Philomena par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le drame se déroule en 1952 dans la très pudibonde Irlande. Une jeune fille, Philomena Lee, rencontre par hasard un jeune homme dont elle tombe immédiatement amoureuse. Malgré les "convenances" de cette société sclérosée par la religion, Philomena, conquise et confiante fait l'amour pour la première fois de sa vie et tombe enceinte. Immédiatement le couperet tombe. Elle subit le désaveu de sa famille et se retrouve dans un couvent. C'est là qu'elle va accoucher dans de terribles souffrances, c'est la première punition. La seconde est bien pire, cette institution pousse le sadisme à vendre les bébés à de riches familles. Les américains sont très friands de ce commerce abject. C'est ainsi que l'enfant est soustrait à sa mère et part pour l'Amérique. Le choc est terrible, Philomena a bien vieilli mais ne désespère pas de retrouver un jour son fils...


Une jeune fille, pour un instant de plaisir intense, le paie très cher. En 1952, beaucoup de familles, irlandaises notamment, ne plaisantent pas avec ces toutes jeunes femmes enceintes, abandonnées par un gentil et beau garçon bien lâche se carapatant après avoir pris son plaisir. Une religion prônant l'amour et la paix ne pardonne pas. Elle ne suit pas la voie du Seigneur qu'elle vénère soi-disant. C'est ainsi que Philomena est considérée comme une "traînée*" pour ne pas dire plus. La maison de redressement n'est autre que le couvent sur lequel règnent des sœurs revêches. Les autorités religieuses, bien clémentes avec les croyances exacerbées des êtres qui se rendent coupables de blessures éternelles, aggravent leur culpabilité en sanctifiant ces couvents, ces lieux de perdition dans lesquels un accouchement devient une torture. Ici, plus encore, on sépare les mères de leurs enfants, ceux-ci devenant alors des "marchandises" à vendre à des couples "bien comme il faut" .
Philomena, bien qu'un peu naïve, n'a rien oublié des atrocités. Elle revit sans cesse au détour de ses pensées cette scène d'enlèvement dans laquelle elle est le témoin impuissant. Elle veut retrouver ce fils chéri qui vit en Amérique et dont elle est sans nouvelles.
C'est alors que cette femme meurtrie va faire la rencontre d'un certain Martin, un journaliste fouineur écarté par son employeur et très intéressé par cette affaire dramatique. Tous deux décident de partir vers les États-Unis afin de reprendre contact avec ce fils éloigné. C'est alors qu'un véritable "jeu de piste" s'organise, chacun des deux protagonistes tentant de rassembler les éléments susceptibles de mener à bien cette douloureuse entreprise. Les mœurs et les événements vont avoir de quoi surprendre cette mère mais qu'importe! La ténacité et cet amour contenu imprégné de curiosité reste toujours aussi fort. La naïveté de Philomena entrainée par Martin se transforme alors en hardiesse. Dans le couvent maudit, depuis ce drame, la mentalité n'a pas trop changé, le mal est juste moins visible mais l'Église fait toujours semblant de ne rien savoir...


Dix ans plus tard, Stephen Frears nous replonge dans le terrible univers de "The Magdalene Sisters" de Peter Mulan prouvant que de 1952 à 1964 rien dans cette Irlande religieuse n'avait changé. "Philomena" décrit avec une belle efficacité et beaucoup de talent pour nous subjuguer et nous révolter le drame de ces mêmes jeunes femmes torturées à vie. Là encore le réalisateur nous offre, au travers de cette histoire vécue, un film bouleversant afin de dénoncer ces religieuses et religieux confondant charité et amour afin de justifier une morale ancestrale. L'intrigue est passionnante de bout en bout avec des flash-back ravivant les moments cruels. Elle nous promet un final surprenant empreint de majesté. De plus on peut constater que Stephen Frears expose son sujet avec beaucoup d'adresse évitant le piège du réquisitoire anti-religieux et cette souplesse donne à cette œuvre plus de crédit.
L'interprétation de Sophie Kennedy Clark, Philomena jeune fille, est très touchante convaincante dans son chemin de croix. Celle-ci est devenue une femme d'un âge respectable et là c'est Judi Dench qui prend le relais dans la peau d'une Philomena un peu décalée, parfois naïve mais aussi pleine d'obstination et de grandeur d'âme. Dans sa quête désespérée elle est accompagnée par Martin, Steve Coogan, aussi obstiné que son infortunée compagne. Celui-ci se montre efficace dans ce rôle de "journaliste-enquêteur" remuant les montagnes pour connaître les vérités.


Je vous conseille vivement ce film qui dépeint avec efficacité ce portrait de femme condamnée à la souffrance de l'absence, à l'injustice et à l'obscurantisme d'une partie de l'Église. En 2013, les jurys de la "Mostra de Venise" et de bien d'autres festivals ne sont pas restés insensibles à l'adaptation de cette triste et révoltante histoire.


Note: 8/10

Créée

le 19 mars 2017

Critique lue 2.2K fois

42 j'aime

19 commentaires

Critique lue 2.2K fois

42
19

D'autres avis sur Philomena

Philomena
Grard-Rocher
10

Critique de Philomena par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le drame se déroule en 1952 dans la très pudibonde Irlande. Une jeune fille, Philomena Lee, rencontre par hasard un jeune homme dont elle tombe immédiatement amoureuse. Malgré les "convenances" de...

42 j'aime

19

Philomena
zoooran
8

À la recherche du temps perdu.

Philomena, jeune femme s'étant fait arracher son enfant à la naissance car elle était au couvent décide, 50 ans après, de se mettre à sa recherche, en Irlande puis aux États-Unis, avec l'aide d'un...

le 8 janv. 2014

29 j'aime

5

Philomena
-Marc-
7

Ah, les salopes!

Philomena est un drame humain qui nous amène tout en finesse sur le thème des extrémismes religieux et de l'intolérance. Philomena a connu l'amour à 14 ans. Enceinte, elle a été confiée aux sœurs du...

le 29 janv. 2015

20 j'aime

2

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

176 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

166 j'aime

35

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

156 j'aime

47