Kristen stewart est personal shopper, ce qui consiste à acheter des fringues hors de prix pour une vedette capricieuse alors qu’on est soi même pauvre et mal sapée. Elle a perdu son frère jumeau récemment, et déploie une palette d’émotions très variée, comme suit : cernes – cheveux gras – absence de soutien-gorge ; pour bien personnifier l’errance, l’apathie et une capacité mal dégrossie à communiquer avec l’au-delà. Elle ne finit pas ses cigarettes, sa bière, son café ou ses phrases, et c’est encore pire quand elle se laisse distraire par une partie de qui est-ce coquin par sms avec un inconnu. Cet interlocuteur mystère l’encourage à faire des trucs un peu border pour la sortir de sa torpeur (genre porter la gaine et le harnais sm de sa boss tyrannique) ; s’instaure alors un jeu du chat et de la souris qui s’apparente davantage à une psychothérapie en ligne, et qu’on devine cathartique pour notre Kristen endeuillée. Il lui donne des rendez-vous sur des post-it, et elle se retrouve toute seule dans une chambre ibis avec une robe à sequins qui gratte.


Ensuite, ça part en mode scream, elle découvre le cadavre de sa patronne dans une mare de sang et un esprit frappeur claque les portes de l’appartement. Le mystérieux inconnu qui la poussait au vice lui envoie des textos inquiétants à la « je suis juste derrière toi » (comme ces légendes urbaines qui tournaient en primaire et qui me glaçaient les os en vérité) ; pourtant lorsqu’il lui donne un ultime rendez-vous, elle se rend sur les lieux. Quelqu’un entre dans la chambre – fondu noir.
Et attention, voici le morceau de bravoure du film, celui qu’on pensait être l’auteur des sms (et qui est également l’assassin), et dont on s’imaginait qu’il allait coincer Kristen pour la faire chanter/la menacer… se trouve en fait dans la chambre voisine. Si on manque l’habile tour des numéros sur les portes, on comprend rien à la scène à la fois naïve et culottée du jumeau ectoplasmique (invisible, donc) quittant l’hôtel. L’idée c’est que Kristen, qui attendait nonchalamment et sans jamais dormir un signe envoyé par son frère depuis l’au-delà, recevait donc ce signe sous la forme d’une longue conversation sms. Fait amusant, elle envoie des imessages mais reçoit des messages classiques, alors soit y a pas de 4G dans l’autre monde, soit son frère c’était un boloss il avait pas d’iphone.


En vrai tout ça n’est pas mauvais (sauf ces fondus noirs façon « page qui se tourne », censés diffuser une ambiance un peu somnambule et éthérée, mais qui plombent la fluidité), c’est difficile de faire un film de fantômes (bien qu’il ne s’agisse pas exactement de cela) qui ne soit pas passéiste, ne fasse pas appel aux effets éventés de rigueur, et parvienne à illustrer une certaine forme de spiritualité à travers des biais très actuels. Dans ce sens, c’est plutôt réussi. Et même la scène de presque fin, l’apparition d’adieu du défunt, m’a carrément foutu les pétoches (même s’il s’agit juste d’un figurant flou traversant la cuisine sur une planche de skate).
D’autres aspects du film ont pour autant été complètement délaissés, genre le contenu du dialogue qui s’établit entre les jumeaux, déguisé surtout pour tromper le spectateur, est d’une inanité sans nom. Ca sonne vraiment comme un mauvais jeu de rôle tinder « pour apprendre à se connaitre ». Alors bon, on s’imagine qu’elle savait depuis le début qui était l’auteur des messages, et que c’est pour ça que la conversation n’a pas pris le tour kinky qu’elle laissait présager au spectateur. Rétrospectivement, pour celui qui s’est laissé duper (comme moi), l’ensemble conserve tout de même de vagues relents incestueux, mais cool au demeurant. A la fin, malgré le doute qui plane concernant sa santé mentale, Kristen n’a plus de cernes, mais l’histoire ne nous dit pas si elle recommence à porter des soutifs.


(mention spéciale pour la brève mais significative performance de Benjamin Biolay en Victor Hugo qui fait tourner les tables)

EstherQuernai
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le 14 févr. 2018

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EstherQuernai

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