La force de ce documentaire, c'est qu'il ne ressemble pas à un documentaire. Ce que je veux dire là c'est qu'on est pas dans un format reportage qui est le format majoritairement adopté dans les documentaires, là c'est bel et bien un film de non-fiction.


Le sujet abordé est très compliqué à traiter car il est souvent mal connu du grand public et que si le traitement dessert la cause, alors ça ne valait pas le coup de faire un film. Or, Sébastien Lifshitz a tout compris. L'idée c'est que le documentaire suit une progression naturelle en termes de narration, car ce documentaire raconte quelque chose, mais qu'il ne tombe jamais dans quelque chose de faux.


Je vois déjà venir les potentiels détracteurs du film en se disant "Ouais bon quand même c'est beaucoup la mère qu'on voit parler dans ce documentaire, la petite ne dit pas grand chose". Sauf que si la mère peut effectivement tricher dans l'idée, ce n'est pas le cas de Sasha. Et c'est là que Lifshitz fait du cinéma dans un sens puisqu'il réussit à capter la beauté ou la tristesse du quotidien de cette fillette juste avec sa caméra. Isolée et mise à l'écart dans le cadre par rapport aux autres petites filles en cours de danse, on la sent perdue. Face aux miroirs déformant du Parc Saint-Paul (j'ai cru reconnaître, j'espère ne pas me tromper), ce n'est pas par hasard qu'elle s'amuse. La voir en pantalon et en robe et à quel point elle ne transmet pas les mêmes émotions rien que par les regards ou son langage corporel, c'est très fort aussi. En bref, on sent la sincérité du message, la sincérité de cette petite fille, même si elle parle peu dans le film.


Ce qu'on ressent aussi, c'est un sentiment de révolte en se disant que ce qui devrait ne pas être un problème devient un combat de tous les jours pour sa famille. Les relations difficiles de la famille avec le personnel de l'école de Sasha par exemple sont bien retranscrites, et ça passe aussi par le montage. C'est vraiment ce qui est fou avec cette façon d'appréhender le documentaire en tant que genre du cinéma, le réalisateur a fait un film qui se tient à 100% en tant que film et pas uniquement en tant que documentaire qui servirait à informer les gens sur un sujet.


Un tel film permet de voir les choses sous d'autres perspectives. Moi-même je suis de base plutôt mal à l'aise à l'idée de me dire qu'un enfant puisse vivre une dysphorie de genre dans le sens où en étant petit, ça peut très bien n'être qu'une phase. En gros je me disais "ça tombe on enferme un gosse dans une case dès l'enfance alors que c'était juste une phase de sa vie où il n'avait pas l'impression d'être à sa place dans son corps". Parce que la transidentité est aussi grandement influencée par la société à mon avis (je doute que les gens qui ne vivent pas mais survivent au jour le jour dans des pays sous-développés aient le temps de se poser des questions sur leur propre identité par exemple), mais en soi si ça rend des gens heureux de s'affirmer comme ils sont, je ne vois pas pourquoi ça me dérangerait, au contraire. Mais je m'égare, ce n'est pas vraiment de ça que traite le documentaire.


En tout cas ici et c'est ce qui est rassurant, c'est là qu'on voit la bienveillance des parents dans ce film, c'est que ce n'est pas irréversible. A partir de ce moment-là, tu peux être sûr que tu ne fais pas de mal à ton enfant, que ce n'est pas juste une phase ou un caprice, parce qu'au pire des cas si ça l'est et bien... Il y aura moyen de faire marche-arrière. Cette famille soutient cette gamine parce que cette famille a fait l'effort de la comprendre et c'est énorme en soi.


Voilà, je pense qu'il est inutile d'en dire plus, c'est plutôt bouleversant comme film... Voyez-le avant de juger, vous risqueriez d'être surpris.

GuillaumeL666
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le 2 déc. 2020

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Guillaume L.

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