Après l’élégant et beau Sils Maria, Olivier Assayas s’aventure de manière assez surprenante dans un genre qui ne semblait pourtant pas être son lieu de prédilection, le cinéma fantastique. Accueilli très froidement par la presse et les festivaliers au dernier festival de Cannes mais reparti avec un Prix de la Mise en Scène, ce film de fantômes intrigue autant qu’il déçoit. Il a en tous cas le mérite de nous interroger sur la capacité de cinéastes français auteuristes à se confronter au cinéma de genre.


Maureen est américaine. Elle est belle, jeune, vit à Paris, et exerce le métier parfait pour être à la fois branchée et précaire, jouer sur les deux tableaux, ainsi que pour donner un titre hype au film. Maureen est personal shopper, c’est-à-dire qu’elle s’occupe de la garde-robe d’une célébrité. Mais si elle reste à Paris, c’est avant tout pour attendre des signes de son frère défunt dans son ancienne maison. C’est le point de départ de ce Personal Shopper dont on voit tout de suite qu’il mêle deux films. L’un, chic, sur une jeune fascinée par la mode, l’autre, étant un film de fantômes. Et le problème essentiel du film est ici. On a l’impression pendant toute la durée de la projection que jamais ces deux films ne se rencontrent vraiment. Ils semblent séparés arbitrairement, comme si Assayas avait envie de réaliser ces deux films mais n’avait jamais vraiment réussi à trouver comment coordonner ces deux idées et les lier pour nous donner une œuvre homogène. Ce Personal Shopper, mis en chantier à partir d’une feuille blanche selon les dires de l’auteur, ressemble à un projet abâtardi, au mieux malade, partant un peu dans tous les sens, et dont on peine à cerner le propos, ou le sens.


Il y a donc ce film mode, ou plutôt ce film chic. Assayas multiplie les plans où Maureen s’habille dans des vêtements haute-couture, se recoiffe face caméra, en accumulant jusqu’à l’épuisement les placements de produits. Il y a une telle complaisance chez le cinéaste dans ces placements, affirmant un embourgeoisement inconscient de tout assez insupportable qu’on pouvait déjà redouter dans Sils Maria (2014) mais qui était déjoué par une authentique profondeur du récit et des enjeux. Ici, on ne voit que ces placements de produit, et on veut que ça cesse. Bien sûr, nous ne l’avons pas encore dit, mais la fameuse Maureen est jouée par la sublime Kirsten Stewart. Le film semble d’ailleurs avoir été réalisé pour que chaque critique écrite sur le film contienne cette expression : « la sublime Kristen Stewart ». Le problème, c’est que cela ne suffit pas à passionner. Assayas est aussi complaisant dans sa manière de la filmer que dans sa manière de placer Gucci, Apple et consorts dans son scénario. Pourtant, Stewart est belle, envoûtante et reste une actrice absolument formidable dont la présence suffit à ne pas regretter d’avoir payé sa place pour le film. Mais au lieu de véritablement électriser le film, elle devient alors un produit parmi d’autres, dont Assayas vient mettre en valeur les formes mais à qui il n’offre rien d’autre qu’un écrin pour se regarder langoureusement dans le miroir, ou à la rigueur se masturber pour faire joli avec à la clé, une des scènes les plus embarrassantes de l’année, après la scène de comédie musicale dans La Folle Histoire de Max et Léon (Jonathan Barré, 2016). L’ambition est clairement ici de finalement dresser un portrait du monde contemporain ultra-connecté et mondialisé. Le problème c’est qu’Assayas ne se confronte jamais à ce contemporain, et ne se contente que de le reconstituer de manière extrêmement pauvre. Cela se voit notamment dans les atroces fausses vidéos Youtube, dont une où Benjamin Biolay récite dans un costume 19ème sans doute trouvé à la Grande Récré un texte de Victor Hugo, autre grand moment d’embarras de l’année, même si j’oubliais aussi les scènes de Jared Leto en Joker dans Suicide Squad (David Ayer, 2016) .


Pour lire la suite:
http://faispasgenre.com/2017/01/personal-shopper/

PjeraZana
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le 1 déc. 2017

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PjeraZana

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