Après avoir explorer les souvenirs amoureux de personnes d'âges murs dans Les Invisibles et l'adolescence dans Adolescentes, le réalisateur Sébastien Lifshitz revient avec cette fois ci le portrait d'une enfance pas tout à fait comme les autres alors que pourtant elle devrait l'être. Petite Fille est un film difficile à aborder, défendre et critiquer tant la force de son sujet et les débats qu'il implique pourra vite prendre le dessus sur la froide analyse du film en tant que telle.


Petite Fille est un documentaire qui suit sur plusieurs mois le quotidien de Sasha qui est né garçon mais qui se sent et ce revendique comme une petite fille depuis ses cinq ans. Le film montre également le combat de sa famille pour l'accompagner et la faire accepter telle qu'elle.


Si vous cherchez un documentaire blindé d'argumentaires contradictoires , d'expertises d'experts, de théories médicales, sociologiques et morales vous pouvez clairement passer votre chemin. Petite Fille s'adresse au cœur bien plus qu'il ne sollicite l'esprit et c'est bien ce qui fait toute sa force mais aussi toute sa faiblesse Bien loin de moi l'idée stupide de prétendre que celles et ceux qui n'aimeraient Petite Fille n'ont pas de cœur , mais de toute évidence le choix de Sébastien Lifshitz est de faire un film sensible et touchant pour amener le débat dans une sphère intime, émotionnelle et quotidienne. Personnellement je ne sais pas si le film de Sébastien Lifshitz est manipulateur, si il joue sur la corde sensible, si il impose sa vision plus qu'il ne propose la réflexion et à la limite je m'en bat royalement les couilles (car je suis né garçon et je le suis resté) tout simplement parce que cette petite fille et sa famille m'auront bouleversé. Et galvanisé par l'émotion de ce combat magnifique d'une mère folle d'amour et pleine de doutes pour le bonheur de sa fille je n'avais que cette idée en tête "Mais ça emmerde qui que ce petit garçon s'épanouisse en petit fille et qui a le droit de lui refuser le bonheur et l'insouciance de son enfance". Je l'avoue sans la moindre retenu mon petit cœur de grand brulé griffu s'est serré plus d'une fois devant les yeux remplis de larmes de Saha, devant ses silences incapables d'exprimer sa tristesse et devant les petits bonheurs de gamine que sa famille lui préserve encore.


Plus que simplement la question de la dysphorie de genre, Petite Fille parle d'identité, de liberté, de différence, d'acceptation et de tolérance. Effectivement le film de Sébastien Lifshitz ne laisse pas trop de place à la contradiction et nous emporte dans un tourbillon émotionnelle parfois trop appuyé notamment par sa musique; mais les mots et les regards de Sasha n'ont pas le moindre artifices et ne trompe jamais sur sa douloureuse sincérité. La seule véritable question plus polémique qui me hante est de savoir si à cinq ans on est parfaitement capable de décider de ce que l'on est et de ce que l'on sera plus tard. Le débat pour moi n'est même pas de savoir si l'on est en droit de se sentir fille si l'on est garçon et inversement mais quand est on vraiment en mesure de le savoir et le décider ? Au delà de l'émotion primaire d'un documentaire qui m'aura souvent mis les larmes au yeux il me reste des questions et des abîmes d'interrogations. Petite combattante Sasha s'apprête à vivre une vie entière remplie de doutes, de contradictions et de souffrances existentielles qui lui seront le plus souvent renvoyés aux visages par les nombreux esprits étroits qu'elle ne manquera pas de croiser. Paradoxe ultime de s'octroyer une future vie de douleurs pour le bonheur de se sentir en adéquation avec soit même. Et d'un coup l'une des vérités de Petite Fille me saute au visage, l'histoire de Sasha ne sera un problème que pour celles et ceux qui décideront que s'en est un...


Bon courage petite, j'espère que tu deviendras grande comme toutes celles et ceux qui deviennent simplement des adultes sans trop perdre de vue les enfants qu'ils étaient. Je ne te souhaite pas le droit à la différence , mais celui à l'indifférence pour ne plus être considérée comme à part mais au contraire comme tout le monde.

freddyK
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le 8 déc. 2020

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Freddy K

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