juste contenté de dire par le personnage d'Angelica, qu'il fallait qu'il sauve son âme parce qu'il était trop cruel. On y croit pas une seconde. Il est vrai que ce n'est pas un gentil, et Ian MacShane joue bien, mais ce méchant fait carton à côté du Barbosa maudit du premier et de Davy Jones avec son armée d'hommes poissons. Ensuite, pour un "méchant" avec une telle renommée, je suis très surprise qu'il n'est pas son propre équipage pour son navire de compétition ( à part ses deux zombies). Il doit se contenter d'un équipage de bras cassés, aux cerveaux malléables par les fantasques histoires de Jack.

La quête de la Fontaine de Jouvence est motivée par le personnage d'Angelica, la couronne d'Angleterre et celle d'Espagne. Nous sommes habitués à voir plusieurs fronts dans des quêtes pour retrouver des trésors ou autres… Mais ici, la quête est plate. Angelica ne fait que répéter le rituel à Jack, qui semble visiblement avoir une cervelle et une mémoire de moineau. Elle est un personnage prétexte très attachant en fait. Le film est donc plat, entre Barbosa qui prépare un navire au combat mais qui n'attaque pas, des dialogues qui se répètent et avec une intrigue plate sans péripéties.
Exit les navires qui brûlent dans l'eau, les combats d'épées sur les océans, les stratégies intelligentes de Jack. Le seul moment qui renferment de l'action, c'est la chasse aux sirènes. Un moment magistral de 10 minutes, qui a coûté très cher. Justifiant peut-être le reste du film sans véritable action. Mais la scène des sirènes a le don d'être extrêmement bien orchestrée, filmée, et jouée. Je trouve dommage que les sirènes ne soient pas plus visibles, on a l'occasion de les revoir quand Barbosa, un peu à la traine derrière Jack, Barbe-Noir et Angelica, se retrouve sur leur île, White Cap Bay. Au lieu de voir une scène de destruction de bateau par les sirènes, qui aurait pu compenser la lenteur du film, nous avons seulement un bateau en arrière plan qui tombe dans l'eau avec des cris de sirènes. On y croit à fond!

Reprenant le modèle du premier film, ce quatrième volet nous donne une histoire d'amour entre Philip et Sirena ( la sirène capturée avec un prénom très original). Outre le fait qu'Astrid Bergès-Frisbey joue extrêmement bien sans beaucoup de répliques, et que Sam Calfin est aussi très bon, on y croit pas du tout. Leur romance dure un peu une demi-heure dans l'histoire. On peut croire au coup de foudre, mais dans le premier film, Elizabeth et Will nous ont fait attendre 2h pour enfin se dire qu'ils s'aimaient. Je trouve que c'est dommage, mais on s'accroche à ça. C'est le seul élément qui te donne envie de continuer à voir le film. On a juste envie de savoir s'ils vont finir ensemble. Exit la Fontaine de Jouvence et la romance sans alchimie de Jack et Angelica, on est plus motivé par l'amour impossible de la sirène et du prêcheur. Dommage que leurs importances dans l'histoire soient vraiment peu impactantes. Ca aurait été intéressant de les développer d'avantage. Mais bon, à une 50 minutes de la fin du film, on a plus le temps de faire du sentimentalisme.
Le film n'est qu'une suite faite de randonnée dans les Caraïbes. Il n'y a pas vraiment d'enjeu. Pas vraiment de danger. Les motivations sont pas vraiment impactantes. Arrivant enfin à la Fontaine de Jouvence, le film nous ressort les fameux plot twist de la franchise. Sans vraiment de moment culminant où on a peur pour nous personnages préférés, le film se termine sur une fin à la Jack Sparrow. La bataille finale est là aussi une copie de celle du premier. Outre le fait que ce soit Jack et Barbosa qui se batte dans une cavité magique, c'est Barbosa et Barbe-Noir. On fait mieux au niveau originalité.

En conclusion, ce film est une lente randonnée, en manque de Pirates avec un surplus de Caraïbes. Il a mit beaucoup trop de temps à s'installer. Le film tente des comparaisons avec le tout premier film, montrant alors son manque d'originalité et de profondeur. Le rôle et l'image de la Fontaine de Jouvence aurait du être mieux travaillé. Si elle avait eu plus de pouvoir et de mystère, peut être que les personnages auraient eu plus de motivations et de crans. Le film se contente d'une promenade de dialogues répétitifs, dans des scènes inutiles. Je pense que les sirènes auraient du introduites plus tôt (elles arrivent à la moitié du film qui dure 2h19). Et l'image même de la sirène aurait du être plus présente pour donner un coup de boost au film. On aurait pu construire un film autour de pleins d'enjeux, si seulement le temps avait été mieux utilisé. Si seulement… On aurait put faire tellement plus qu'une randonnée sur terre avec le mystère de la Fontaine et celui des sirènes. Mise à part le fait qu'on est besoin d'une larme de sirène, on ne sait pas pourquoi. Quelles sont les propriétés d'une larme de sirène… Était-ce juste pour donner vie aux sirènes lors d'un film, parce qu'on ne les avait pas encore vues?

Le scénario est mal construit, l'armée espagnole se pointe ni vue ni connue, comme si ne rien n'était. On ne connait pas vraiment leurs motivations, rien d'eux en fait… Ils arrivent comme des cheveux sur la soupe à quatre reprises dans cet opus. Barbosa est réduit dans ce film à sa fascination pour des grenouilles vénéneuses, avec sa perruque blanche et son maquillage affreux. Jack fait des allers retours avec ses mimiques de d'habitude. Angelica porte tout le film sur son dos, ses problèmes d'écritures, sa lenteur et son ennui. Les personnages secondaires de Philip et Sirena donnent un peu d'espoir avec leur histoire d'amour impossible et très rapide. Et Barbe-Noir est moins terrifiant que le singe de Barbosa. On va très loin avec ça.
La franchise aurait bien besoin de rajeunir. Il y a eu une tentative pour retrouver l'esprit du tout premier volet, en voulant peut-être instaurer une nouvelle trilogie. Mais ça ne marche pas, le film se plombe tout seul. On peut très bien le regarder, c'est possible et apprécier les moments comiques de Jack. Mais bon c'est juste deux longues heures, sans enjeux et véritables motivations.